Le vendredi 27 mai 2022 à 18:54
A l'entrée de l'école d'Utopia, au Texas, une pancarte prévient : "Attention! Cet établissement est protégé par un personnel armé". La mesure vise depuis 2018 à empêcher un drame comme celui d'Uvalde, non loin de là, où 19 enfants et deux enseignantes ont été tués mardi par un lycéen.
Utopia est un hameau tranquille de quelque 200 âmes, perdu entre collines et champs à perte de vue. Une route principale bordée d'une dizaine de magasins, quelques allées et guère plus. Ses habitants essaient encore de prendre la mesure de la tragédie qui a frappé trois jours plus tôt l'école primaire Robb d'Uvalde, où un adolescent de tout juste 18 ans a commis un massacre au fusil d'assaut semi-automatique.
"Il n'y a aucun moyen d'empêcher complètement que ces choses se produisent", estime Michael Derry, responsable du district scolaire d'Utopia depuis 2020. "Mais je pense que ça dissuade énormément de savoir qu'il y a ici (à l'école) des personnes armées et prêtes à faire n'importe quoi pour protéger nos enfants."
Cette mesure, mise en place dans des dizaines d'écoles texanes depuis son approbation à l'échelle de l’État en 2013, est de nouveau d'actualité aux États-Unis, où l'on débat une fois de plus de la meilleure manière d'arrêter les fusillades en milieu scolaire. Les enseignants qui souhaitent porter une arme à Utopia doivent posséder un permis et en faire la demande auprès du conseil d'administration de l'école, qui se prononce après avoir consulté les antécédents du professeur, explique Michael Derry.
Pour lui, cette disposition est aussi une façon de pallier le manque de policiers autour de cette ville du nord-est du comté d'Uvalde. "Nous sommes très isolés. Et les services du shérif sont très occupés dans le sud du comté, où les gens traversent la frontière (avec le Mexique, nldr). Donc il faut minimum 25 à 30 minutes pour que les forces de l'ordre arrivent, et c'est trop tard", assure-t-il.
Gorge serrée
Dans une salle aux étagères remplies des trophées remportés par les équipes de cette école, qui accueille des élèves de la maternelle au lycée, Bryson Dalrymple, la cinquantaine, a la gorge serrée quand il évoque la tuerie d'Uvalde, où il a grandi. "C'est bouleversant et ça me fait peur pour les enfants", dit ce professeur de sciences qui est aussi responsable de la sécurité de l'établissement. Selon lui, en cas d'attaque, les armes portées par les enseignants permettraient d'"éliminer le problème avant qu'il n'empire".
Le procureur général du Texas, Ken Paxton, a justement argué mardi sur la chaîne Fox News que davantage d'écoles devraient armer leurs employés. "Nous ne pouvons empêcher les mauvaises personnes de faire des mauvaises choses", a-t-il dit, assurant qu'armer les enseignants "pour qu'ils répondent rapidement" à une attaque était "la meilleure réponse".
Mais selon un important syndicat d'enseignants, la National Education Association (NEA), "faire entrer davantage d'armes dans les écoles les rend plus dangereuses et ne protège en rien nos élèves et éducateurs contre la violence par armes à feu". "Les enseignants devraient enseigner, pas jouer le rôle d'agents de sécurité", a souligné la présidente de la NEA, Becky Pringle, dans un communiqué.
«Jusqu'à mon dernier souffle»
A Utopia, Sugar Bennett s'est d'abord opposée à la décision de l'école, où son fils Jason est scolarisé. Mais cette maman de 46 ans a ensuite changé d'avis face aux fusillades à répétition dans le pays. La mesure lui fait se "sentir plus en sécurité", dit-elle.
Son fils voit lui aussi d'un bon œil le fait que certains de ses professeurs soient équipés d'une arme, surtout depuis le massacre d'Uvalde. "Ils ont assez d'expérience avec les armes pour nous défendre si nécessaire". Le professeur de sciences, Bryson Dalrymple, le promet d'ailleurs : "Les gamins ici sont comme mes propres enfants. Si quelque chose comme ça arrivait, je les défendrais jusqu'à mon dernier souffle."