Le mercredi 15 juin 2022 à 10:19
Sans l’accusé principal, mort en janvier, la cour d’assises de Paris a infligé mardi des peines relativement clémentes, prison avec sursis et amendes, aux deux seuls accusés à comparaître après l’assassinat de l’ex-dirigeant australien de Warner Music, Peter Ikin. Grand absent du procès, le meurtrier présumé de Peter Ikin, le dandy Alexandre Despallières est mort dans un hôpital parisien en janvier mettant fin automatiquement aux poursuites.
Jérémy B., 40 ans, et Vincent B., 37 ans, poursuivis pour faux et complicité d'usage de faux ont été respectivement condamnés à 24 mois de prison, dont 18 mois avec sursis, et 12 mois de prison avec sursis. Jérémy B. ayant déjà effectué six mois de détention provisoire ne retournera pas en prison.
La cour a également condamné les deux hommes à une amende de 5000 euros pour Jérémy B. et de 2000 euros pour Vincent B. Elle a demandé en outre la confiscation du compte-joint détenu par Alexandre Despallières et Jérémy B., qui comptait 608 000 euros issus de l'héritage de Peter Ikin lors de sa saisie. Cet argent pourra éventuellement être versé aux ayants droit spoliés de Peter Ikin, mort en novembre 2008 d'un probable empoisonnement au paracétamol, un mois et deux jours après avoir conclu une union civile avec Alexandre Despallières.
La cour, réunie dans un format réduit, c'est à dire sans jurés, les a reconnus coupables d'avoir participé à la fabrication d'un faux testament attribué au richissime Peter Ikin et au profit d'Alexandre Despallières.
Ce faux testament faisant d'Alexandre Despallières le légataire universel de l'ancien producteur de Madonna et d’Elton John a permis à ce jet-setteur de capter une partie de la fortune de Peter Ikin, estimée à 20 millions d'euros jusqu'à ce qu'en décembre 2009 la justice britannique, saisie par le neveu du producteur, partie civile au procès, bloque les comptes du défunt et annule les dispositions du faux testament.
"Sous emprise"
Les deux accusés encouraient une peine maximum de 3 ans de prison et une amende de 45 000 euros.
Soupçonné de l'assassinat de son compagnon, Alexandre Despallières est mort en janvier et bénéficiera à jamais "de la présomption d'innocence", a fait valoir l'avocat général Jean-Christophe Muller, soulignant néanmoins que les preuves à charge à son encontre étaient "accablantes". Plusieurs personnes de l'entourage d'Alexandre Despallières, dont ses propres parents, sont mortes d'overdose médicamenteuse, ont rappelé les avocats des parties civiles, Mes Sébastien Schapira et Marion Grégoire.
Lors des débats, les deux accusés ont affirmé, chacun à leur manière, avoir été "sous l'emprise" d'Alexandre Despallières. "Je le suivais comme un caniche", a ainsi dit Jérémy B. Il a raconté son enfance misérable d'enfant battu, ses liens toxiques avec Alexandre Despallières qui parfois l'obligeait à se prostituer. "S'il y avait un caniche, un seul est mort comme un chien et c'est Peter Ikin", laissé sans soin dans sa chambre d'hôtel malgré la présence à proximité d'Alexandre Despallières et Jérémy B., a répondu Me Marion Grégoire.
Achat de voitures et de montres de luxe
Vincent B. qui a paraphé et antidaté le faux document, rédigé en anglais, a fait valoir qu'il ne comprenait pas l'anglais. Quand la cour lui fait remarquer que le mot "testament" écrit en gros sur le faux document est le même dans les deux langues, il bredouille : "je ne l'ai pas lu". "J'avais seulement 24 ans à l'époque", explique-t-il. A propos de la somme de 10 000 euros versés par Despallières après la signature du faux testament, il évoque un salaire mais est incapable d'expliquer en quoi consistait le travail pour lequel il avait été payé.
Pour l'avocat général, les trois hommes étaient liés par "une communauté d'intérêts". Ils étaient en quête "d'argent abondant et facile", a-t-il dit en dénonçant leur "cupidité". Après la mort suspecte de Peter Ikin, les trois hommes ont mené la grande vie, "les poches débordant de billets" dans une "vulgarité triomphante" avec achats de voitures et de montres de luxe, s'est indigné l'avocat général. "Le profit est ce qui a réuni Alexandre Despallières, Jérémy B. et Vincent B.", a résumé le magistrat.