Le lundi 4 avril 2022 à 18:06
"50 nuances de mensonges" : une peine de 30 ans de réclusion a été requise lundi devant la cour d'assises de l'Ain à l'encontre de Mamadou Diallo, accusé du meurtre sanglant d'une postière en 2008, crime dont il se dit innocent.
"Je ne crois pas à la thèse du spectateur profiteur (...) et si on n'est pas spectateur, c'est qu'on est acteur de la scène", a déclaré l'avocat général Eric Mazaud, relevant la "constante adaptation dans le mensonge" de l'accusé. "Il ment jusqu'à l'absurde, sur son heure d'arrivée, sur sa présence sur les lieux, sur le motif de sa présence, sur la présence de sang sur lui", énumère le magistrat.
Confondu par son ADN dans le bureau de poste près de dix ans après le meurtre, Mamadou Diallo assure s'être rendu sur les lieux mais avoir pris la fuite en s'emparant d'une liasse de billets après avoir découvert le cadavre de la victime. "Depuis le début, je déclare que je suis innocent, je n’ai rien à voir avec la mort de cette pauvre femme", a assuré à plusieurs reprises devant la cour d'assises l'accusé de 32 ans.
2490 euros volés
Le corps de Catherine Burgod, 41 ans, avait été découvert le 19 décembre 2008 à 09H05 dans l'arrière-boutique de la petite poste de Montréal-la-Cluse, baignant dans une mare de sang. 28 coups de couteau étaient relevés sur le corps de cette mère de deux enfants, enceinte de 5 mois. La piste crapuleuse a rapidement été suivie par les enquêteurs, une somme évaluée à 2490 euros ayant été dérobée. L'arme du crime, elle, reste introuvable. Et aucun témoignage probant, notamment pour les 29 minutes cruciales séparant le dernier SMS de la victime et la découverte de son corps, n'a permis de faire avancer l'enquête.
L'enquête s'était d'abord orientée sur la piste de Gérald Thomassin, ex-espoir du cinéma français devenu marginal, qui résidait alors en face de cette poste. Cet homme a disparu en 2019, avant de bénéficier d'un non-lieu. Durant les six jours de débats, la défense a tenté d'instiller à nouveau un doute autour de la piste menant à Gérald Thomassin. Pour l'avocat général, cette stratégie est un "épouvantail qu'on va vous brandir, ça sert à distraire les oiseaux pour les emmener ailleurs". "La piste Thomassin ne vaut rien du tout", a-t-il ajouté.
"Main au feu"
"Ne vous en déplaise, bien sûr que je vais parler de Thomassin, je suis convaincue que c'est lui le coupable", a lancé d'une voix forte en début de plaidoirie l'avocate de la défense, Me Sylvie Noachovitch, qui alerte depuis le début du procès sur le risque "d'une erreur judiciaire". Me Noachovitch a plaidé l'acquittement demandant aux jurés s'ils étaient "prêts à mettre leur main au feu qu'il est coupable".
En 2017, l'affaire avait rebondi lorsqu'une correspondance est établie entre l'ADN prélevé sur un monnayeur et un sac trouvé près du corps de Catherine Burgod et celui de Mamadou Diallo. Au moment des faits, ce dernier effectuait un stage près de Montréal-la-Cluse. "J'ai paniqué, je n'ai pas réfléchi, en sortant j'ai pris une liasse de billets, je suis sorti en courant", a déclaré à la barre celui qui était à l'époque un lycéen de 19 ans. Pourquoi avoir varié dans ses déclarations au cours de l'instruction ? En raison du "traumatisme", répond-il, assurant être "sincère".
"Il ne veut pas répondre"
Pour l'avocate des parties civiles, Me Séverine Debourg, ses déclarations fluctuantes et son manque de précision sur les faits sont "une esquive". "Il ne veut pas répondre, il est capable d'aller nous donner des détails incroyablement précis sur des choses environnantes, même très proches du temps qui soi-disant est pour lui traumatique", a-t-elle relevé. Les proches de Mme Burgod "voulaient des explications sur la version de M. Diallo et ils n'en ont pas eu", a-t-elle déploré, estimant que l'accusé a "martelé sa version et ne tolère pas la contradiction". Verdict attendu en fin de journée.