Mort d'Amadou Koumé en 2015 : au tribunal, un policier affirme avoir usé d'une force «proportionnée»

Trois policiers sont jugés pour "homicide involontaire", suite au décès en 2015 d'Amadou Koumé, peu après son interpellation.
Mort d'Amadou Koumé en 2015 : au tribunal, un policier affirme avoir usé d'une force «proportionnée»
Illustration. (Loïc Venance / AFP)
Par Actu17 avec AFP
Le mercredi 29 juin 2022 à 01:14

A son procès pour homicide involontaire, un policier qui a joué un rôle majeur dans l'interpellation ayant mené à la mort d'Amadou Koumé en 2015 a assuré mardi à Paris avoir usé ce soir-là d'une force "proportionnée".

Trois fonctionnaires comparaissent depuis lundi, plus de sept ans après la mort de ce père de famille de 33 ans, arrêté alors qu'il était en proie à une crise de démence dans un bar à Paris. Arrivé en renfort après une première équipe, un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) a pratiqué deux manœuvres d'étranglement pour maîtriser Amadou Koumé, qui a ensuite été maintenu au sol, sur le ventre, les mains menottées dans le dos.

Selon l'expertise médicale finale, il a succombé à une "asphyxie mécanique lente", dû à un "traumatisme cervical et laryngé" entraîné par la clé d'étranglement et à son immobilisation prolongée au sol. Si une "intoxication à la cocaïne" a aussi été relevée, l'expertise souligne que le décès "aurait pu avoir lieu (...) du seul fait d'une asphyxie mécanique lente".

"Toute l'intervention est dans un rapport de force", a déclaré à la barre le policier auteur des gestes d'étranglement, après un visionnage seconde par seconde des images de vidéosurveillance du bar. Parlant d'une "lutte", ce fonctionnaire de 45 ans, cheveux bruns, épaules larges dans une chemise blanche à manches courtes, a estimé avoir ce soir-là "correctement appliqué" les "gestes techniques". Pour lui, la seconde manœuvre d'étranglement, qui a duré près de deux minutes, était un "levé de tête" visant à permettre le menottage arrière.

«Les fiches techniques qu'on nous donne, c'est joli à l'école»

Confronté aux images, il reconnaît néanmoins que la première, de quelques secondes, a pu conduire à appuyer sur la trachée d'Amadou Koumé, en raison d'un "basculement" sur le "carrelage" glissant. "Les fiches techniques qu'on nous donne, c'est joli à l'école, mais une fois sur le terrain, c'est carrément impossible", a-t-il lâché.

Les trois prévenus ont un casier vierge mais Anthony B. avait déjà été sanctionné administrativement pour un usage "disproportionné" de la force, a souligné le président. Ce "blâme" était "pour des coups de poings portés, ça n'a aucun rapport, ce n'était pas des gestes techniques", a protesté le policier, qui a soutenu que, dans la nuit du 5 au 6 mars 2015, "la force était proportionnée".

«On n'arrivait pas à prendre le dessus»

Les trois hommes sont poursuivis pour des "maladresses" et "manquements" : les gestes "mal maîtrisés" du premier policier mais aussi le maintien d'Amadou Koumé en position ventrale, pendant plus de 6 minutes alors qu'il ne présentait "plus de danger" et ce, sans "s'enquérir de son état".

A l'issue de l'interpellation, "vous vous êtes préoccupé de votre bien-être", en voulant soigner une plaie à la tempe, a souligné une juge assesseure. "Est-ce que vous ne vous êtes pas dit qu'il fallait aussi se soucier de son bien-être ?"

A la fin, "je le regarde, tout va bien", a assuré le policier, affirmant que, "visuellement, physiquement, il n'a aucun signe de malaise, de fatigue ou autre". Le président a relevé le "contraste" entre les déclarations de certains témoins, qui disent avoir entendu Amadou Koumé "chercher son souffle", et celles des policiers, qui parlent de "bruits d'effort".

Un deuxième prévenu, alors brigadier, a posé un genou sur les lombaires d'Amadou Koumé puis sur son bras, avant de rester agenouillé à ses côtés, alors qu'il est face contre terre.

- "Vous savez que c'est une position très inconfortable", a souligné la magistrate. "Ça ne vous a pas paru trop lourd, par rapport au bien-être de M. Koumé ?"

- "Du tout", a répondu le prévenu de 47 ans. "On n'avait pas l'intention de le laisser longtemps allongé, c'était le temps de lui passer les menottes".

- "Vous vous sentez épuisé, est-ce que vous vous demandez pas si M. Koumé est lui aussi épuisé ?"

- "Il a quand même lutté contre dix policiers, on n'arrivait pas à prendre le dessus, ça laissait penser que c'était quelqu'un de très sportif".

Le troisième prévenu, alors major, a affirmé s'être écarté rapidement de l'interpellation. "Du fait de mon état de santé, de ma poussée d'adrénaline, je n'étais plus moi-même", a déclaré cet homme de 62 ans. En tant que gradé ce soir-là, Amadou Koumé "aurait dû être sous ma responsabilité", a-t-il admis.

Interrogé sur ses regrets par l'avocat des parties civiles, il a lâché : "Si on avait eu le matériel adéquat, la formation adéquate, ça se serait passé autrement".