Le mercredi 16 février 2022 à 20:07
Deux responsables des douanes ont témoigné mercredi au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) où comparaissent des agents jugés pour avoir dévalisé pendant des années des trafiquants, exploitant des failles dans les procédures de l'aéroport de Roissy.
Des lacunes du dispositif douanier et la responsabilité de la hiérarchie ont été examinées au cours de l'audience où treize prévenus, dont neuf douaniers, comparaissent devant le tribunal correctionnel pour vol en réunion d'argent liquide ainsi que dissimulation et placement de capitaux à l'étranger entre 2009 et 2012.
Les anciens douaniers reconnaissent avoir volé de l'argent liquide dans les bagages de présumés trafiquant de drogue, valises qu'ils interceptaient dans le cadre de leur fonction. Ces vols duraient depuis les années 1990 et beaucoup sont trop anciens pour être poursuivis. "Je n'imaginais pas que ce soit possible", a déclaré mercredi à la barre Pascale Buronfosse-Bjai, directrice régionale des douanes à Rennes qui a mis en place en 1999 à Roissy des dispositifs d'encadrement des brigades dont ont fait partie les prévenus.
Objectif de ces dispositifs : "Je ne voulais pas qu'on accuse les agents de voler dans les bagages", a-t-elle expliqué, ajoutant n'avoir "jamais eu connaissance de rumeurs" à ce sujet. Pourtant des lettres de dénonciation anonyme, notamment à l'égard d'un des prévenus, ont été envoyées à la direction entre 2009 et 2012 et auparavant.
Une valise d'argent surveillée par l'OCRTIS
En avril 2012, l'un des prévenus est filmé en train de détourner une valise d'argent surveillée par l'OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants), déclenchant l'ouverture d'une enquête. Les prévenus étaient-ils tenus de signaler à leur hiérarchie, à l'époque des faits, les sommes d'argent liquide découvertes en transit ? Ce produit non prohibé n'était alors pas sujet à des règles enclenchant systématiquement le démarrage d'une enquête.
Le flou juridique autour de cet enjeu n'a pas été dissipé par le second témoin, inspecteur principal adjoint des douanes à Roissy qui a travaillé directement avec certains prévenus, malgré les questions répétées du président du tribunal, Benoît Descoubes.
L'agent judiciaire de l’État, qui s'est constitué partie civile, entend réclamer six millions d'euros, le montant des sommes détournées, a appris l'AFP de sources concordantes. Selon Me Frédéric David, conseil d'un des douaniers, l'enquête ne permet pas d'évaluer le montant des fonds volés. "C'est le procès des lacunes de la douane qui devrait se tenir", a quant à lui estimé Me Daniel Merchat, avocat d'un autre prévenu. Le procès se tient jusqu'à vendredi. Les prévenus encourent jusqu'à dix ans de prison.