Le lundi 27 juin 2022 à 10:41 - MAJ lundi 27 juin 2022 à 22:37
Au premier jour de son procès lundi devant les assises du Bas-Rhin, Jean-Marc Reiser, assassin présumé de Sophie Le Tan, a persisté : jamais il n'a souhaité la mort de l'étudiante de 20 ans, a répété, l'air détaché, celui qui a mis plus de deux ans à avouer avoir tué la jeune femme et jeté en forêt son cadavre démembré.
Masque sur le nez, l'accusé de 61 ans a pris place peu après 14h00 dans le box des accusés, vêtu d'un tee-shirt vert.
Signe de la tension qui régnait alors dans la salle des assises, la mère de Sophie Le Tan s'est effondrée en larmes à la vue de l'accusé. Incapable de tenir sur ses jambes, elle a dû être évacuée par des secouristes. Elle n'a pas pu revenir dans la salle du tribunal, laissant le père de Sophie Le Tan, son petit frère, des oncles, des tantes et des cousins faire face à l'assassin présumé de l'étudiante.
«Insoutenable»
"Lorsqu'elle a vu Jean-Marc Reiser, c'était insoutenable, elle était au bord de l'évanouissement", a confié en fin d'audience Laurent Tran, le cousin de Sophie. "Vous répondrez aux questions M. Reiser ?", a insisté, d'une voix ferme, l'un de ses avocats, Me Francis Metzger, en début d'audience, relayant une demande du président Antoine Giessenhoffer.
"Oui je répondrai aux questions autant qu'il me sera possible", a-t-il répondu, d'une voix terne sans émotion. A l'issue de la lecture du résumé d'une instruction de deux ans et demi, Jean-Marc Reiser a confirmé avoir "reconnu" et "expliqué les faits". "Il n'y avait pas d'intention d'homicide de ma part, je conteste la préméditation", a-t-il insisté.
"C'est sa vérité, il ne la modifiera pas", a prévenu l'un de ses avocats, Me Francis Metzger.
Plusieurs témoins annoncés ont été excusés, dont la mère de l'accusé, 84 ans. Plusieurs de ses auditions par les enquêteurs ont été lues à l'audience à laquelle assistait un public nombreux. Aux policiers, elle avait brossé le portrait d'un Reiser "bon fils" qu'elle n'a "jamais vu violent" et qui "n'a jamais fait de mal aux filles".
A la maison, "il y avait souvent des disputes" avec leur père, dont Jean-Marc "ne supportait pas l'alcoolisme", a nuancé la jeune sœur de l'accusé, Christiane. Aux policiers, elle avait dit : "Si c'est lui, c'est un monstre". "Il faut qu'il réponde de ses actes. Nous la famille on subit", a-t-elle asséné à la barre.
"Je n'ai pas perçu à un quelconque moment une dangerosité chez lui", a reconnu Pierre Villemin, qui avait connu Reiser aux Restos du Cœur. Lui décrit un homme "bienveillant, respectueux", parfois un "peu gauche" ou "bourru" et capable d'être "cavalier" avec les femmes.
Visiteuse de prison, Françoise Emilli a rencontré Reiser lorsqu'il était détenu à Besançon il y a plus de vingt ans, avant sa condamnation pour deux viols. Elle se souvient d'un "homme brillant, intelligent, cultivé, calme, posé" qui s'intéressait à la "philosophie" et à la "spiritualité orientale".
«Dr Jekyll et Mr. Hyde»
"C'est Dr Jekyll et Mr Hyde : oui il est intelligent, charmant et cultivé" mais "il ment sur tout, il trahit tout le monde", a tempêté après l'audience Me Gérard Welzer, l'avocat des proches de Sophie. "Il faut qu'on humanise le personnage et qu'on le sorte de cette idée que c'était un monstre", a opposé l'un des conseils de M. Reiser, Me Pierre Giuriato.
Assassinat avec un piège minutieusement préparé ? Ou, comme le maintient M. Reiser, meurtre sous le coup de la colère après des avances refusées ? Les jurés, quatre hommes et deux femmes, auront jusqu'au 5 juillet pour essayer de comprendre ce qui s'est passé le 7 septembre 2018 à Schiltigheim, commune limitrophe de Strasbourg.
Sophie Le Tan a disparu le jour de son vingtième anniversaire, après s'être rendue à une visite d'appartement. Rapidement, les enquêteurs sont remontés vers Jean-Marc Reiser, déjà condamné pour viols en 2003 et acquitté faute de preuves dans une autre affaire de disparition en 2001. D'importantes traces de sang soigneusement effacées sont découvertes chez lui et de l'ADN de la victime sur une scie dans sa cave.
Après plus de deux ans de déni et de versions fluctuantes, il finit par avouer en janvier 2021, plus d'un an après la découverte du squelette incomplet de l'étudiante en forêt en octobre 2019. Jean-Marc Reiser sera interrogé sur le fond de l'affaire vendredi. Il encourt la perpétuité.