Le jeudi 22 septembre 2022 à 23:40
Des appels anonymes aux coups de barres de fer : le rapport d'enquête sur l'agression de la joueuse du PSG Kheira Hamraoui dessine les contours d'un "insensé projet criminel" qui aurait été initié par sa rivale Aminata Diallo pour des motifs sportifs.
L'ancienne coéquipière de la victime, placée sous contrôle judiciaire mercredi après sa mise en examen pour "violences aggravées" et "association de malfaiteurs", nie toute implication. Ses avocats ont notamment dénoncé "le biais rapide des enquêteurs".
Le rapport d'enquête du 16 septembre, révélé par Le Parisien et consulté par l'AFP, insiste sur la personnalité violente d'Aminata Diallo, 27 ans, une "jeune femme originaire d'une cité sensible de Grenoble (Isère)", aidant financièrement sa famille et mue par une "volonté indéfectible" de "réussir au plus vite sa carrière".
Onze mois d'investigation les ont persuadés de sa "véritable haine" à l'égard de Kheira Hamraoui, au point de vouloir selon eux la blesser pour prendre son poste. Les enquêteurs soulignent "le rôle pour le moins opaque joué par plusieurs proches de la joueuse (...) dans une lente dérive psychologique devenue pour ainsi dire pathologique".
Ses échanges téléphoniques, qui remontent à 2019, la sonorisation de sa voiture et de son appartement, prouvent, selon eux, une "longue jalousie sportive" et révèlent des "traits de personnalité pour le moins inquiétants" qui "pourraient expliquer en partie son implication dans cet insensé projet criminel".
Auprès de ses proches, Aminata Diallo estime que Kheira Hamraoui, "l'autre pute", est souvent récompensée injustement. Des extraits de conversations choisis avec subjectivité, rétorque la défense de la mise en cause.
«Corbeau»
Aminata Diallo y évoque un ami "Jaja", incarcéré à Lyon : "il peut être très méchant et je ne lui souhaite pas de mal à elle, même si j'étais mauvaise, jalouse et calculatrice comme elle (Hamraoui)... je lui dit (sic) détruis la, il la détruit". Les enquêteurs soupçonnent ce "Jaja" d'être le "corbeau" qui a mené une "véritable campagne de dénigrement" de Kheira Hamraoui en appelant anonymement plusieurs joueuses du PSG "quelques semaines" avant son agression le 4 novembre 2021. Aminata Diallo, qui s'est d'abord dite destinataire de ses appels, a ensuite reconnu ne pas l'avoir été.
Pour les policiers, le tournant pourrait être l'annonce, en octobre 2021, de la sélection en équipe de France de Kheira Hamraoui : Aminata Diallo, elle, n'a pas été retenue chez les Bleues. Elle aurait été alors "aveuglée par les conseils d'un entourage constitué pour l'essentiel d'individus connus à l'excès des services de police".
Parmi ses interlocuteurs, un certain César M., agent officieux de plusieurs joueuses du PSG, notamment de la star Marie-Antoinette Katoto. Celui-ci ne poursuivrait "qu'un seul but, celui d'écarter du club parisien les personnes qu'il jugeait indésirables", avancent les enquêteurs. L'information judiciaire est alors élargie, fin mars, au chef "d'escroquerie en bande organisée".
César M. userait "de manœuvres d'intimidations voire de menaces pour forcer les dirigeants du club à prolonger les contrats de l'ensemble des joueuses dont il prétendait défendre les intérêts", ajoutent les policiers.
«Intimidations»
Ils voient ainsi dans un échange entre César M. et le directeur sportif de la section féminine du PSG une tentative de chantage, César M. menaçant de faire un scandale autour de l'entraîneur Didier Ollé-Nicolle. Quand Didier Ollé-Nicolle fait l'objet d'une information judiciaire en mai pour "agression sexuelle par personne ayant autorité", Aminata Diallo salue une "dinguerie". "On ne pensait pas que ça allait jusque là en fait !"
L'avocat de cet entraîneur depuis remplacé, Me Guillaume Traynard, a lui dénoncé une "instrumentalisation des accusations mensongères".
Pour les enquêteurs, ce "faisceau d'indices" est appuyé par le fait qu'un tiers a prévenu les agresseurs : il n'y a pas eu "de système de géolocalisation dynamique ou de balise placée sur le véhicule" d'Aminata Diallo, où se trouvait aussi Kheira Hamraoui. Or la première a admis, notent les enquêteurs, avoir envoyé des messages au volant. Messages introuvables ensuite. Son application Snapchat a été supprimé, précise le rapport.
Sur le téléphone d'Aminata Diallo, des recherches Google ont été retrouvées : "casser une rotule", "cocktail de médicaments dangereux". Et les quatre hommes mis en examen l'ont désignée comme la commanditaire de l'expédition punitive. L'un a précisé avoir touché 500 euros.
Les enquêteurs précisent encore rechercher deux hommes : l'un aurait commis des violences et pourrait être lié au grand banditisme, l'autre aurait servi d'intermédiaire.
La défense d'Aminata Diallo dénonce des preuves fragiles et demande "l'exploitation complète" de son téléphone. Elle estime que "le vrai commanditaire" a demandé aux agresseurs de "charger Mme Diallo".