Le lundi 30 mai 2022 à 10:25
A la sortie de l'église où le président démocrate, catholique pratiquant, et sa femme Jill Biden venaient d'assister à une messe, plusieurs voix ont scandé : "Faites quelque chose !". "Nous le ferons. Nous le ferons", a répondu le président, grimpé sur le marchepied de sa voiture, en se tournant vers les personnes qui l'interpellaient. Le couple avait entamé sa visite à l'école primaire Robb, lieu de l'un des pires massacres en milieu scolaire aux États-Unis.
Dix-neuf enfants et deux enseignantes sont tombés mardi sous les balles de Salvador Ramos, 18 ans. Joe et Jill Biden ont déposé un bouquet devant des croix portant les noms des victimes, presque submergées de fleurs, avec çà et là une peluche. Puis le couple, visages douloureux derrière leurs lunettes noires, a passé en revue une rangée de grandes photos montrant les visages des enfants fauchés, âgés de 9 à 11 ans. Les Biden ont plus tard passé près de trois heures avec des familles de victimes, à l'abri des caméras et des regards.
Les images d'Uvalde offraient une ressemblance bien sombre avec la visite effectuée par le président américain et sa femme il y a quelques jours à Buffalo, dans le nord-est du pays, lieu d'une tuerie raciste.
Perdre un enfant
Joe Biden s'est donc retrouvé plongé dans le deuil, avec une dimension intime. "Perdre un enfant, c'est comme si l'on vous arrachait une partie de votre âme", avait-il dit mardi, lui qui a perdu une fille encore bébé dans un accident de voiture, et un fils d'un cancer à l'âge adulte.
Joe Biden a peut-être, lors de sa longue entrevue avec elles, réussi à réconforter un peu les familles. Mais le démocrate de 79 ans ne peut pas faire grand-chose de plus, dans un pays où il y a plus d'armes en circulation que d'habitants.
«Hurlements»
Ricardo Garcia, 47 ans, employé à l'hôpital d'Uvalde, y travaillait le jour du drame. "J'ai vu des choses terribles. De petits enfants morts. Je n'arrive pas à ôter de ma tête le hurlement des mamans à qui l'on annonçait la mauvaise nouvelle", raconte-t-il. "Je suis content que (le président) soit là. Nous sommes honorés. Mais il faut arrêter de vendre des armes, point final. Au Texas aujourd'hui vous ne pouvez pas acheter de tabac à 18 ans mais vous pouvez avoir des armes. Ce n'est pas normal", ajoute-t-il.
Joe Biden voudrait briser cette sinistre routine de l'Amérique, bouleversée à intervalles réguliers par des fusillades sans que des réformes significatives ne suivent. "Je sens un état d'esprit différent", a voulu croire Dick Durbin, sénateur démocrate, interrogé dimanche par CNN.
Les démocrates doivent convaincre quelques républicains pour obtenir la majorité qualifiée nécessaire au Sénat, et légiférer au moins sur l'accès aux armes semi-automatiques. La tâche sera ardue. Vendredi, des ténors du camp conservateur, dont l'ancien président Donald Trump, ont défilé à la convention du puissant lobby pro-armes NRA, se ralliant au mantra du chef de file de l'organisation. "La seule chose qui arrête un méchant avec une arme c'est un gentil avec une arme", avait déclaré Wayne LaPierre.
«Tous mourir»
Les premiers témoignages des élèves sortis vivants de l'école ont donné un aperçu du cauchemar. En entrant dans la salle, le tireur a dit aux enfants : "Vous allez tous mourir", avant d'ouvrir le feu, a raconté Samuel Salinas, 10 ans, à la chaîne ABC. Miah Cerrillo, 11 ans, a tenté d'échapper à l'attention de Salvador Ramos en se couvrant du sang d'un camarade, dont le cadavre se trouvait à côté d'elle, et en feignant d'être morte, a-t-elle expliqué à CNN. Elle venait de voir l'adolescent abattre son institutrice, après lui avoir dit "bonne nuit".
L'émotion s'est aussi teintée de colère, à propos de la réponse de la police qui n'a mis fin au massacre qu'au bout d'une heure. Et ce malgré de nombreux appels de personnes se trouvant dans les salles de classe touchées, dont une enfant implorant : "S'il vous plaît, envoyez la police maintenant". Le ministère de la Justice américain a annoncé dimanche qu'il examinerait cette réponse policière.