Le lundi 12 octobre 2020 à 19:14
Inaugurée le 26 février dernier dans le IIIe arrondissement de Paris, la plaque en hommage au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, le gendarme de 44 ans assassiné lors des attentats de Trèbes et de Carcassonne le 23 mars 2018, fait beaucoup réagir depuis ce week-end.
Il est notamment écrit qu'Arnaud Beltrame a été "victime de son héroïsme". Une tournure ciblée par les critiques, qui suggère que le militaire a perdu la vie par sa propre faute. Le lieutenant-colonel s'était substitué à une otage lors de l'attaque de Trèbes, au terme d'une négociation avec le terroriste Redouane Lakdim. Ce dernier avait peu après tué le gendarme d'un coup de couteau à la gorge.
Une polémique qui intervient près de sept mois après l'installation de la plaque commémorative, alors que des discussions autour du projet de loi destiné à lutter contre le séparatisme et l’islam radical, devant être présenté en décembre prochain au Conseil des ministres, ont débuté.
"Une insulte à sa mémoire"
Pour le président du Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT), Jean-Charles Brisard, il s'agit d'«une insulte» en la mémoire d'Arnaud Beltrame. La présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, estime pour sa part que c'est "révoltant". "C’est le fondamentalisme islamiste qui l’a assassiné. Anne Hidalgo s’honorerait à faire modifier cette phrase qui choque nombre de Français", ajoute-t-elle.
C'était passé inaperçu quand la plaque avait été dévoilée : suggérer qu’Arnaud #Beltrame aurait été victime de lui-même est révoltant. C’est le fondamentalisme islamiste qui l’a assassiné. @Anne_Hidalgo s’honorerait à faire modifier cette phrase qui choque nombre de Français. MLP https://t.co/qljW89RYoD
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) October 12, 2020
Quand l’hommage à un héros qui a fait face au #terrorisme islamiste devient une insulte à sa mémoire. #Beltrame @Paris #Pathétique pic.twitter.com/Qrdxkt4SFR
— Jean-Charles Brisard (@JcBrisard) October 12, 2020
"Combattons l’héroïsme alors !"
"Comment peut-on nier à ce point la barbarie et le terrorisme islamiste qui sont les seuls responsables de son assassinat ? S'il est mort en héros, il n'est en rien victime de son héroïsme", a réagi la présidente déléguée du groupe LREM à l'Assemblée nationale, Aurore Bergé. Le député LREM de l'Indre, François Jolivet, suggère pour sa part une correction de la phrase : "Victime du terrorisme islamiste".
Wassim Nasr, journaliste de France 24 spécialiste du terrorisme, estime "qu'à force de ne pas vouloir nommer al-Qaeda et l'État islamique, on finit par se faire des nœuds dans la tête et dire n'importe quoi". « 'Victime de son héroïsme' c'est aussi aberrant que 'victime du terrorisme' même avec l'adjectif package 'islamiste' ça reste un mode opératoire ! », ajoute-t-il.
"Victime de son héroïsme ? Combattons l’héroïsme alors ! Serait-il son propre bourreau ? Serait-ce un suicide ? Non ignares ! Arnaud Beltrame est une victime du terrorisme islamiste", s'exclame le journaliste et écrivain Mohamed Sifaoui sur Twitter.
Victime de son héroïsme ? Combattons l’héroïsme alors ! Serait-il son propre bourreau ? Serait-ce un suicide ?
Non ignares !
Arnaud Beltrame est une victime du terrorisme islamiste pic.twitter.com/IYrMe2sgE5— Mohamed Sifaoui (@Sifaoui) October 11, 2020
L'adjointe à la mairie de Paris en charge de la mémoire, Laurence Patrice, a reconnu qu'elle découvrait cette « formulation assez malheureuse ». Le maire de Paris centre, Ariel Weil, s'est également exprimé sur le sujet : "Je ne comprends pas cette construction stylistique. Je suis également ravi de ce jardin nommé en souvenir d’Arnaud Beltrame et étonné de cette formulation que nous reverrons (nous ne l’avons pas validée)."
Oui @ArielWeilT je découvre cette formulation qui est assez malheureuse, on devrait pouvoir changer cela effectivement !
— Laurence Patrice (@lau_patrice) October 11, 2020
Cédric Beltrame estime qu'une modification serait nécessaire
"La rédaction de la plaque avait été validée par la famille d'Arnaud Beltrame, et inaugurée en présence de sa mère et Anne Hidalgo", a précisé la mairie de Paris interrogée par Le Figaro. "C'est une évidence que la Ville ne décide pas par elle-même sans l'accord de la famille", ajoute-t-elle, indiquant qu'elle est prête à modifier la formulation faisant polémique.
Le frère d'Arnaud Beltrame, Cédric, a indiqué à nos confrères qu'il ne se souvenait pas avoir été sollicité et pense que sa mère « a découvert le libellé sur place ». « Ce serait mieux d'avoir «Mort en combattant le terrorisme islamique» ou «Victime du terrorisme islamique » a-t-il estimé.