Un homme meurt après son interpellation à Montfermeil : ce que l'on sait de l'intervention des policiers

Un homme de 30 ans est décédé ce vendredi matin à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, au lendemain de son interpellation à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Il s'était violemment opposé aux forces de l'ordre malgré l'utilisation répétée d'un pistolet à impulsion électrique. Un policier a été sérieusement blessé et deux enquêtes ont été ouvertes pour éclaircir les circonstances du drame.
Un homme meurt après son interpellation à Montfermeil : ce que l'on sait de l'intervention des policiers
Les policiers sont intervenus dans la nuit de mercredi à jeudi dans une épicerie à Montfermeil. (captures écran vidéo / DR)
Par Stéphane Cazaux
Le vendredi 5 janvier 2024 à 18:38

Un homme âgé de 30 ans est décédé à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (XIIIe) ce vendredi matin. Il avait été interpellé dans la nuit de mercredi à jeudi, à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Durant leur longue intervention, les policiers ont fait usage à plusieurs reprises de leur pistolet à impulsion électrique (PIE), sans que cela ne permette de maîtriser le suspect, qui a agressé les policiers, indique plusieurs sources proches de l'enquête, confirmant une information du Parisien. L'un des agents a été mordu à un doigt et sérieusement blessé.

Il était environ 23h20 lorsque les policiers ont été appelés pour un homme "virulent, alcoolisé et très agressif", refusant de sortir d'une épicerie situé rue Henri-Barbusse, à Montfermeil. "Il s'agit d'un homme d'environ 1m90, originaire de Martinique, connu du secteur et des services de police", indique l'une des sources proches de l'enquête. "Il avait récemment été interpellé pour des faits de violences avec une machette".

A leur arrivée, les policiers de la brigade anticriminalité (BAC) de Clichy-sous-Bois Montfermeil constatent que plusieurs personnes se trouvent devant l'épicerie et n'osent pas rentrer, devant l'état d'excitation du suspect qui se trouve à l'intérieur. "L'homme faisait de grands gestes, comme s'il voulait tout casser", poursuit la même source. Le gérant confirme aux forces de l'ordre qu'il souhaiterait que le trentenaire quitte son commerce, afin qu'il puisse reprendre son activité normalement. D'autres personnes présentes sur place font part de leurs inquiétudes aux policiers. "Ils ne reconnaissaient pas leur ami depuis quelques jours, évoquant un homme totalement différent de d'habitude", ajoute notre source.

«Le regarde vide»

Les policiers pénètrent dans la petite épicerie pour échanger avec cet homme. Ce dernier est assis à proximité de la caisse, au fond de l'établissement. "Les policiers ont précisé après leur intervention qu'il avait le 'regard vide', qu'il était hagard et qu'il sentait l'alcool", continue la même source. "Il était en train de préparer une cigarette artisanale contenant vraisemblablement du cannabis". La discussion s'est engagée avec le trentenaire mais celui-ci aurait refusé de parler, "à l'inverse de d'habitude". L'homme aurait alors menacé les forces de l'ordre de les frapper, tout en consommant de l'alcool et en fumant sa cigarette. La situation dure de longues minutes tandis que plusieurs personnes regardent ce qu'il se passe, depuis l'entrée.

Sa mère arrive sur les lieux

Peu après, le suspect aurait menacé de se saisir de l'arme d'un des policiers pour leur "mettre une balle". Les policiers tentent ensuite de faire venir le gérant de l'épicerie, pour tenter de raisonner le trentenaire, en vain. Environ une demi-heure après le début de cette intervention, la mère de l'homme arrive sur place. "Elle arrivait avec ses valises depuis Montluçon, où elle habite, après avoir reçu un appel de son fils qui lui disait qu'il ne se sentait pas bien", explique notre source. La mère de famille entre à son tour dans l'épicerie pour échanger avec son fils, mais celui-ci, qui semble dans un état second, refuse toujours de se lever et de sortir. L'homme demande à sa mère de mettre un chant religieux sur son téléphone, "une sourate", ce qu'elle fait, avant de ressortir, face à cette impasse.

La situation n'évolue pas et le gérant indique aux policiers qu'il doit fermer son établissement, avant de rentrer chez lui. Juste avant minuit, les forces de l'ordre décident d'inviter le suspect à les suivre vers la sortie, en tentant de le rassurer, alors que l'homme consomme encore de l'alcool. Alors que les fonctionnaires étaient à son contact, le suspect aurait tenté de mettre la main sur l'arme de service de l'un d'eux, avant de se saisir d'une bouteille en verre pour les agresser. Selon l'une des sources, l'un des policiers fait alors usage de son pistolet à impulsion électrique, mais l'usage de l'arme n'aurait eu aucun effet. Un second tir est effectué. Cette fois, le suspect chute au sol. Les policiers tentent de le maîtriser dans ce couloir très étroit.

L'homme parvient à entrer dans une petite pièce tout en restant par terre. Il aurait donné des coups de pied aux policiers, pour les empêcher de le saisir. Un troisième tir de PIE est réalisé mais n'aurait pas fonctionné, puis un quatrième. "Si les deux dards (les broches métalliques du PIE, ndlr) ne sont pas accrochées correctement, l'arme ne fonctionne pas", souligne une source policière. "Le PIE ne fonctionne pas non plus, ou très mal, sur les personnes sous l'empire de stupéfiants ou très alcoolisées". Dans la mêlée, le suspect mord violemment un policier au niveau du pouce droit. Le fonctionnaire parvient tant bien que mal à retirer son doigt de la bouche de cet homme, avant de se diriger vers la sortie. Plusieurs points de suture lui ont été posés à l'hôpital et dix jours d'incapacité totale de travail (ITT) lui ont été attribués à ce stade.

Deux enquêtes ouvertes

Les policiers demandent du renfort et laissent la porte de l'épicerie fermée pour éviter que le suspect sorte pour s'en prendre à d'autres personnes, son état étant jugé "incontrôlable et dangereux". D'autres policiers arrivent sur place et pénètrent dans l'épicerie. Un PIE aurait de nouveau été utilisé, ce qui aurait provoqué un arrêt cardiaque du suspect. Pris en charge par les secours, il a été évacué à l'hôpital, où il est décédé ce vendredi. Une autopsie va être pratiquée, ainsi qu'un examen toxicologique.

Deux enquêtes ont été ouvertes dans ce dossier. La première pour dégradations volontaires, rébellion et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, qui a été confiée à la sûreté territoriale de la Seine-Saint-Denis (ST 93). La seconde a été confiée à l'inspection générale de la police nationale (IGPN) concernant l'intervention des forces de l'ordre. Une dizaine de fonctionnaires, qui ont participé à cette intervention, ont commencé à être interrogés.

«Les policiers ont agi en état de légitime défense»

"Au-delà du drame humain, les policiers ont tout mis en œuvre pour mener à bien cette mission", souligne Grégory Goupil, secrétaire régional du syndicat Alliance Police Nationale, à Actu17. "Malheureusement, les policiers n'ont pas eu d'autres alternatives que d'utiliser cette arme intermédiaire qu'est le pistolet à impulsion électrique, pour maîtriser cet individu, qui a sérieusement blessé l'un de nos collègues primo intervenant. Du côté de la police, tout le monde va être interrogé par l'IGPN, certains de nos collègues l'ont déjà été. Les policiers ont agi en état de légitime défense".