Coronavirus : Les policiers sommés par leur direction de ne pas porter de masques de protection respiratoire

La France a vécu ce mercredi son second jour de confinement en pleine crise sanitaire du coronavirus. Les policiers chargés de contrôler les déplacements des habitants, qui sont désormais limités, ont reçu pour consigne de ne pas porter de masques de protection respiratoire. Une directive qui interroge et qui a fait vivement réagir les syndicats de la profession.
Coronavirus : Les policiers sommés par leur direction de ne pas porter de masques de protection respiratoire
Illustration. (photo Gérard Bottino/shutterstock)
Par Actu17
Le mercredi 18 mars 2020 à 22:05 - MAJ jeudi 19 mars 2020 à 09:29

"Sur instructions, nous demandons à tous les effectifs employés sur le terrain de retirer les masques de protection". Le message a été diffusé sur les ondes police ce mercredi à Paris, par "TN Z1", la station directrice de l'état-major de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC).

Une vidéo où l'on entend le message vocal sur la radio d'un policier a été diffusée sur les réseaux sociaux et visionnée plusieurs milliers de fois. "Esthétisme, politique et pauvreté matérielle ! Les forces de l'ordre vont devenir des bombes virologiques pour la population !", commente Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP-FO.

Cette directive est celle de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), reprise par de nombreuses Directions départementales de la sécurité publique (DDSP) ces derniers jours. En d'autres termes, pas question pour les policiers de porter des masques de protection respiratoire sur la voie publique ou à l'accueil des commissariats. Ces derniers sont jugés "anxiogènes" par l'administration nous explique une source policière.

La note émanant d'une DDSP mentionnant qu'il est "absolument proscrit de porter le masque" pour les policiers. (DR)

Dans une note de la DCSP datant du début de la semaine que nous avons consultée, les consignes sont claires. Il est "proscrit de porter le masque sur la voie publique ou à l’accueil du public". "Toutefois une distance d’un mètre doit être respectée entre les personnes accueillies ou contrôlées et les fonctionnaires". Des mesures qui concernent "tous les services de police et toutes les directions de la police nationale sans exception".

Les syndicats unanimes

Les syndicats de policiers n'ont pas tardé à réagir à ces consignes jugées incompréhensibles alors même que l'épidémie de coronavirus touche le pays depuis des jours et que les cas de contamination se multiplient sur le territoire. Les trois principales organisations syndicales de gardiens de la paix, Unité SGP-FO, Alliance Police nationale et l'UNSA Police réclament fermement des masques, du gel hydroalcoolique et des gants.

Une demande légitime alors que les policiers de terrain sont amenés chaque jour à rencontrer de nombreuses personnes, que ce soit pour des contrôles ou des interpellations. Les risques de contamination ne peuvent pas être écartés, d'autant que les forces de l'ordre travaillent souvent par binôme ou par trinôme, voir par petits groupe dans des directions comme celle des CRS. Plusieurs cas ont d'ailleurs été recensés au sein de la police nationale, notamment à la Brigade des réseaux ferrés (BRF) à Paris où 400 fonctionnaires sont en quatorzaine, ou encore à Nantes plus récemment.

Un "ultimatum"

Dans un nouveau tract ce mercredi soir, le syndicat Alliance police nationale évoque le "droit de retrait des policiers" et réclame le port du masque "à discrétion de l'agent" ainsi que des gants et du gel antibactérien, tout en mettant en garde le ministère de l'Intérieur dans un "dernier ultimatum". Même son de cloche du côté d'Unité SGP-FO qui réclame un port "impératif" du masque. "Si l'administration ne prend pas ses responsabilités en protégeant ses policiers, nous saurons prendre les nôtres", peut-on lire dans le dernier tract de l'organisation. "On ne veut pas jouer à la roulette russe aujourd'hui, avec des moyens de protection qui sont distribués de façon trop aléatoire", a réagi Thierry Clair, secrétaire national du syndicat UNSA Police, ce mardi à franceinfo.

"Nous verrons dans un second temps pour ce qui est des forces de l'ordre"

Interrogée sur le plateau de franceinfo ce mardi concernant l'absence de protections pour les policiers et les gendarmes, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a expliqué que la priorité avait été donnée au personnel soignant : "Nous verrons dans un second temps pour ce qui est des forces de l'ordre. Je comprends complètement leur inquiétude. (...) Mais la priorité aujourd'hui, c'est protéger nos soignants parce que c'est eux qui font en sorte que des vies soient sauvées".

Une réponse qui laisse entendre qu'il n'y a pas suffisamment de masques pour équiper l'ensemble des fonctionnaires des deux ministères. Les masques et les gants qui se trouvaient dans les commissariats ont d'ailleurs été récupérés la semaine dernière par les différentes directions, à la demande de Matignon. Le matériel a été transféré aux hôpitaux, en grande difficulté.

Les stocks de masques de protection à disposition des policiers sont actuellement faibles et insuffisants nous précisent plusieurs sources syndicales. Il en est de même concernant les flacons de gel hydroalcoolique. Même constat sur le terrain. "Dans notre voiture en patrouille, nous avons une paire de gant, un masque et un flacon de gel hydroalcoolique avec ordre de les utiliser seulement si nous interpellons un individu contaminé", nous explique un policier parisien travaillant en tenue qui ne cache pas son sentiment d'abandon. Un équipement pour lui et les deux collègues de son équipage nous précise-t-il.

Du côté des hôpitaux, le constat est similaire et a été déploré par de nombreux médecins dans les médias, ces derniers jours.

100 000 masques dans les prisons

Dans le même temps, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé à 20 minutes ce mardi que 100 000 masques allaient être distribués dans les prisons. "Nous avons décidé aujourd’hui de lancer la distribution de 100 000 masques. Ils seront d’abord livrés aux personnels qui ont été en contact avec des détenus positifs au Covid-19 ou qui sont susceptibles de l’être. Et déployés partout via les directions interrégionales", a-t-elle expliqué.

1 million de masques venant de Chine sont arrivés en France

Jean-Yves Le Drian, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, a annoncé ce mercredi qu'un million de masques en provenance de Chine avaient été livrés pour faire face à la pénurie. La France avait envoyé à la mi-février, 17 tonnes de matériel médical à Wuhan (Chine), centre de l'épidémie de coronavirus, dont 520 000 masques et 375 000 gants selon le Canard Enchaîné.

Aujourd'hui, le stock d'État est de "110 millions de masques chirurgicaux" a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran ce mardi au micro de France Inter. "Les masques sont dans les camions, ils arrivent aujourd'hui, demain, et au dernier terme jeudi dans les pharmacies d'origines. Les professionnels de santé qui doivent légitimement se protéger pourront aller en chercher", a-t-il indiqué.

Concernant les masques de type FFP2, le ministre de la Santé avait été interrogé le 3 mars dernier lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, par le député Jean-Pierre Door (LR). "Il a été établi que la France n’avait pas besoin de constituer un stock d’État des fameux masques FFP2. Du fait de cette décision prise en 2011, l’État n’a donc pas de stock de masques FFP2", avait répondu Olivier Véran. Il s'agit de la dernière réponse publique concernant ce type de masque réservé aux professionnels, comme l'explique Le Figaro ce mercredi.

En 2009, le nombre total de masques FFP2 atteignait, selon un rapport du Sénat, quelque 579 691 625 unités.