Le vendredi 8 novembre 2019 à 08:37
L’homme a agi durant dix ans, d’abord au siège du ministère de la Culture à Paris, puis à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) de la région Grand Est.
Un haut fonctionnaire du ministère de la Culture, Christian N., a été mis en examen fin octobre, soit dix ans après les premiers signalements, révèle Libération ce jeudi.
La justice le poursuit entre autres pour « administration de substance nuisible », « agression sexuelle par personne abusant de l'autorité conférée par sa fonction », « atteinte à l'intimité de la vie privée », « infractions à la législation sur les médicaments »...
Des diurétique dans le café des candidates
Lorsqu’il était sous-directeur des politiques de ressources humaines au ministère de la Culture à Paris, l’homme a administré à des candidates à l’embauche des diurétiques pour qu’elles urinent devant lui. Le journal Libération a collecté plusieurs témoignages de victimes.
« J'ai uriné par terre, quasiment à ses pieds. J'étais humiliée et honteuse », confie une victime du haut fonctionnaire. « J'ai baissé mon pantalon et ma culotte, et j'ai uriné. Pendant ce temps, il tenait son manteau devant moi pour me cacher et regardait mon visage », témoigne une autre.
L'une de ces femmes a même été hospitalisée durant quatre jours, à cause d'une grave infection urinaire.
Une liste de 200 noms et descriptions
Dans un fichier Excel, l’homme consignait les identités de ses proies et inscrivait leur réaction, engendrée par l’administration de diurétique. Dans des termes abrupts, il notait leur comportement au moment où elles ne pouvaient se retenir d’uriner devant lui. La liste effarante a été tenue de 2009 jusqu’à 2018, moment où ce directeur a fait l’objet d’un « retrait d'emploi dans l'intérêt de son service » avant d'être révoqué.
Il photographie les jambes de la sous-préfète
Un fait particulier a mis fin la carrière du haut fonctionnaire, qui était à ce moment-là directeur régional adjoint des affaires culturelles de la région Grand Est. Le 15 juin 2018, en pleine réunion, il s’était fait prendre en train de photographier les jambes d’une sous-préfète de Moselle sous la table. Un collègue l’avait dénoncé à sa hiérarchie.
La justice a ainsi été saisie et une enquête a été ouverte en janvier dernier.
Des agissements « compulsifs »
L’homme, aujourd’hui mis en examen, a été interrogé par Libération. Il ne reconnaît qu’une partie des faits qui lui sont reprochés et assure n’avoir empoisonné « que [...] dix ou vingt » jeunes femmes. «J'aurais voulu qu'on m'arrête avant. C'était compulsif, mais il n'y avait pas chez moi une volonté d'empoisonner ces femmes », a-t-il affirmé.
Dix ans d’impunité totale
Une question subsiste toutefois : comment cet homme a pu agir impunément durant près de dix ans ?
Fait notable, l’une de ses victimes a assuré à Libération avoir envoyé deux courriers en 2016 aux ministres de la Culture Fleur Pellerin puis Audrey Azoulay, y dénonçant ses agissements. Les deux missives sont restées lettres mortes.