Le jeudi 13 janvier 2022 à 00:41 - MAJ jeudi 13 janvier 2022 à 01:26
Des vies "précaires" en France, faites d'errances et de "petits boulots" : la cour d'assises de Paris s'est penchée mercredi sur les parcours de neuf Égyptiens jugés trois ans et demi après le meurtre au bois de Boulogne de Vanesa Campos, travailleuse du sexe transgenre. Les accusés sont soupçonnés d'avoir fait partie d'une bande de voleurs égyptiens qui s'en prenait à un groupe cumulant les vulnérabilités : des prostituées trans sud-américaines, elles aussi en situation irrégulière et contraintes d'exercer dans des endroits reculés du bois de Boulogne.
Vanesa Campos était l'une d'elles : cette Péruvienne de 36 ans a été tuée par balle dans la nuit du 16 au 17 août 2018, au cours d'une "expédition punitive" menée dans le bois, haut lieu de la prostitution parisienne. L'enquête s'est rapidement concentrée sur un groupe de jeunes hommes, essentiellement d'origine égyptienne, qui profitaient depuis plusieurs années des passes pour détrousser les clients des travailleuses du sexe, suscitant de nombreuses tensions.
Pour les anciennes collègues de Vanesa Campos, dont six sont parties civiles au procès, ces hommes avaient instauré un "climat de terreur" sur leur lieu de travail. Elles ont dénoncé des violences, des viols et des menaces de mort. Dix Égyptiens ont été mis en cause après la mort de Vanesa Campos : trois comparaissent depuis mardi pour "meurtre en bande organisée", cinq pour "association de malfaiteurs", un autre pour le vol de l'arme ayant servi au meurtre - un pistolet dérobé une semaine plus tôt à un policier alors qu'il se trouvait avec une prostituée. Un dixième, mineur au moment des faits, a été renvoyé devant un tribunal pour enfants.
Pour une "vie meilleure" en France
Lors de l'instruction, les mis en cause ont multiplié les versions, les trois principaux accusés se renvoyant la responsabilité du meurtre de Vanesa Campos. La cour, qui n'abordera les faits que dans un second temps, a déjà tenté mercredi d'y voir clair dans les parcours de ces hommes âgés de 23 à 34 ans, tous entrés clandestinement en France, pour certains lorsqu'ils étaient mineurs.
A l'exception de l'un d'eux, les accusés ont refusé au cours de la procédure de donner les coordonnées de leurs proches, rendant difficile la vérification des éléments de leur curriculum vitae, et beaucoup ont fourni aux autorités de nombreuses identités. Face à la cour, s'exprimant le plus souvent à l'aide d'un interprète en langue arabe, ils se sont surtout contenté de répondre aux questions, se montrant peu diserts à évoquer leur enfance en Égypte.
Issus de milieux très modestes, ayant arrêté tôt leur scolarité pour travailler et aider leurs familles, ils avaient quitté leur pays pour une "vie meilleure" en France. Celle de Rami M., 23 ans, l'un des trois accusés comparaissant libres sous contrôle judiciaire, était "plutôt une survie", selon un rapport lu à l'audience. A la barre, le jeune homme aux cheveux bruns coupés courts, engoncé dans son blouson, confirme vivre "à moitié à la rue" depuis sa sortie de prison.
Comme certains de ses coaccusés, Mahmoud Kadri, 24 ans, désigné par les autres mis en cause comme l'auteur du coup de feu mortel sur Vanesa Campos, a vécu de "petits boulots", dans le bâtiment ou sur les marchés, alternant les "hébergements de fortune et l'errance dans les rues". Karim Ibrahim, 29 ans, également jugé pour meurtre, semble avoir eu la même trajectoire de vie. L'ami qui l'hébergeait lors de son interpellation avait toutefois nuancé ce portrait, affirmant qu'il vivait "richement" grâce aux vols.
Les collègues de Vanesa Campos, qui l'avaient affublé du surnom "el nano" (le nain), ont assuré lors de l'enquête que Karim Ibrahim était le "chef" de la bande sévissant dans le bois de Boulogne, ce qu'il conteste.
"Un signe d'égorgement" mimé par l'un des accusés depuis le box
Trois amies de la victime, parties civiles au procès, ont quitté mardi après-midi la première journée d'audience mouvementée et marquée par de nombreux incidents, dénonçant par la voix de leur avocate "un signe d'égorgement" mimé par l'un des accusés depuis le box. Fin du procès prévue le 27 janvier.