Non-lieu infirmé pour une policière soupçonnée d'avoir éborgné un gilet-jaune à Paris

La cour d'appel de Paris a estimé que l'enquête, qui avait fait l'objet d'un non-lieu en juillet dernier, n'était "pas complète". Les investigations vont donc reprendre.
Non-lieu infirmé pour une policière soupçonnée d'avoir éborgné un gilet-jaune à Paris
Des policiers lors d'une manifestation de Gilets jaunes à Paris, le 16 mars 2019. (Frederic Legrand - Comeo)
Par Actu17 avec AFP
Le mardi 14 février 2023 à 18:57 - MAJ mardi 14 février 2023 à 20:41

Une policière soupçonnée d'avoir été l'auteur de l'éborgnement d'un "gilet jaune", David Breidenstein, 43 ans, par un tir de LBD en mars 2019 à Paris, fait à nouveau l'objet d'une enquête. La cour d'appel de Paris a en effet rouvert ce mardi le dossier qui avait fait l'objet d'un non-lieu en juillet dernier, estimant que l'enquête n'était "pas complète". La chambre de l'instruction a ainsi décidé de renvoyer le dossier au juge d'instruction en charge de l'affaire. David Breidenstein, contacté par l'AFP, s'est dit satisfait de cette décision. "Je suis content, c'est très bien", a-t-il déclaré.

La décision de la cour d'appel contredit les réquisitions du parquet général, qui lors d'une audience le 17 janvier, en présence de M. Breidenstein et d'un rassemblement de "gilets jaunes" mutilés, avait requis la confirmation du non-lieu.

Le 16 mars 2019, lors d'une manifestation sur les Champs-Élysées, Marine V., 29 ans, policière affectée dans une brigade territoriale de contact (BTC) à Paris, avait tiré à 15 reprises avec son LBD, notamment sur le lieu et au moment de la blessure de ce manifestant "gilet jaune". Pendant l'enquête, elle s'est dite "sûre" de n'avoir pas touché M. Breidenstein puisque, a-t-elle assuré, "je n'ai pas tiré dans la partie supérieure du corps et il n'était pas en train de nous jeter un projectile".

Pour la juge signataire du non-lieu en juillet, l'enquête établissait que "Marine V. devait être considérée comme l'auteur du tir" de LBD en cause. Mais venait ensuite la question de la légalité du tir. Au moment de la blessure, "les policiers présents se trouvaient exposés à des violences, menaces et voies de fait qui justifient l'usage des LBD", tranchait la juge. En audition, David Breidenstein avait déclaré qu'il marchait alors tranquillement sur les Champs-Élysées, éloigné des personnes violentes, et ne représentait aucun danger.

Son avocat, Me Arié Alimi, a contesté l'emploi régulier du LBD par Marine V., notamment parce que son tir, via cette arme très précise, avait atteint l'œil de son client alors qu'il est interdit de viser au-dessus du torse. "S'il est vraisemblable de penser que (M. Breidenstein) n'était pas la cible, la seule circonstance qu'il n'ait pas atteint la personne visée ne suffit pas à démontrer" un emploi illégal du LBD, avait jugé la magistrate.

La cour d'appel, selon son arrêt dont l'AFP a eu connaissance mardi, a elle estimé que l'enquête n'était "en l'état pas complète". "Avant d'envisager la mise en examen" de la policière, les magistrats ont pointé notamment l'absence d'une audition "précise" d'un témoin qui a filmé la scène et qui a déclaré au téléphone à un enquêteur qu'il était visé par le tir, mais aussi des investigations lacunaires sur les vidéos tournées par la caméra du LBD, qui selon un commandant de police ont "certainement dû être effacées".

La cour demande également "de faire procéder aux vérifications de trajectoires de tirs, de distances entre les parties". "Cette décision est précieuse pour David, pour tous les gilets jaunes et toutes les victimes de violences. Elle porte sur l'appréciation des faits justifiant l'usage de la violence. Elle montre le chemin pour les nombreuses juridictions qui en sont saisies", s'est félicité Me Alimi.

Sollicité, Me Laurent-Franck Liénard, avocat de Marine V., n'a pas souhaité commenter.

Un CRS acquitté en décembre dernier

Entre novembre 2018 et novembre 2019, 2500 manifestants et 1800 membres des forces de l'ordre avaient été blessés dans les manifestations de "gilets jaunes", selon le décompte d'alors du ministère de l'Intérieur. Dans un dossier sur ce sujet, l'AFP en avait interrogé une dizaine en mars puis en novembre 2019, dont David Breidenstein, qui indiquait alors vivre chez lui "enfermé, avec les volets fermés". Il a depuis repris le travail.

Un CRS qui avait comparu en décembre aux assises pour avoir éborgné un syndicaliste, Laurent Théron, lors d'une manifestation de 2016 à Paris a été définitivement acquitté après la décision du parquet général de ne pas faire appel du verdict.