Le vendredi 10 janvier 2025 à 13:11
L’expulsion avortée de l’influenceur algérien "Doualemn" a ravivé les tensions entre la France et l’Algérie. Arrêté à Montpellier (Hérault) pour avoir publié une vidéo incitant à la violence, l’homme de 59 ans a été expulsé jeudi, mais l’Algérie a refusé de le laisser entrer sur son sol, le renvoyant en France le soir même.
Lors d’un déplacement à Nantes (Loire-Atlantique) ce vendredi matin, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a exprimé son indignation face à cet événement qu’il qualifie de "camouflet". "Je veux dire ma stupéfaction. Nous avons atteint avec l’Algérie un seuil extrêmement inquiétant. L’Algérie cherche à humilier la France", a-t-il déclaré. Selon lui, cette décision va à l’encontre des règles internationales, notamment la convention de Chicago : "Doualemn avait un passeport biométrique à jour. Il a donc été reconduit et les autorités algériennes n’ont pas voulu le laisser débarquer sur leur sol en contradiction totale avec les règles. La preuve qu’il était un ressortissant algérien était établie au moyen d’un passeport biométrique valide. Donc c’est absolument inacceptable".
Un dossier judiciaire en cours
Doualemn, qui résidait légalement en France, est désormais placé dans un centre de rétention administrative (CRA) au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) en attendant son audience prévue le 24 février à Montpellier.
Le préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch, avait justifié l’arrêté d’expulsion en raison de la gravité des propos tenus par l’influenceur. Doualemn aurait appelé à donner "une sévère correction" à un opposant au régime algérien, ce que le procureur de Montpellier, Fabrice Belargent, a qualifié d’"appel à la torture". Cette infraction a conduit au retrait de son titre de séjour.
"L'Algérie cherche à humilier la France", déclare Bruno Retailleau pic.twitter.com/2LEsmB9Vpq
— BFMTV (@BFMTV) January 10, 2025
Des relations bilatérales sous tension
Bruno Retailleau a souligné l’absence de justification valable de la part des autorités algériennes : "L’Algérie a évoqué un motif sans produire aucune preuve. Les deux policiers qui escortaient l’influenceur dans l’avion sont descendus, on leur a opposé des arguments juridiques sans jamais leur fournir une preuve en termes de droit".
Le ministre a également évoqué des mesures potentielles en réponse à cet incident : "Je pense que la France ne peut pas supporter cette situation. En gardant notre sang-froid et notre détermination, on doit désormais évaluer tous les moyens qui sont à notre disposition vis-à-vis de l’Algérie". Parmi les options envisagées figurent une réduction du nombre de visas accordés aux Algériens ainsi qu’une possible diminution de l’aide au développement, qui s’élève à 131,79 millions d’euros.
Cette affaire s’inscrit dans un climat diplomatique déjà difficile entre Paris et Alger, marqué par l’arrestation récente de l’écrivain Boualem Sansal et par les propos d’Emmanuel Macron sur le Sahara occidental. Le président français avait critiqué la position algérienne, déclarant que le pays se "déshonorait" en emprisonnant cet intellectuel franco-algérien.
Enfin, Doualemn n’est pas le seul influenceur algérien sous le feu des projecteurs. À Brest (Finistère), Youcef A., alias "Zazou Youssef" sur TikTok, a été arrêté début janvier pour apologie du terrorisme après avoir appelé à des attentats en France. Il sera jugé le 24 février et encourt jusqu’à sept ans de prison. De même, à Grenoble (Isère), "Imad Tintin" a été placé en garde à vue pour avoir incité à des actes violents. Placé en détention provisoire, il sera jugé en mars prochain. Enfin, trois autres influenceurs, dont Abdesslam Bazooka et Laksas06, sont visés par des signalements dans le Rhône.