Le lundi 19 octobre 2020 à 16:02 - MAJ lundi 19 octobre 2020 à 16:13
Les enquêteurs de la SDAT et la DGSI continuent à interroger onze personnes au total ce lundi après l'attentat terroriste qui a coûté la vie à Samuel Paty. Des zones d'ombre persistent encore. Les policiers cherchent à déterminer depuis quand Abdouallakh Anzorov était radicalisé mais également s'il avait des informations concernant l'emploi du temps de l'enseignant, père d'un enfant de cinq ans, qu'il a sauvagement décapité en pleine rue.
Ce vendredi 16 octobre, le terroriste "était présent devant le collège dans l’après-midi, il avait demandé à des élèves de lui désigner la future victime", a révélé le procureur de la République antiterroriste, Jean-François Ricard, lors d'une conférence de presse ce samedi. Abdouallakh Anzorov était alors armé de deux couteaux, l'un de 35 cm qu'il a utilisé pour tuer sa victime et un second "de type poignard". Le jeune tchétchène de 18 ans qui bénéficiait d'un statut de réfugié, comme ses parents à leur arrivée en France, était aussi muni d'une arme de poing de type airsoft, avec laquelle il a tiré à plusieurs reprises sur les policiers, avant d'être abattu.
Plusieurs centaines d'euros offerts
Pour identifier Samuel Paty, l'assaillant a eu recours à un procédé plutôt inhabituel. Ce dernier a en effet abordé des collégiens en leur proposant de l'argent - il disposait de plusieurs centaines d'euros - en échange d'informations sur l'enseignant rapporte Le Monde. La somme a ensuite circulé de mains en mains précise le quotidien. L'un des gardés à vue est d'ailleurs âgé de 15 ans, c'est lui qui aurait perçu cet argent. Reste à savoir si cet adolescent qui a désigné le professeur, qui sera tué quelques minutes plus tard, avait connaissance du projet terroriste d'Abdouallakh Anzorov.
Les enquêteurs cherchent encore à déterminer le parcours du terroriste les heures qui ont précédé l'attaque, et notamment à quel moment il a quitté Évreux (Eure), où il habitait, pour rejoindre Conflans-Sainte-Honorine, à près de 80 km de là. Abdouallakh Anzorov se serait rendu en région parisienne en partie en voiture précisent nos confrères. Ses deux amis de 17 et 18 ans avec lesquels il a voyagé se sont rendus à la police dès vendredi soir avant d'être placés en garde à vue. Il est également possible d'aller d'Évreux à Conflans en train, en 1h30.
Un climat qui s'était apaisé selon une note du renseignement
En outre et comme l'ont révélé plusieurs médias au cours du
week-end, une note du service de renseignement territorial évoquait
le climat de tension entre Brahim C. (le père d'une élève de 4ème
qui avait Samuel Paty comme enseignant, à l'origine d'une vidéo sur
les réseaux sociaux) actuellement en garde à vue, et la direction
du collège. L'enquête interne des policiers a conclu que Samuel
Paty avait agi de manière appropriée et que le climat s'était
apaisé au sein de l'établissement. Pourtant, plusieurs vidéos
mettant directement en cause l'enseignant avaient été diffusées sur
les réseaux sociaux et continuaient à être
partagées.
A ce stade, les enquêteurs cherchent toujours à savoir si la fille de Brahim C. était présente ou non, lors du cours de Samuel Paty où les caricatures du prophète Mahomet ont été exposées, indique Le Monde, qui précise que la jeune fille était officiellement "malade" les 5 et 6 octobre, jours des cours en question.
Une photo de décapitation postée sur Twitter
D'autre part, le terroriste avait diffusé des messages violents sur son compte Twitter "@Tchetchene_270" depuis son ouverture en juin dernier, comme nous l'avions révélé. Plus en détails, selon les informations de Mediapart, Abdouallakh Anzorov n'avait pas hésité à afficher sa radicalisation sur le réseau social. Le 30 août dernier, une photo mettant en scène la décapitation d'un homme avait été diffusée sur ce compte. Il s'agissait d'un montage photo sur lequel un visage - qui n'a pas été identifié - avait été rajouté sur celui de la victime. L'image support est un détournement de la série turque "Diriliş: Ertuğrul", qui raconte la vie du chef de guerre Ertugrul Gazi, à l’origine de l’Empire ottoman. Un tweet qui avait été rapidement effacé.
Un internaute avait également fait un signalement à la plateforme Pharos à la fin du mois de juillet au sujet de ce compte Twitter. Il l'avait d'ailleurs signalé en réponse à un tweet de "@Tchetchene_270". C'est sur ce même compte que le terroriste a publié son message de revendication, quelques minutes après avoir assassiné Samuel Paty, en diffusant une photo de la tête du professeur.
Durant leur garde à vue qui est toujours en cours, Brahim C. et Abdelhakim Sefrioui, qui est fiché S et inscrit au FSPRT, ont assuré ne pas connaître l'assaillant et n'avoir eu aucun contact avec lui rapporte Le Parisien. Ces derniers ont affirmé qu'il déploraient "la mort de Samuel Paty", ajoutant que l'enseignant n'aurait pas dû montrer les caricatures et « stigmatiser les enfants de musulmans ».