Le jeudi 28 novembre 2024 à 15:49
Le CRS soupçonné d’avoir tiré la grenade lacrymogène ayant causé la mort de Zineb Redouane en décembre 2018 à Marseille a été mis en examen pour homicide involontaire, a-t-on appris de sources proches du dossier, confirmant une information du Monde. Cette décision intervient six ans après les faits, dans le cadre d’une instruction dépaysée à Lyon depuis 2019.
Zineb Redouane, âgée de 80 ans, avait été blessée mortellement le 1er décembre 2018 alors qu’elle fermait la fenêtre de son appartement situé dans le centre-ville de Marseille, rue des Feuillants. À ce moment, des manifestations se déroulaient dans les rues, mêlant une mobilisation des Gilets jaunes ("acte III") et une protestation contre le mal-logement, sur fond de drame après l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne. La victime est décédée le lendemain à l’hôpital.
«Six ans d’attente, c'est beaucoup trop dans cette affaire»
L’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, a réagi à cette mise en examen, à France Bleu. "La justice savait depuis le début qu’elle devait mettre en examen ce policier, mais manquait de courage face à toutes les pressions qui ont existé dans le dossier", a-t-il affirmé. Il a également souligné que les enfants de Zineb Redouane étaient "soulagés" par cette avancée judiciaire, tout en exprimant leur "colère" face aux délais : "Six ans d’attente, c’est beaucoup trop dans cette affaire, alors que le policier est identifié depuis très longtemps".
Les circonstances du tir restent au cœur du dossier. Un rapport d’expertise remis en mai 2020 avait conclu à un tir effectué "dans les règles" – en cloche – et à une trajectoire accidentelle ayant atteint la victime. Mais une contre-expertise indépendante publiée fin 2020 avait évoqué un tir tendu, pratique interdite en milieu urbain, notamment en direction d’un immeuble d’habitation. En 2021, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait estimé que le CRS avait réalisé un tir réglementaire sans intention de viser Zineb Redouane. Toutefois, l’IGPN avait relevé une "obligation de discernement non respectée" et une "action manifestement inadaptée". Elle avait recommandé un renvoi du CRS et de son superviseur devant un conseil de discipline, une mesure qui n’avait pas été suivie par la police nationale.
Me Yassine Bouzrou a exprimé son souhait de voir le superviseur également mis en examen, tout en demandant une requalification des faits en "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
La mort de Zineb Redouane a suscité une forte émotion et une indignation nationale et internationale. Amnesty International avait qualifié son décès de "cas emblématique de violences policières impunies" en 2022, soulignant que cette affaire figurait parmi dix cas de violations des droits humains dans le monde.