Le jeudi 24 juillet 2025 à 20:43
Le parquet de Bordeaux (Gironde) a annoncé la réouverture d’une enquête préliminaire visant le chanteur Bertrand Cantat, pour "violences volontaires par conjoint", à la suite du suicide de son ex-épouse Krisztina Rady, retrouvée pendue à son domicile le 10 janvier 2010. La décision du ministère public intervient après le visionnage d’un documentaire récemment diffusé sur Netflix, De rock star à tueur : le cas Cantat.
"Son visionnage m’a conduit à ressortir le dossier", a déclaré le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul. Il précise : "Après examen, ayant constaté que le reportage diffusé sur Netflix contenait plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas dans les (précédents) dossiers, j’ai pris la décision de rouvrir ce dossier de violences volontaires au début de mois".
Les faits évoqués avaient déjà donné lieu à quatre procédures entre 2010 et 2018, toutes classées sans suite. La première, ouverte en 2010, visait à rechercher les causes du décès de Krisztina Rady, puis trois autres ont été engagées en 2013, 2014 et 2018. Les deux dernières ont suivi des plaintes déposées par Yael Mellul, présidente de l’association Femme et libre, et ancienne avocate du dernier compagnon de la victime. Cette dernière s’est dite "très soulagée" de ce "changement radical de position du parquet de Bordeaux" concernant ce qu’elle qualifie d’"affaire de suicide forcé". Elle a estimé que le témoignage anonyme d’un infirmier dans le documentaire constituait un "élément nouveau" qui "corrobore le fait que Krisztina Rady était victime de violences conjugales". Elle a ajouté disposer de "nouveaux témoignages à transmettre au parquet de Bordeaux", sans en détailler la nature.
Krisztina Rady, née le 23 août 1968, était traductrice, femme de lettres et de théâtre. Elle avait rencontré Bertrand Cantat en 1993 lors d’un festival à Budapest (Hongrie). Le couple s’était marié en 1997 et avait eu deux enfants, Milo et Alice. Leur séparation est survenue peu après la naissance de leur fille, lorsque le chanteur a entamé une relation avec l’actrice Marie Trintignant. En juillet 2003, Marie Trintignant a été tuée à Vilnius (Lituanie) sous les coups de Bertrand Cantat. Ce dernier a été condamné à huit ans de prison et libéré en 2007.
À sa sortie, le chanteur est revenu vivre épisodiquement avec Krisztina Rady, qui a également eu d’autres relations amoureuses. Le 10 janvier 2010, leur fils découvre le corps de sa mère, pendue, alors que Bertrand Cantat dormait dans une autre pièce du domicile familial à Bordeaux.
«Avec Bertrand, on ose à peine respirer»
Selon les informations révélées dans le documentaire, Krisztina Rady avait laissé un message vocal de 7 minutes et 33 secondes sur le répondeur de ses parents, quelques mois avant sa mort. Elle y évoquait les violences subies : "Il aurait semblé que quelque chose de très bon arrive mais en l’espace de quelques secondes, Bertrand l’a empêché et l’a transformé en vrai cauchemar qu’il appelle amour". Elle ajoutait : "Avec Bertrand, on ose à peine respirer". Le jour de son décès, elle aurait également laissé une lettre dénonçant l’attitude de Bertrand Cantat et décrivant un profond état dépressif.
Dans le documentaire, un homme présenté comme infirmier intérimaire dans un service d’urgences en région bordelaise, témoigne anonymement. Il affirme avoir eu accès à un dossier médical au nom de Krisztina Rady. Selon ses dires : "Dans ce dossier, il était mentionné que Krisztina Rady était passée aux urgences faire constater des traces de blessures suite à une altercation avec son compagnon. Voilà, une violente dispute". Il poursuit : "Le médecin a transcrit que Krisztina Rady avait un décollement du cuir chevelu, des bleus et des hématomes. Le fait qu’il soit mentionné un décollement du cuir chevelu signifie très probablement que Krisztina Rady a été attrapée par les cheveux ou traînée par les cheveux". L’homme précise également : "Elle mentionnait que ce n’était pas la première fois. Dans ses observations, le médecin mentionnait qu’elle pleurait beaucoup mais qu’elle ne voulait pas porter plainte pour protéger ses deux enfants. Je me rappelle que ces faits ont eu lieu après Vilnius, quand Bertrand Cantat est retourné s’installer dans leur domicile familial".
La justice devra désormais vérifier la validité et l’existence de ce dossier médical, ainsi qu’identifier formellement le témoin. Anne-Sophie Jahn, co-réalisatrice du documentaire, a déclaré sur BFMTV ne pas avoir été contactée par les enquêteurs, tout en précisant qu’elle "collaborerait dans le strict respect du secret des sources".
Enfin, le parquet devra également se pencher sur la question de la prescription. En matière délictuelle, celle-ci est généralement de six ans, mais elle peut être interrompue en cas de découverte de faits nouveaux. Aucune déclaration officielle n’a encore été faite à ce sujet.