Le mardi 14 septembre 2021 à 15:10 - MAJ jeudi 16 septembre 2021 à 18:20
Le chef de l'État s'est exprimé pendant un peu plus d'une heure à la mi-journée ce mardi, en clôture du Beauvau de la sécurité, après sept mois de consultations. Emmanuel Macron a d'abord annoncé la fin des "rappels à la loi". "180 000 sont prononcés chaque année", a-t-il rappelé, plaidant pour une "simplification pour plus d'efficacité". Dans certains cas, "des procédure devront être lancées" concernant les infractions concernées, quand d'autres seront classées.
Simplifier la procédure pénale
Le président de la République a également affiché sa volonté de simplifier la procédure pénale et le "temps long". "Ce que je suis venu vous annoncer ce matin, c’est une stratégie complète (…), qui cherche à répondre en profondeur à cette évolution avec, d’abord, et ce sera le premier pilier, une réponse radicale sur deux sujets : la procédure pénale et le temps", a-t-il appuyé. "Le formalisme, la lourdeur des procédures est l’ennemi commun aux forces de sécurité de nos magistrats. Il prend du temps, du temps d’action, du temps de présence, tant d’intelligence à déployer. Derrière ces piles de papiers, il y a du temps excessif passé, des procès qui prennent trop de temps".
L'amende forfaitaire étendue aux occupations illégales de terrain et aux squats de hall d'immeubles
L'amende forfaitaire va être généralisée, comme c'est le cas depuis le 1er septembre 2020 pour certaines infractions liées aux stupéfiants. L'occupation illicite de certains terrains par les gens du voyage sera prochainement concernée par ces amendes. "On va faire gagner du temps à beaucoup de monde", a lancé le chef de l'État, ajoutant que la mesure allait également concerner les squats de hall d'immeubles. "Nous allons faire la même chose pour un autre sujet qui hante la vie de nos concitoyens : les occupations illicites des halls d’immeuble. Sur ces deux sujets, nous allons là aussi procéder à la mise en place de cette même amende" a certifié le président.
Des propositions à venir du garde des Sceaux
"Nul ne saurait accepter de rendre l’État impuissant. Le droit doit être au service de nos principes, jamais de l’inefficacité", a poursuivi Emmanuel Macron au sujet de la gestion des procédures et le travail des enquêteurs associés à celui des magistrats. Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti devra faire des propositions dans les mois à venir.
« A court terme, je demande au garde des Sceaux d’élaborer sous un mois un bilan des mesures de gestion engagées depuis le début du quinquennat et de faire des propositions pour améliorer rapidement le travail des enquêteurs, magistrats et de l’ensemble des forces de l’ordre d’ici trois mois », a précisé le chef de l'État. "Il faut proposer un complément de mesures très concrètes de simplification de nos procédures pénales et un chantier plus vaste, nous le savons bien et ça ne peut pas se faire en trois ou quatre mois". Emmanuel Macron a aussi évoqué la procédure pénale numérique qu'il souhaite développer.
Les "États généraux de la Justice"
Le président de la République a également plaidé pour une "simplification drastique des cadres d'enquête". "Qui peut encore comprendre la multiplication de ces cadres ?", s'est-il interrogé. Les "États généraux de la Justice" s'ouvriront prochainement. Emmanuel Macron souhaite réunir autour d'une même table, des parlementaires, avocats, magistrats, forces de l'ordre, dans le but de « proposer une nouvelle écriture du code de procédure pénale », mais également généraliser "des PV de synthèse pour les petits délits".
"Penser la police et la gendarmerie de 2030"
Une loi de programmation va être présentée début 2022. "Le but est de penser la police et la gendarmerie de 2030. Une police qui doit faire face aux nouvelles formes de délinquance qui pullulent dans l’espace numérique, les escroqueries digitales, la cybercriminalité. Il faut une police qui doit se saisir des technologies numériques pour aller plus vite, enquêter efficacement", a détaillé Emmanuel Macron.
« Nous devons répondre en regardant le temps long et en prenant des choix qui dureront et l’assumer. C’est pourquoi je demande au ministre de l’intérieur l’élaboration de cette loi de programmation qui sera assortie de moyens, que je souhaite voir présenter en conseil des ministres au début 2022. Cette loi devra être la loi de modernisation numérique du ministère de l’intérieur ».
"Les cycles horaires sont devenus illisibles"
Le chef de l'État veut que la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain soit multipliée par deux sous 10 ans. "Cet objectif, nous pouvons le tenir", a-t-il affirmé. "Il faut dégager les policiers des tâches administratives en développant les missions des personnels. Il faut aussi réexaminer le temps de travail pour renforcer la capacité des unités de terrain. Les cycles horaires sont devenus illisibles en la matière. Je demande que le ministre de l’intérieur puisse conduire ces discussions sur les cycles horaires pour que d’ici au 1er janvier prochain, elles soient finalisées".
Emmanuel Macron a réclamé "plus de "bleu" sur le terrain". Il souhaite par ailleurs que les mutations soient "selon les besoins du terrain (...) évaluées par la hiérarchie, les élus". Des discussions auront lieu jusqu'au 1er janvier.
La plainte en ligne dès 2023
"Deuxième ambition et exigence, c’est de mieux prendre en charge les victimes", a continué le président, qui souhaite que la plainte en ligne soit mise en œuvre dès 2023. "Et pas seulement la préplainte, comme c’est le cas aujourd’hui". "Je souhaite qu’au-delà des femmes victimes de violences toutes celles et tous ceux qui veulent porter plainte soient mieux accueillis, ce qui suppose tout à la fois former et continuer à mieux aménager nos commissariats et nos brigades", a ajouté Emmanuel Macron.
Un budget en hausse de 1,5 milliard d'euros
"Je n’oublie pas votre quotidien fait de manque de moyens, d’agressions répétées, de défiance parfois insupportable", a souligné le chef de l'État. "Le ministère de l’intérieur verra ainsi son budget augmenter de près de 1,5 milliard d’euros, dont 500 millions d’euros pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau de la sécurité".
"Trop longtemps, nous n’avons pas investi dans l’humain. J’ai d’abord entendu votre légitime demande de bénéficier d’un temps plus long de formation et d’avoir une réponse plus adaptée en termes de formation (…). Il nous faut nous fixer un objectif : six mois maximum entre l’obtention du concours et l’entrée dans l’école."
Des temps de formation allongés
"La formation n’est pas assez longue et qualifiante. J’ai donc décidé dès l’année prochaine d’augmenter de quatre mois le temps de formation initiale des gardiens de la paix et de hausser de 50% la durée de la formation continue pour les gendarmes et policiers. Ces temps de formation seront considérés comme du temps de travail à part entière, sanctuarisés par la hiérarchie et valorisés financièrement comme tel", a annoncé le président.
15 000 caméras-piétons supplémentaires
Le déploiement des caméras-piétons va se poursuivre. "Je vous confirme d’abord la finalisation du déploiement d’une caméra-piéton par patrouille. 15 000 ont déjà été déployées, 15 000 restent à déployer et le seront d’ailleurs dans les prochaines semaines. (…) C’est une véritable révolution. Ce vers quoi nous devons aller d’ici à la fin 2022, c’est de permettre à chaque fonctionnaire sur le terrain d’être doté d’une caméra individuelle. Cet objectif, nous pouvons l’atteindre", a-t-il insisté.
Par ailleurs, un nouvel uniforme va voir le jour dans la police nationale. Un "polo modernisé" et un calot arriveront dès le premier trimestre 2022.
La formation OPJ intégrée à la formation initiale de policiers et gendarmes
Le manque d'officier de police judiciaire (OPJ) a aussi été évoqué par le président de la République. La formation OPJ "Autre problème, le manque d’officiers de police judiciaires et les difficultés pour que les procédures avancent comme il se devrait. Je souhaite, comme l’a proposé le ministre de l’intérieur, qu’un plan pour l’investigation soit lancé dès la fin de cette année. La formation sera intégrée à la formation initiale de policiers et gendarmes, ce qui permettra de participer aux premiers actes d’enquête et de fiabiliser ainsi les procédures. C’est un changement profond qui suppose un changement de notre code de procédure pénale", a-t-il déclaré. "Ça ne veut pas dire que chacun sera reçu", a nuancé Emmanuel Macron au sujet de la formation OPJ intégrée.
"Une partie du personnel administratif agira par ailleurs comme des greffiers de police et de gendarmerie, ce qui permettra de donner du temps aux enquêteurs spécialisés. C’est pour le personnel administratif et technique la possibilité d’une évolution importante qui vient s’ajouter au plan de revalorisation d’ores et déjà annoncé", a-t-il précisé.
"Un centre de formation sur le maintien de l’ordre"
Une nouvelle version du schéma de maintien de l’ordre va être présentée « avant novembre ». « Elle permettra de consacrer la place et le rôle des journalistes, mais d’imposer aussi à toutes les parties prenantes présentes dans une manifestation (…) des règles qui vont avec ces situations exceptionnelles comme il se doit ». Un centre de formation de maintien de l'ordre va également être créé : "Nous allons créer en région parisienne un centre de formation sur le maintien de l’ordre dédié aux policiers comme aux gendarmes. Ce nouveau centre permettra de constituer un vivier pour créer de nouvelles compagnies de CRS et escadrons de gendarmerie mobile pour répondre aux besoins".
Les fonctionnaires de la police technique vont voir leur équipements "mis à niveau" et l'ensemble des agents de la PTS (Police technique scientifique) bénéficieront d'un "nouveau statut".
Une réserve opérationnelle de 30 000 personnes pour la police
Emmanuel Macron a annoncé la création d'une réserve opérationnelle dans la police nationale, de 30 000 personnes. "Quant à la réserve de la gendarmerie nationale, elle existe déjà. Elle accueillera 20 000 personnes supplémentaires", ce qui représente un doublement des effectifs.
"Une instance de contrôle parlementaire des forces de l’ordre"
Comme l'a annoncé l'Élysée ce lundi, "une instance de contrôle parlementaire des forces de l’ordre", va être créée. "Je proposerai aux présidents des chambres parlementaires, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, de créer une instance de contrôle parlementaire des forces de l’ordre qui pourra procéder à l’évaluation de leur action", a confirmé Emmanuel Macron.