Policiers brûlés à Viry-Châtillon : colère des avocats et des syndicats de policiers après le verdict

Le verdict a été rendu dans la nuit de samedi à dimanche après 14 heures de délibération. Les avocats des quatre policiers ont fait part de leur désarroi face à cette décision de justice en appel, plus clémente qu'en première instance. Plusieurs syndicats de policiers ont aussi exprimé leur colère. L'une des organisations appelle à des rassemblements partout en France ce mardi.
Policiers brûlés à Viry-Châtillon : colère des avocats et des syndicats de policiers après le verdict
Quatre policiers avaient été blessés lors de l'attaque, dont deux très grièvement. (photo Arnaud Journois/Maxppp)
Par Actu17
Le dimanche 18 avril 2021 à 18:01 - MAJ dimanche 18 avril 2021 à 18:14

Cinq accusés sur les treize ont été condamnés à une peine de prison par la cour d’assises des mineurs de Paris pour tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique : trois ont écopé de 18 ans de réclusion criminelle, les deux autres de 8 ans et 6 ans de prison. L'énoncé du verdict a été marqué par une bagarre générale, nécessitant l'intervention des forces de l'ordre en nombre.

Les accusés étaient jugés en appel pour l'attaque ultra-violente aux cocktails Molotov, de quatre policiers à Viry-Châtillon, le 8 octobre 2016. Un adjoint de sécurité de 28 ans et une gardienne de la paix de 39 ans avaient été gravement brûlés. Ce dernier avait passé plusieurs semaines dans le coma et garde encore aujourd'hui des marques de ses blessures.

Sa collègue avait quant à elle été touchée par des jets de pierres alors qu'elle était parvenue à sortir de la voiture qui s'était embrasée, alors même qu'elle avait le haut du corps en flammes. « J'ai des enfants, aidez-moi !», avait-elle crié à l'un de ses agresseurs présumés, qui avait avoué à une amie que ça lui avait fait « un pincement au cœur ».

En première instance, fin 2019, huit des accusés avaient écopé de peines allant de 10 à 20 ans de réclusion criminelle tandis que les cinq autres avaient été acquittés. La cour d'assises des mineurs de Paris s'est donc montrée moins sévère avec les treize mis en cause âgés de 16 à 21 ans au moment des faits.

"C'est définitivement une fracture totale"

"Nous venons d'assister à un naufrage judiciaire", a réagi Me Thibault De Montbrial, avocat d'une policière, à sa sortie du procès. "C'est d'abord un naufrage parce que après l'un des crimes les plus graves commis contre des policiers, hors attentat terroriste, depuis plus de 10 ans en France, (...) alors que l'on sait de façon certaines - puisque des images le montrent - qu'il y avait seize assaillants, on se retrouve avec cinq condamnations simplement", constate-t-il. "C'est également un naufrage parce que c'est un procès qui s'est déroulé à huis clos, sans que les médias puissent y assister, à montrer l'ambiance délétère, à montrer le fossé qui existe entre les accusés et les policiers qui étaient partie civile, et d'une manière générale tout ce qui représente l'autorité de notre société".

"C'est un naufrage parce qu'au moment du verdict, et malgré sa clémence pour la majorité des accusés, le naturel a repris le dessus : une bagarre générale a éclaté", ajoute l'avocat qui évoque "une scène d'une violence" qu'il n'a "jamais vue en 25 ans dans une cour d'assises". "Je pense que ce soir (...) c'est définitivement une fracture totale. Ma cliente est effondrée, elle a assisté à toutes les audiences. (...) Elle aura fait 14 semaines de procès et elle ne comprend pas. Je ne comprends pas non plus cette décision", déplore Me De Montbrial qui poursuit en faisant part de son sentiment "de honte et de très grande inquiétude pour notre société".

 

L'avocat revient également sur le déroulement du procès dans une interview accordée au Figaro ce dimanche. "A partir du moment où le parquet fait appel parce que les peines sont jugées trop clémentes, comment expliquer des réquisitions d'appel moins sévères ?", s'interroge-t-il.

"La défense a eu beau jeu de s'engouffrer ensuite dans cette incohérence, ainsi que dans les failles de l'enquête dues en particulier à l'impressionnante loi du silence qui a prévalu dans ce dossier où se sont succédé menaces, pressions et agressions de ceux qui parlaient. L'un des deux avocats généraux a conclu ses réquisitions en déclarant à l'intention des accusés qu'ils avaient selon lui « de l'empathie », et qu'ils constituaient à ses yeux « une richesse pour le pays ». Cette conclusion était lunaire, émanant de l'accusation et au regard des débats."

"C'est un très mauvais message donné à la société"

Me Laurent-Franck Lienard qui défendait avec sa collègue, deux autres policiers dans ce procès, s'est lui aussi exprimé à la sortie de l'audience. "Les peines prononcées... 6 ans, 8 ans, pour avoir participé à cette opération, pour avoir tenté de tuer des policiers, pour les avoir regardé brûler en rigolant, c'est insupportable", lâche-t-il, ému.

"C'est un très mauvais message donné à la société". "On leur crache au visage, on les a brûlés une première fois, et maintenant on leur crache au visage", insiste Me Lienard.

Un « démenti total de l'enquête »

Du côté des avocats de la défense, c'est la satisfaction. Me Mauger-Poliak, a salué « un soulagement pour la défense », et un « démenti total de l'enquête ». "Cette fois la justice devra faire la lumière sur une enquête entachée de violations de nos règles légales les plus élémentaires, de menaces, de pression psychologique, de violences physiques non démenties, mais surtout de faux en écriture publique", a-t-elle ajouté sur Twitter.

Un syndicat de police appelle à des rassemblements mardi

Plusieurs syndicats de police se sont exprimés ce dimanche pour faire part de leur colère suite à cette décision de justice. "Encore un signal d'encouragement envoyé aux racailles qui, après avoir brûlé vifs des policiers, leur crachent à la figure au tribunal", s'exclame Alliance Police Nationale sur Twitter.

L'organisation syndicale de gardiens de la paix et gradés appelle à un rassemblement devant le tribunal de Paris où se trouve la cour d'appel - boulevard du Palais à Paris (Ier) - ce mardi à 12h30, et "à des rassemblements devant tous les tribunaux de grande instance en province et des Drom Com", à la même date.

"Ce procès est l'énième échec de ceux en responsabilité"

"Les policiers victimes de tentatives d’assassinats à Viry-Chatillon ont été lâchés par leur administration, leur employeur, l’administration policière", dénonce Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO.

"Aucune prise en charge matérielle au milieu de la nuit, aucun membre de la hiérarchie pour soutenir la victime présente pour entendre ce douloureux verdict". "Ce procès symbolise le RIEN, oui le RIEN, que représentent tous les policiers d’en bas - ceux qui prennent tous les risques- dans l’esprit de ceux qui leur donnent les ordres", poursuit la policière qui réclame une réforme de la justice "pour que les policiers ne soient plus jugés par des jurys populaires mais uniquement par des magistrats compétents qui connaissent notre métier". "Ce procès est l'énième échec de ceux en responsabilité qui comptent toujours sur les mêmes pour se mobiliser autour des collègues et se révolter".

"Si on ne peut que s'incliner devant cette décision de justice rendue par un jury populaire, les peines prononcées sont incompréhensibles", écrit le syndicat Unité SGP Police FO dans un communiqué.

Gérald Darmanin réagit

Ce dimanche après-midi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé sur Twitter qu'il recevrait "personnellement la semaine prochaine les policiers victimes". "L’émotion suscitée par l’attaque odieuse de Viry-Châtillon le 8 octobre 2016 est encore intacte", a-t-il convenu.