Le lundi 16 mars 2020 à 11:04
Le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a évoqué ce lundi matin
une situation « très inquiétante » qui « se
détériore très vite ». Plusieurs médecins français mettent
en garde et décrivent une situation particulièrement inquiétante
alors que de nombreux hôpitaux sont déjà saturés notamment dans la
région Grand Est.
Jean Rottner, le président de la région Grand Est, également médecin urgentiste à l'hôpital de Mulhouse (Haut-Rhin) évoque une situation catastrophique. "Nous sommes dans l'œil du cyclone depuis le 1er mars. C'est là qu'on a vu arriver les choses. En dehors de l'Alsace, je crois que les Français ne mesurent pas encore ce que cette crise sanitaire veut dire", explique-t-il au journal Le Figaro.
"C'est terrible. Des jeunes qu'il faut intuber de toute urgence, des personnes âgées balayées en quelques heures, des équipes médicales qui arrivent à saturation complète après 15 jours de mobilisation, des gens en pleurs, des plans nationaux, la peur pour soi et pour ses proches...", décrit Jean Rottner.
Au début du mois de mars, le président de la région Grand Est, l'une des plus durement touchée par le Covid-19, avait envoyé un SMS au chef de l'État Emmanuel Macron. «Je lui ai dit qu'il y avait une distorsion entre ce que les gens entendaient de la parole publique officielle et ce qui était ressenti sur le terrain par les soignants. J'ai insisté sur le fait que cela n'allait pas être gérable longtemps », raconte-t-il au quotidien.
"Plus de 200 patients en 24 heures atteints de signes évidents" du coronavirus à Mulhouse
"Les Français ne se rendent pas compte de la force et du taux d'attaque de ce virus", a-t-il réagi ce lundi matin au micro de BFMTV, alors qu'il était interrogé sur les images des Français présents dans les parcs et les marchés ce dimanche, notamment à Paris.
Le médecin rapporte que son hôpital de Mulhouse a accueilli "plus de 200 patients en 24 heures atteints de signes évidents" du coronavirus. "Il faut aujourd'hui respecter, vraiment, toutes les consignes données. J'irai même plus loin, c'est à dire que chaque fois qu'on ne les respecte pas, chaque fois, on met une pression supplémentaire quelques jours plus tard sur l'hôpital".
"Les Français ne se rendent pas compte de la force et du taux d'attaque de ce virus"
Le président de la région Grand Est alerte sur des cas de "jeunes qui doivent être intubés en urgence" en Alsace pic.twitter.com/ECTOZIs4a9
— BFMTV (@BFMTV) March 16, 2020
"Les lits de réanimation sont saturés et il est impossible de trouver des respirateurs"
Même cri d'alarme chez deux autres médecins urgentistes du Haut-Rhin qui ont alerté leurs collègues de d'autres départements, moins impactés par le Covid-19 à ce stade, dans un message interne que Le Point a pu consulter.
"Les multiples appels téléphoniques que j'ai eus depuis trois jours semblent montrer que l'importance de la situation est totalement sous-estimée", indique l'un d'eux qui travaille à Mulhouse.
"Le taux d'hospitalisation après passage aux urgences est de 40 %"
"Nous sommes à plus de quinze jours de vraie phase épidémique dans le Haut-Rhin, plus précisément dans l'agglomération de Mulhouse, et depuis trois jours, nous sommes submergés aux urgences par un flux incessant de patients avec des critères AEG [altération de l'état général], hypoxémie [manque d'oxygène] important, pneumopathies bilatérales… Le taux d'hospitalisation après passage aux urgences est de 40 %", explique le message.
"Les lits de réanimation sont saturés et il est impossible de trouver des respirateurs pour ouvrir de nouveaux postes de réanimation".
Le récit évoque également une réunion de spécialistes ce samedi. "Un collège de spécialiste [réanimateurs, infectiologue, médecine interne, pneumologues, gériatres, urgentistes] afin de fixer des indications aux différentes filières et, plus clairement, les critères [notamment d'âge] de limitation d'accès à la réanimation".
"Il va falloir faire des choix sur nos critères d'admission"
Un second médecin, collègue de l'expéditeur, qui travaille à Mulhouse, a répondu au message. "Nous sommes dépassés par les événements (...) En permanence, il manque 25 à 30 lits (…) pour prendre en charge les patients, non pas dans des conditions correctes, mais simplement dégradées".
"Nous sommes dans le dégradé du dégradé du dégradé, et nous attendons encore une dégradation croissante, voire exponentielle pour les quinze jours à venir", ajoute le praticien.
Coronavirus: des hôpitaux proches de la saturation. Reportage à Mulhouse. | @BFMTV pic.twitter.com/CwkWfrJCAG
— Julien Migaud-Muller (@jul_mm) March 16, 2020
"Nous sommes au bout d'un système, il va falloir faire des choix sur nos critères d'admission, non seulement en réanimation, mais tout simplement dans une structure hospitalière. Tous nos décès de ce jour [dimanche 15 mars] sont Covid+.", a-t-il écrit.
127 décès en France à ce stade
Le dernier bilan du coronavirus en France est de 127 morts soit 36 décès de plus en 24 heures et 5423 cas au total. 924 nouveaux cas ont été détectés depuis samedi. Sur les 127 patients décédés, 24 se trouvaient dans la région Grand Est selon le dernier bilan de l'Agence régionale de santé (ARS).