Le mercredi 25 septembre 2024 à 20:15
Le meurtrier présumé de Philippine, Taha O., 22 ans, est un ressortissant marocain qui était visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Après avoir purgé sa peine de prison suite à une condamnation pour le viol d'une jeune femme, il a été transféré, le 20 juin 2024, au centre de rétention administrative (CRA) de Metz (Moselle). Une juge des libertés et de la détention (JLD) a finalement décidé de le remettre en liberté, le 3 septembre, en l'assignant à résidence dans un hôtel, malgré le fait qu'elle a admis dans son ordonnance, qu'Actu17 a pu consulter, que "la menace à l'ordre public ne peut être exclue". Après cette décision, Taha O. en a profité pour prendre la fuite. Il sera finalement interpellé à Genève (Suisse) ce mardi soir, quatre jours après le meurtre de Philippine.
Quel a été le parcours du suspect, arrivé en France en 2019 alors qu'il avait 17 ans, avec un visa touristique ? Il a d'abord été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Val-d'Oise. Un peu plus tard, le 1er septembre de la même année, il a violé une jeune femme de 23 ans sur un sentier forestier de Taverny, dans ce même département. Taha O. a été rapidement identifié par les enquêteurs de la sûreté départementale (devenue aujourd'hui la division de la criminalité territoriale, ndlr), avant d'être interpellé, mis en examen, et placé en détention provisoire le 5 septembre. Son ADN a été retrouvé sur la victime. Dans cette affaire, il a été condamné le 5 octobre 2021 à une peine de 7 ans de prison, assortie d'une interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans.
Une première demande par le mauvais service
Taha O. a fini de purger sa peine de prison au centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) entre mars 2022 et le 20 juin dernier. Il aura passé un peu moins de cinq ans derrière les barreaux. 48 heures avant la fin de sa peine, la préfecture de l'Yonne avait délivré une OQTF le visant, en vue de son expulsion vers le Maroc. Taha O. ne fait pas de recours et il manque désormais le laissez-passer consulaire marocain, afin que les autorités françaises soient en capacité de le ramener à son pays d'origine. Le 20 juin, le jeune homme de 22 ans, né à Oujda, est conduit au centre de rétention administrative (CRA) de Metz (Moselle).
Une première demande de laissez-passer consulaire est transmise aux autorités marocaines, mais par l'intermédiaire du mauvais service. La Direction générale des étrangers en France (DGEF), chargée de ces démarches, a envoyé une nouvelle demande le 18 juillet. Deux relances ont été transmises plus tard, en vain.
«La menace à l’ordre semble bien toujours actuelle»
Le 3 septembre, la juge des libertés et de la détention (JLD) a ordonné la libération de Taha O., alors que sa rétention au CRA avait déjà été prolongée à trois reprises. Le jeune homme aura passé 75 jours au total au CRA de Metz. La loi prévoit qu'une période de rétention au CRA peut dépasser 60 jours uniquement "à titre exceptionnel", en "cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public". Lors des trois premières audiences visant à prolonger cette rétention, la justice a choisi de la prolonger, estimant qu’il existait, comme mentionné dans l'ordonnance du 19 août, "une menace à l’ordre public, alors qu’il a été condamné par la cour d’assises de Paris pour des faits de viol à 7 ans de réclusion criminelle, qu’il a ainsi porté atteinte à la sécurité des personnes, que la menace à l’ordre semble bien toujours actuelle, l’intéressé ne présentant pas de garantie d’insertion".
Dans l'ordonnance du 3 septembre, la JLD indique que Taha O. ne présente "pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de le voir se soustraire à son obligation", qu'il "ne dispose pas de passeport", qu'il "ne peut justifier d'une résidence effective ou d'un hébergement stable" et que malgré plusieurs relances, "aucune réponse n’a été apportée par les autorités marocaines". Elle ajoute que suite à sa condamnation pour viol, "il [Taha O.] a ainsi porté atteinte à la sécurité des personnes" et qu’ainsi "au vu de cette condamnation pénale, et de la situation personnelle de l’intéressé qui ne justifie ni d’un logement, ni d’une insertion sociale ou professionnelle, et n’a aucun revenu, le risque de réitération de faits délictueux, et donc la menace à l’ordre public ne peut être exclue". La juge note cependant qu'"il n'est fait état d’aucun comportement de l’intéressé qui aurait constitué une menace ou un trouble à l’ordre public au cours de la période de 3ème prolongation".
Taha O. a été remis en liberté avec une assignation à résidence dans un hôtel - où il n'a jamais été - et une obligation de pointage. Le non-respect de cette assignation à résidence a été signalé par la préfecture de l'Yonne le 18 septembre, soit 48 heures avant le meurtre de Philippine, dans le XVIe arrondissement de Paris. Taha O. faisait par ailleurs l'objet d'une fiche de recherche E (pour étranger, ndlr), émise le 19 août, en lien avec son interdiction de territoire prononcée par le tribunal de Pontoise.
Une information judiciaire ouverte pour meurtre et viol
Le parquet de Paris a annoncé ce mercredi qu'une information judiciaire avait été ouverte des chefs de "meurtre précédé, accompagné ou suivi d’un autre crime (en récidive légale), viol (en récidive légale), vol (en récidive légale) et escroquerie (en récidive légale)", visant Taha O., dans l'enquête sur la mort de Philippine. Le juge d'instruction "a délivré un mandat d'arrêt à son encontre", précise la même source. Le suspect sera présenté à un juge d'instruction en vue de sa mise en examen, dès son arrivée en France.