Le mardi 5 avril 2022 à 18:34
Malgré les cris d'épouvante, les images d'un rôdeur qui lui ressemble et sa jalousie maladive, Nicolas Zepeda a continué mardi de contester en bloc les éléments à charge au sixième jour de son procès pour l'assassinat de son ex-petite amie japonaise Narumi Kurosaki à Besançon en 2016.
"Je ne suis pas cette personne-là", a déclaré le Chilien de 31 ans dès la reprise de son interrogatoire sur le fond du dossier devant la cour d'assises du Doubs. Le président Matthieu Husson le confrontait à deux témoignages d'étudiantes entendues la veille et qui l'avaient formellement identifié comme celui qui se dissimulait dans la cuisine commune de la résidence universitaire de Besançon où Narumi Kurosaki logeait depuis l'été 2016. L'épisode s'était produit quelques jours avant les retrouvailles entre l'étudiante japonaise et son ex-petit ami chilien, le 4 décembre. Narumi avait ensuite disparu et son corps n'a jamais été retrouvé.
"La première fois que j’entre dans ce bâtiment, c’est avec Narumi", a-t-il maintenu, s'exprimant en espagnol et conservant son allure sérieuse, confortée par sa chemise et sa cravate serrée sur son col. Depuis le début de son procès, il y a une semaine, Nicolas Zepeda laisse rarement poindre des signes d'émotion : il avait écrasé quelques larmes le premier jour face aux témoignages affectueux de ses parents venus du Chili et, jeudi, il a de nouveau pleuré en évoquant sa rencontre avec Narumi Kurosaki le 4 décembre, sur le parking de la résidence universitaire. "Elle était surprise, elle était contente, c’est là que j’ai compris qu'on avait des choses à se dire", a-t-il déclaré. En revanche, dès qu'il s'agit de s'expliquer sur les éléments qui l'accablent, Nicolas Zepeda retrouve son assurance. D'une voix claire et ferme, il répond, impassible mais avec force circonvolutions. "Comme souvent, dans vos explications...", a soupiré le président de la cour.
"Râle"
Ces derniers jours, le jeune trentenaire, qui s'était mis en couple avec Narumi Kurosaki en 2015 au Japon, a fait face aux nombreux témoignages et éléments de l'enquête qui font de lui l'unique et principal suspect de ce qu'il qualifie toujours de "disparition". La cour a examiné vendredi ses relevés téléphoniques ainsi que les données de géolocalisation qui, selon l'accusation, signent un piratage des réseaux sociaux utilisés par Narumi Kurosaki afin de convaincre ses proches qu'elle était toujours vivante après le 4 décembre.
Lundi, plusieurs étudiants qui occupaient des chambres proches de celle de Narumi Kurosaki ont décrit les "cris stridents" et le "râle" qui les avaient réveillés dans cette nuit du 4 au 5 décembre 2016 que Nicolas Zepeda reconnaît avoir passée avec Narumi. Un moment très douloureux pour la mère de l'étudiante qui, sur le banc des parties civiles, ne cesse de serrer contre elle le portrait de sa fille.
Confronté à ces témoignages, Nicolas Zepeda a affirmé qu'il dormait et n'avait rien entendu. "Je pense qu’il faudrait continuer des recherches pour savoir ce qu’il s’est passé", a-t-il suggéré sans jamais se défaire de son aplomb. Des images de vidéosurveillance de l'arrière du bâtiment ont également révélé la présence d'un même individu, portant cagoule et blouson noir, qui était passé début décembre à treize reprises et avait pris des photos, apparemment de la fenêtre de la chambre de Narumi Kurosaki. "Ce n'est pas moi", a réaffirmé l'accusé alors que la géolocalisation de sa voiture et des témoins visuels attestent qu'il se trouvait sur place. "J'ai passé beaucoup de temps sur le campus, parce que c'est un endroit confortable", a-t-il avancé.
Autre question restée sans réponse : pourquoi s'est-il arrêté, avant et après son passage à Besançon, dans une zone boisée vers Dole (Jura) où, selon l'accusation, il se serait débarrassé du corps ? "Personne ne va là sauf si on veut y aller exprès", a relevé le président de la cour. Le procès de Nicolas Zepeda, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, doit se poursuivre jusqu'au 12 avril.