Le mardi 3 mai 2022 à 20:22
Jean-Marc Reiser, meurtrier présumé de l'étudiante Sophie Le Tan en 2018, a été condamné mardi à six mois de prison pour subornation de témoin après avoir envoyé une lettre à son ancienne compagne où il l'invitait à "préciser ou modifier" ses précédents témoignages. Il a également été condamné à verser un euro symbolique en réparation à la partie civile.
Le parquet avait requis un an d'emprisonnement et une interdiction d'entrer en contact avec son ancienne compagne à l'encontre de Jean-Marc Reiser, emprisonné depuis 2018 et qui sera jugé par les assises du Bas-Rhin fin juin pour l'assassinat de Sophie Le Tan.
Jean-Marc Reiser, 62 ans, écrit régulièrement à celle qui avait partagé sa vie pendant huit ans même si elle ne lui répond jamais, explique à la barre cette femme d'une soixantaine d'années. Toutefois, cette missive en particulier, reçue l'été dernier, l'a "fait tiquer". "Ce n'était pas un courrier normal, ça m'a fait peur", explique-t-elle à propos de cette lettre rédigée d'une écriture très serrée et contenant plusieurs passages soulignés. Selon l'accusation, Jean-Marc Reiser l'aurait confiée lors d'un parloir à sa mère, qui l'aurait ensuite postée ou apportée à son ancienne compagne. Ce qu'a nié le prévenu.
«Double personnalité»
"Cela m'a fait peur: est-ce qu'il envoie des gens chez moi pour mettre des enveloppes dans ma boîte à lettre ? J'avais peur qu'après son incarcération il m'envoie quelqu'un pour se venger de moi", poursuit son ex compagne, qui avoue : "D'une certaine façon je suis toujours sous son emprise".
Celle-ci, particulièrement bavarde, décrit les coups, les colères, les disputes et l'emprise sous laquelle elle vivait durant leur relation, même s'ils n'habitaient pas ensemble. "Il y a une double personnalité chez lui, une violente, et une plus calme, posée. Il est très cultivé, très intelligent, très débrouillard dans la vie", dit-elle encore. Et dans cette lettre, "s'il n'est pas agressif dans son écrit, il est agressif autrement", estime-t-elle. "Quand est-ce qu'il prendra conscience de la manière dont il se comporte avec les femmes ?", s'interroge-t-elle encore.
Jean-Marc Reiser, extrait de sa cellule pour l'occasion, sweat-shirt kaki et regard dur, avoue sans peine avoir écrit la lettre mais assure qu'il ne s'agissait aucunement d'une menace. "Tout ce que je dis dans cette lettre c'est dans le dossier, je n'ai rien inventé et je la mets devant ses contradictions", a-t-il affirmé, très sûr de lui. "Pour moi il n'y a aucune pression, aucun chantage."
Johnny Depp et Amber Heard
Parfaitement au fait des moindres détails du dossier, M. Reiser tente de prendre à partie son ex compagne mais il est rappelé à l'ordre à plusieurs reprises par la juge Valentine Seyfritz.
"J'ai l'impression de me trouver dans le procès de Johnny Depp et Amber Heard", les deux stars d'Hollywood actuellement devant les juges aux États-Unis, répond-il avec aplomb. "Elle n'est absolument pas sous mon emprise, elle a des craintes irrationnelles, elle a peur de tout et de rien", poursuit-il, notant que cette affaire survient "à deux mois du procès (d'assises), comme par hasard". "Les femmes sont tellement bizarres et compliquées, je ne les ai jamais comprises", avoue-t-il encore.
"Qu'on soit clair, cette procédure de subornation de témoin ne va pas avoir vraiment beaucoup d'influence" sur le procès criminel, a convenu après l'audience Me Emmanuel Spano, qui défendait Jean-Marc Reiser mardi. L'avocat a noté que son client envisageait d'ores et déjà de faire appel de sa condamnation.
Jean-Marc Reiser a déjà un passé judiciaire chargé : condamné pour viol à 15 ans de réclusion en 2003, il sera jugé fin juin pour l'assassinat en 2018 de Sophie Le Tan, une étudiante strasbourgeoise de 20 ans qu'il a avoué avoir tuée, après des mois de dénégations. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.