Le jeudi 22 septembre 2022 à 20:09
Après quatre journées "éprouvantes" dans le procès de l'accident de Millas (Pyrénées-orientales), la conductrice du car scolaire, qui n'arrive pas à expliquer la collision mortelle avec un train en 2017, s'est effondrée jeudi devant des victimes déçues et "fatiguées".
Dans la grande salle du tribunal de Marseille, où sont jugées les affaires d'accidents collectifs, Nadine Oliveira, 53 ans, a une énième fois tenté d'expliquer jeudi ce qu'elle avait vu ou pas vu avant la collision avec le train qui a coûté la vie à six collégiens et en a blessé 17 autres dont certains très grièvement.
Longuement interrogée sur sa prise quotidienne de somnifères au moment des faits, elle réfute tout endormissement : "Non, je me suis pas endormie, j'étais en forme". Elle assure que les barrières du passage à niveau étaient ouvertes, ce que les expertises contredisent formellement, mais parle aussi d'un "trou noir" au moment de l'accident.
"Ce n'est pas très très clair ce trou noir et il y a quelque chose qui m'interroge : vous maintenez que cette barrière est ouverte et après vous avez un trou noir", l'interroge Me Hélène Castello-Picard, avocate de plusieurs familles de victimes.
La prévenue n'arrive pas à répondre, revient sur la scène d'après l'accident : "Quand je lève la tête, je vois les sièges", évoquant la violence du choc dans lequel le car a été coupé en deux et les occupants et des sièges projetés dehors. Elle s'effondre alors en sanglots. Évacuée dans une salle jouxtant la salle d'audience, elle n'arrive pas reprendre ses esprits, d'autant plus bouleversée qu'une des jeunes victimes va la voir.
Après quelques minutes de suspension, la présidente du tribunal correctionnel, Céline Ballerini, annonce la suspension jusqu'à lundi après "une semaine éprouvante" où tout le monde a décortiqué "cette horrible journée du 14 décembre 2017" avec notamment le récit bouleversant mardi de cinq des 17 adolescents blessés.
«Les enfants craquent»
"Lui poser toujours les mêmes questions qui lui font revivre un instant traumatique qui est l'accident, je trouve aussi que c'est une violence", s'est agacé son avocat, Jean Codognès à la sortie du tribunal.
Les parties civiles venues au procès en quête de réponses - lors de l'enquête, les témoignages des collégiens à bord du bus sur la fermeture ou l'ouverture des barrières ont été divergents - ou pour certaines d'excuses ne cachent pas leur déception face à l'attitude de la prévenue.
"On craque, les enfants craquent parce que les enfants savent ce qu'ils ont vu et ils entendent ces témoignages négatifs de la chauffeuse, il n'en peuvent plus. Il y a tout le monde qui a lâché aujourd’hui, tout le monde était fatigué", a réagi auprès de la presse Stéphan Mathieu, qui a perdu sa fille dans la collision.
Lui et d'autres estime que la conductrice est dans le "déni" : "Elle a un trou noir parce qu'elle ne veut pas s'avouer qu'elle a fait une erreur".
Jeudi, trois des cinq adolescents qui avaient témoigné en début de semaine étaient encore présents dans la salle d'audience, dont cette jeune fille qui a été amputée à la suite de l'accident. Décrite comme une témoin clé par les enquêteurs en raison de sa position à l'avant du car, elle avait impressionné l’assistance par sa force de caractère. Elle avait aussi dit en vouloir à la conductrice.
«Elle ne respecte rien ni personne»
Fabien Bourgeonnier, le père d'un autre adolescent décédé, accuse Nadine Oliveira de mentir : "Elle ne respecte rien ni personne". "Un coup, elle dit qu'elle a un trou noir avant la barrière, un autre après la barrière, au moment du cédez-le-passage juste avant le passage à niveau, qu'est-ce qu'elle nous cache ?", s'énerve-t-il. "Nous, ça fait cinq ans, qu'on pleure".
Nadine Oliveira, qui a été "détruite" par cet accident et a fait une tentative de suicide au début de l'été selon son avocat, sera-t-elle en état d'assister au reste du procès qui est censé durer jusqu'au 7 octobre ? Jeudi après-midi, les pompiers ont fini par l'évacuer du tribunal.