Le vendredi 9 septembre 2022 à 21:53
Pied sur l'accélérateur, sourire aux lèvres, il avait foncé en voiture sur une pizzeria où dînaient des familles : un homme aux troubles psychiatriques a vu sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité confirmée vendredi en appel aux assises pour son incompréhensible acte en 2017 en Seine-et-Marne.
Au terme de neuf journées d'un procès pesant au tribunal de Créteil (Val-de-Marne), David Patterson, 37 ans, a été à nouveau reconnu coupable en début de soirée d'assassinat et tentative d'assassinat. Comme en première instance, il hérite d'une période de sûreté de 22 ans, la peine maximale encourue.
Le 14 août 2017, à 20h11, cet ex-vigile, alors en proie à un délire de persécution et en arrêt de travail depuis un an, précipite à pleine vitesse une grosse cylindrée de location sur un restaurant familial de la ZAC de la bourgade de Sept-Sorts, qu'il fréquentait étant enfant. Le choc est tel que la BMW de 190 chevaux fauche les tables en terrasse, traverse la vitrine et la salle de restaurant avant de s'écraser contre le bar au fond. Une adolescente de 13 ans meurt sur le coup, douze autres clients sont grièvement blessés. Un carnage.
Venue à la pizzeria pour féliciter les enfants d'avoir bien rangé la maison, la famille Jakov se trouvait à la première table percutée. Angela, 13 ans, est tuée, les autres membres blessés. À cet instant, "toute notre vie a basculé. Une vie entre hôpitaux, psychiatrie, médicaments, rééducations, psychologues", a confié la mère Betty Jakov dans un témoignage déchirant à la barre.
Délire paranoïaque
Mais cinq ans après, la fulgurance de David Patterson reste toujours aussi sidérante qu'inexplicable. Dans le box vitré, l'accusé replet, crâne rasé, visage bouffi par les médicaments, est resté incapable de fournir une raison valable à son acte, abandonnant la cinquantaine de parties civiles au désarroi de leur incompréhension.
Disant se sentir traqué par des tourmenteurs imaginaires ce jour-là, une crise psychotique déclenchée au matin du drame par une anodine erreur de courrier du facteur, David Patterson affirme avoir percuté la pizzeria en voiture uniquement "pour que la machination s'arrête".
Un geste de violence gratuite qu'il a décrit laconiquement à la cour, avec une absence frappante d'empathie, usant de la même froideur factuelle que pour raconter ses courses à Leroy Merlin ou Super U dans les heures précédant les faits. "Il reconnaît difficilement, du bout des lèvres, sa responsabilité pénale dans ce dossier et se retranche derrière l'état psychique qui était le sien au moment des faits", a fustigé l'avocat général Christophe Auger en demandant la perpétuité pour ce "lâche".
Car dans ce procès "aux confins de la médecine, aux confins de la justice", selon son avocat Me Eric Plouvier, l'enjeu de cet appel était pour David Patterson, qui a étudié en prison le code pénal, d'essayer d'obtenir une peine réduite en raison de sa maladie mentale.
L'altération de son discernement au moment des faits, qui ouvrait la possibilité d'une réduction de peine, a fait l'objet d'âpres débats d'experts psychiatres à la barre de la cour d'assises cette semaine.
Les psychiatres l'ont décrit comme ayant une personnalité sensitive avec un complexe d'infériorité et sujette aux délires paranoïaques. Au moment des faits, il était dans "une fuite en avant délirante dans un certain chaos psychique". "Il n'a pas pu expliquer ce qu'il s'était passé dans sa tête", a ainsi estimé le Dr. Daniel Zagury.
Dans son verdict en appel, la cour d'assises du Val-de-Marne a reconnu l'altération du discernement de David Patterson mais sans toutefois lui accorder la diminution de peine. Détenu à l'isolement, il le restera.