Le dimanche 13 décembre 2020 à 16:33 - MAJ dimanche 13 décembre 2020 à 18:41
Les policiers multiplient leurs actions partout en France et continuent à exprimer leur ras-le-bol. De nombreux contrôles routiers sont effectués de manière "préventives" sur tout le territoire, du matin au soir et même la nuit.
Durant ces opérations, les automobilistes sont tous arrêtés mais pas verbalisés. Les fonctionnaires font de la pédagogie et en profitent pour faire passer leur message : "Ni raciste, ni violent, juste gardien de votre paix. Nous continuerons à vous protéger si on nous donne les moyens de le faire". Des actions soutenues par les syndicats de police qui ont appelé cette semaine à passer en "service minimum", c'est à dire à ne pas intervenir d'initiative et à répondre uniquement sur appel.
A l'origine de ce mouvement contestataire, les propos d'Emmanuel Macron lors de son interview à Brut, le 4 décembre dernier. Le président de la République a expliqué qu'une personne de couleur était « beaucoup plus contrôlée et identifiée comme étant un facteur de risque ». « C'est insoutenable », a-t-il ajouté, annonçant dans le même temps la création d'une plateforme en ligne gérée par l’État, le Défenseur des Droits ou les associations comme la Licra, afin de pouvoir dénoncer les discriminations. En outre, le chef de l'État a évoqué "les violences policières", admettant qu'il y avait "des violences de policiers".
"Ces déclarations du président de la République ont été prises comme LA goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans les rangs des policiers", dénonce Yannick Biancheri, secrétaire départemental en Isère du syndicat Alliance Police Nationale, interrogé par Le Dauphiné. "C’est proprement scandaleux, de la part d’un président de la République de ne pas soutenir sa police uniquement dans le but de répondre à une minorité bruyante, alors que pendant des mois, lors des manifestations, c’est cette police qui a été le dernier rempart en protection des symboles de la République que sont les ministères ou les préfectures".
"Nous avons déploré trop de suicides dans nos rangs et vu beaucoup de collègues démissionner"
Dans le département, près de 200 policiers ont décidé de passer à l'étape supérieure et ont déposé une demande de rupture conventionnelle. 130 ont fait la démarche au commissariat de Grenoble précise Yannick Biancheri. Une trentaine en ont fait autant à Vienne, ainsi qu'une dizaine à Bourgoin-Jallieu et une autre dizaine à Voiron. Une demande qui conduit à la démission. De nombreux autres fonctionnaires pourraient effectuer la même demande dans les jours prochains souffle une source policière, d'autant qu'un modèle type de rapport circule sur les groupes de "policiers en colère".
"Au cours de ces dernières années, nous avons déploré trop de suicides dans nos rangs et vu beaucoup de collègues démissionner", insiste le syndicaliste, déplorant un "malaise" qui "s'amplifie" suite à ces déclarations du chef de l'État. Il évoque ensuite le service minimum qui est appliqué par ses collègues en Isère : "Puisque dès que l’on procède à un contrôle d’identité, on nous suspecte de le faire uniquement en raison de la couleur de peau, autant ne pas en faire du tout". Et d'évoquer la situation des forces de l'ordre lorsqu'ils sont en repos : "Mes collègues se rendent compte qu’il y a d’autres métiers où on peut aller se promener en famille sans se faire dévisager, reconnaître et agresser. D’autres métiers où on ne risque pas d’aller en prison…"
Yannick Biancheri a demandé un rendez-vous au préfet de l'Isère afin de lui remettre les demandes de rupture conventionnelle des policiers et ainsi pouvoir évoquer la situation avec lui, même s'il reconnait qu'un grand nombre de ses collègues n'ont pas l'intention de démissionner dans l'immédiat.
"Je ne finirai pas ma carrière dans la police"
"Quand je suis rentré dans la police, c’était par vocation ! Je voulais rendre service", confie-t-il. A l'inverse, "maintenant, je n’ai qu’une envie, me casser de là. Parce que… Qui nous protège, nous ? Pas notre employeur qui est l’État, déjà ! Après ce que l’on a entendu dans la bouche de Macron…".
Le représentant syndical qui a déjà passé une vingtaine d'années dans la police, raconte ensuite la situation qu'il a vécu avec ses enfants. Ces derniers "cachaient à leurs copains" qu'il est policier. "Au début, je n’ai pas compris, je croyais qu’ils avaient honte mais en fait non, ils ont juste peur de se faire emmerder. Parce que tout le monde crache sur la police…". Un inquiétant constat. "En tout cas, aujourd’hui j’en suis certain : je ne finirai pas ma carrière dans la police", conclut Yannick Biancheri, amer.