Une policière blessée par l'un de ses collègues qui lui pratique une clé d'étranglement durant leur service

Une policière a été blessée par l'un de ses collègues qui lui avait proposé de lui faire une démonstration de la prise dite "d'étranglement". Une enquête a été ouverte par le parquet de Bobigny et confiée à l'IGPN.
Une policière blessée par l'un de ses collègues qui lui pratique une clé d'étranglement durant leur service
Un policier de la Police aux frontières (PAF). (Illustration/ETIENNE LAURENT/EPA/MaxPPP)
Par Actu17
Le vendredi 26 juin 2020 à 19:07 - MAJ vendredi 26 juin 2020 à 20:36

C'est une affaire dont la police se serait bien passée. Elle survient en plein débat concernant la technique dite "d'étranglement", que le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a décidé soudainement de supprimer dans la police nationale, avant d'annoncer face à un mouvement de grogne qui se poursuit, qu'elle serait finalement autorisée jusqu'en septembre, le temps qu'un groupe de travail trouve une méthode de remplacement.

Les faits se sont déroulés vendredi dernier. Une policière a été blessée par l'un de ses collègues durant leur service, et deux enquêtes ont été ouvertes. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) est en charge de ces investigations raconte Le Parisien.

La fonctionnaire, Thérèse N., qui travaille à l'unité nationale d'escorte, de soutien et d'intervention (UNESI), un service de la Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), est habituellement affectée aux « reconduites frontières ». Il s'agit de ramener des personnes en situation irrégulière arrêtées en France, dans leur pays, lorsqu'il est nécessaire d'avoir une escorte des forces de l'ordre. Suite à la crise sanitaire du Covid-19, la policière et ses collègues ont été redéployés dans d'autres unités.

C'est ainsi que Thérèse s'est retrouvée à travailler avec des policiers de l'Unité d'appui opérationnel (UAO) et de la Police aux frontières (PAF) d'Orly. Elle faisait partie ce jour-là d'une patrouille de sept fonctionnaires. Ces derniers ont pénétré dans un TER partant de la gare de Lyon à Paris, pour se rendre à Moret-Veneux-les-Sablons (Seine-et-Marne).

Une discussion au départ des faits

Ils ont ensuite fin le chemin inverse vers 17 heures et se sont divisés en deux groupes pour sécuriser le train, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière. Thérèse et ses collègues ont alors été rejoints par Mathieu, un fonctionnaire de la PAF d'Orly. Une discussion professionnelle a débuté.

Mathieu qui est intéressé par rejoindre l'UNESI a posé quelques questions. Thérèse en a profité pour lui expliquer par quels moyens, elle et ses collègues sont parfois contraints de maîtriser des individus qui refusent d'être reconduits dans leur pays. Pour Mathieu, il s'agit de "violences". Thérèse en profite pour lui rappeler qu'il ne s'agit pas de "violences gratuites" et que différentes techniques sont utilisées.

Elle estime ensuite à voix haute qu'elle considère Mathieu comme "trop zen" pour travailler à l'UNESI. Puis la discussion se poursuit au sujet des GTPI, les gestes techniques et professionnels d'intervention, enseignés dès l'école de police.

L'un des collègues de Thérèse propose à Mathieu de lui faire une démonstration. Il utilise la technique dite du « pavillon de l'oreille » sur ce dernier, avec précautions. A son tour, Mathieu propose à Thérèse de lui montrer une clé "d'étranglement". La policière accepte. Elle a très vite regretté son choix.

"Je ne pouvais plus ni respirer ni parler"

Après avoir précisé qu'il n'avait pratiqué qu'une seule fois cette technique d'immobilisation en école de police, Mathieu s'est lancé, ajoutant qu'il souhaitait s'assurer qu'il était encore en capacité de la réaliser. "Il m'a serré très fort le cou, m'a mis son genou sur la colonne vertébrale et m'a entraînée au sol", a raconté Thérèse.

Cette dernière qui suffoquait, a été obligée de taper du bras et des pieds pour que son collègue relâche son emprise. Mathieu a quand même continué. "Je ne pouvais plus ni respirer ni parler", a-t-elle précisé.

L'intervention des deux autres policiers a été nécessaire pour faire cesser leur collègue. L'un des fonctionnaires qui est intervenu a décrit une "pression complètement démesurée" au cou de Thérèse, rappelant que Mathieu n'avait pas relâché son emprise de lui-même. "Et là je suis zen ?", a ensuite lancé ce dernier.

La hiérarchie a rapidement été avisée. De son côté, Thérèse est allée faire constater ses blessures à l'hôpital. Le rapport médical consulté par nos confrères fait état d'un « traumatisme du rachis cervical », d'une « discopathie » et d'une « position asymétrique de l'odontoïde ». La victime souffre de violentes douleurs "au cou et au dos".

Le policier "retiré des missions de voie publique"

D'autre part, le parquet de Bobigny a déploré le mauvais traitement de cette affaire que la hiérarchie de l'UNESI a "voulu étouffer" selon une source proche de l'enquête citée par Le Parisien.

Le service d'information de la police nationale (SICOP) a indiqué à RTL que le policier, auteur présumé de cette agression, "a été retiré des missions sur la voie publique et n'est plus en contact avec le public". Une enquête administrative a aussi été ouverte, dès le 20 juin, en plus de l'enquête judiciaire précise-t-on.

Selon une source policière, le fonctionnaire mis en cause était déjà désarmé (il n'avait plus l'autorisation de prendre son arme à feu administrative, ndlr) depuis quelques semaines, suite au suicide de sa femme. Sa hiérarchie avait décidé de le laisser en activité, non armé, afin qu'il puisse continuer à avoir une activité professionnelle, face à sa douleur. Son geste sur sa collègue serait lié à un "pétage de plomb" précise-t-on.