Le samedi 2 juillet 2022 à 14:15
Des policiers affectés à Nice, Cagnes-sur-Mer et Antibes dans les Alpes-Maritimes, ont assuré le service d'ordre du dernier meeting d'Emmanuel Macron, le 17 avril 2017 à Paris-Bercy, avant le premier tour de l'élection présidentielle. Mais la majorité d'entre eux n’ont pas de carte professionnelle les autorisant à exercer dans la sécurité privée rapporte Le Parisien ce jeudi. Une information évoquée par Mediapart en janvier dernier.
Ces fonctionnaires ont été rémunérés "au black" par Fortunato B., 56 ans, leur chef et intermédiaire, qui a été mandaté pour effectuer la sécurité, alors même que ses entreprises sont interdites d'exercer en France. Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), l’organe dépendant du ministère de l’Intérieur chargé de l’autorité dans les métiers de la sécurité privée, n'a pas sanctionné ces fraudes, malgré une enquête interne.
Cette enquête a été "classée" par le préfet Cyrille Maillet - nommé par Emmanuel Macron à la tête du CNAPS en 2018 -, contre l'avis des chefs de service qui faisaient part de "très nombreux manquements", justifiant un passage devant la commission de discipline, comme le montre un document interne que s'est procuré Le Parisien.
Condamné en 1985 à trois ans de prison pour deux vols à main armée, Fortunato B. a aussi officié avec ses troupes lors de deux autres meetings de la campagne d'Emmanuel Macron, à Marseille (Bouches-du-Rhône) et à Grenoble (Isère), montre l'enquête administrative du CNAPS. Les policiers ont là aussi été payés "au noir". Ces derniers ont également assuré la sécurité d'un gala de charité donné par le célèbre acteur américain Leonardo Di Caprio, le 25 et le 26 juillet 2017 au domaine de Bertaud-Bélieu, à Gassin (Var). Là encore les fonctionnaires ont été rémunérés de la main à la main.
L'enquête a permis d'identifier huit des neufs policiers impliqués. Trois seulement sont titulaires d'une carte leur permettant de travailler dans la sécurité privée. Les entreprises de Fortunato B. ne disposent cependant pas d’habilitation pour le territoire français et n’ont pas déclaré de prestation pour ce gala, ni pour les meetings de campagne présidentielle.
«On avait bien conscience qu’on était hors-la-loi»
Face au contrôleur du CNAPS, l'un des policiers est passé aux aveux : "On avait bien conscience qu’on était hors-la-loi, c’est pourquoi on a donné de faux noms sur les badges". L'un a même choisi de s'appeler Marcel Patulacci, en hommage au sketch mythique des Inconnus. "Fortunato B. nous avait dit être un officier de liaison pour le compte du ministère de l’Intérieur", ont affirmé plusieurs policiers. Des photos de Fortunato B. en compagnie d'Emmanuel Macron, à l'Élysée en juin 2017 lors d'un brunch de remerciements, ont été publiées par Mediapart.
Durant le gala de la star américaine, auquel Madonna ou Penelope Cruz ont participé, le rapport du CNAPS montre que Fortunato B. s'est servi d'un gyrophare et d'une sirène deux-tons. Les policiers ont quant à eux utilisé du matériel de leur commissariat. Une photo publiée sur Instagram montre aussi Fortunato B. avec un fusil d'assaut HK G36 approvisionné, dans les locaux du commissariat de Cagnes-sur-Mer. Une arme utilisée par différents services de police, en dotation collective, suite aux attentats du 13-Novembre.
«Nous ne sommes pas un service de police judiciaire»
L'enquête du CNAPS s'est terminée le 12 novembre 2020, avec une demande de saisie d'une commission de discipline. Le maximum dans ce type de procédure administrative. Cinq jours plus tard, le préfet Cyrille Maillet, directeur du CNAPS a décidé un "classement interne", estimant que "ce dossier de 2017 est trop ancien" et que "son passage devant la commission s’effectuera dans un délai probable supérieur à quatre ans".
Interrogé très récemment par Le Parisien, le préfet a finalement estimé que "cette procédure ne tenait pas en droit administratif". "Il n’y avait aucune preuve. (...) Nous ne sommes pas un service de police judiciaire. Il aurait fallu des documents, des contrats…", a-t-il ajouté. "Nous ne sommes pas là pour lutter contre du travail au noir, c’est le rôle d’autres organismes".
Le commissariat d'Antibes a été chargé d'une enquête concernant cette affaire. Elle serait sur le point d'être clôturée.