Mort de Jean Pormanove : violences filmées, enquête relancée, Kick sous pression, ce que l'on sait

Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, est mort à 46 ans lors d’un live diffusé sur la plateforme Kick, dans la nuit de dimanche à lundi. Une enquête a été ouverte par le parquet de Nice pour déterminer les causes de ce décès survenu dans un contexte de violences mises en scène, déjà visées par une procédure judiciaire ouverte fin 2024. Le point sur ce que l'on sait.
Mort de Jean Pormanove : violences filmées, enquête relancée, Kick sous pression, ce que l'on sait
Jean Pormanove, 46 ans, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi. (Instagram)
Par La Rédaction
Le mercredi 20 août 2025 à 11:59

Dans la nuit du 17 au 18 août 2025, Raphaël Graven, connu sous le pseudonyme Jean Pormanove ou "JP", est décédé à l’âge de 46 ans alors qu’il participait à un live marathon diffusé sur la plateforme de streaming Kick, depuis un logement situé à Contes (Alpes-Maritimes). Célèbre pour ses vidéos où il apparaissait comme souffre-douleur, recevant coups, humiliations et autres traitements dégradants de la part de deux partenaires surnommés Narutovie et Safine, Jean Pormanove apparaissait comme une victime potentielle dans une enquête judiciaire ouverte depuis décembre 2024.

Suite à son décès, le parquet de Nice a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête en recherche des causes de la mort, tandis que la ministre déléguée chargée du Numérique a dénoncé une "horreur absolue". La plateforme Kick, fortement critiquée, a banni les co-streamers impliqués dans la diffusion.

Un décès en direct sur la plateforme Kick

Jean Pormanove était suivi par plusieurs centaines de milliers d’abonnés sur différentes plateformes, notamment Kick, une société australienne concurrente de Twitch. Ses contenus mettaient en scène des violences physiques et psychologiques, souvent exercées en direct par Narutovie et Safine. Parmi les séquences les plus marquantes, on trouve des tirs de paintball sans protection, des coups portés durant des sessions de jeu vidéo, ou encore des humiliations constantes, en public comme en privé. Lors de son dernier live, des internautes affirment avoir vu Jean Pormanove allongé, inanimé, sous une couette dans un lit, tandis que l’un des deux hommes présents — probablement Narutovie — lui jetait une bouteille d’eau. Le live marathon, entamé plusieurs jours auparavant, avait atteint plus de 298 heures de diffusion et généré 36 411 € de dons. Peu de temps après, Narutovie a annoncé la mort de "JP" sur Instagram.

Une enquête ouverte pour rechercher les causes de la mort

Dans un premier communiqué publié ce mardi 19 août, le parquet de Nice a indiqué avoir "ouvert une enquête en recherche des causes de la mort" et précisé qu’"une autopsie a été requise". L’enquête est confiée au service local de police judiciaire (SLPJ) de Nice, déjà saisi d’un précédent dossier.

Ce mercredi 20 août, le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, a précisé que "plusieurs auditions de personnes présentes au moment du décès ont été faites sans qu’à ce stade elles ne permettent de donner une orientation quant aux causes de celui-ci". Il ajoute que "de nombreuses saisies de matériels et vidéos ont également été réalisées afin notamment de préciser les faits intervenus en amont du décès et susceptibles d’avoir pu contribuer à celui-ci". L’autopsie est prévue jeudi matin.

Une première procédure engagée en décembre 2024

Cette nouvelle enquête s’inscrit dans la continuité d’une procédure initiée par le parquet de Nice le 16 décembre 2024, à la suite de la diffusion d’un article sur Mediapart révélant des vidéos tournées sur Kick. On y voyait Jean Pormanove et un autre participant surnommé Coudoux subir des violences et humiliations, parfois encouragées par des dons d’argent de spectateurs.

Le parquet rappelle que cette première enquête, toujours en cours, est ouverte "des chefs de provocation publique par un moyen de communication au public par voie électronique à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur handicap, violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours et diffusion d’enregistrement d’images relatives à la commission d’infractions d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 et suivants du code pénal".

Auditions, perquisitions et déclarations des victimes présumées

Selon le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, dès le 8 janvier 2025, "le SLPJ de Nice procédait à l’interpellation et au placement en garde à vue des deux personnes susceptibles d’être mises en cause et à une perquisition du local de tournage situé à Contes dans le cadre de laquelle l’ensemble du matériel informatique et audiovisuel d’une valeur de plusieurs milliers d’euros était saisi". Parallèlement, "les personnes apparaissant comme victimes des violences et humiliations étaient entendues".

Mais ces dernières, à commencer par Jean Pormanove lui-même, ont refusé le statut de victime. Le procureur indique que "ces deux personnes contestaient fermement être victimes de violences, indiquant que les faits s’inscrivaient dans des mises en scène visant à 'faire le buzz' pour gagner de l’argent". Coudoux évoquait un revenu de 2000 € par mois, tandis que Jean Pormanove "mentionnait des sommes à hauteur de 6000 euros". Tous deux refusaient tout examen médical ou psychiatrique.

Jean Pormanove affirmait que son activité "s’inscrivait dans le cadre d’une société qu’il avait créée", précisant ne pas avoir de "liens financiers directs avec les autres protagonistes" et être rémunéré "uniquement via sa société sur la base des contrats établis avec les plateformes".

Le magistrat précise également que, compte tenu de ces éléments, "les gardes à vue ont été levées". Les investigations se sont poursuivies afin "d’exploiter la très grande quantité de vidéos et matériels saisis pour préciser les comportements dans et en dehors des phases dites de live, et de déterminer les conditions de réalisation de ces vidéos sur les plans juridique et financier, ainsi que les liens existants avec les plateformes concernées".

Une affaire qui suscite de nombreuses réactions

Clara Chappaz, ministre déléguée au Numérique, a déclaré avoir "contacté les responsables de la plateforme pour obtenir des explications" et a rappelé que "la responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi". Elle a également saisi l’Arcom et effectué un signalement sur la plateforme Pharos.

La plateforme Kick a réagi en affirmant être "profondément attristée par la perte de Jean Pormanove". Elle a annoncé avoir "banni les co-streamers ayant participé à cette diffusion en direct dans l’attente de l’enquête en cours" et entamé "une révision complète" de son contenu en français.

"Des années de torture sans que jamais la justice n’ait levé le petit doigt ou mis un stop", dénonce Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat de police Un1té, à Actu17. "Et il aura fallu, non pas son horrible décès en direct pour que le parquet se saisisse, mais l’émoi collectif. Parions que les principaux spectateurs qui encourageaient ces méfaits ne seront jamais embêtés. Que du spectacle de justice. Il y a des coupables, et il y a les institutions défaillantes qui laissent faire".

La mort de Jean Pormanove a fait réagir jusque sur la scène internationale. Le streamer américain Adin Ross, figure majeure de Kick, a annoncé prendre en charge les frais funéraires de "JP", en collaboration avec le rappeur Drake — une information non confirmée par ce dernier. Adin Ross a qualifié les faits de "horribles et dégoûtants" et a affirmé que "quiconque ayant participé à cela mérite de subir de graves conséquences".

Le procureur de la République a précisé qu'il communiquerait de nouveau "à la lumière des résultats de l'autopsie".