Le mardi 30 mai 2023 à 15:32
Selon un rapport de la commission d'enquête parlementaire révélé ce mardi après six mois d'auditions, les circonstances entourant l'assassinat, en mars 2022, d'Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour le meurtre du préfet Claude Erignac, ont mis en évidence des défaillances au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire. Le nationaliste corse de 61 ans a été mortellement agressé dans la prison d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, en mars 2022. Après vingt jours passés dans le coma, son décès a été prononcé.
L'auteur présumé, Franck Elong Abé, condamné pour terrorisme islamiste et étant connu pour son comportement instable, a été mis en examen dans ce dossier.
Le rapport parlementaire, présidé par Jean-Félix Acquaviva et rapporté par Laurent Marcangeli - deux députés corses -, énonce clairement que "le parcours [carcéral] de Franck Elong Abé contraste de manière flagrante avec celui d’Yvan Colonna". Ce dernier était considéré comme un détenu exemplaire et respecté malgré son statut d'exception, tandis que Franck Elong Abé, à la sa santé mentale instable et son comportement explosif, était connu pour de nombreux incidents violents.
«Des manquements ont bien été constatés»
Selon le rapport, "l’administration pénitentiaire va (…) faire preuve (…) d’une attitude diamétralement opposée à celle dont elle a fait montre à l’endroit d’Yvan Colonna". Le rapport indique en outre que "des manquements ont bien été constatés" dans la manière dont le cas d'Elong Abé a été géré par l'administration pénitentiaire, en dépit de son comportement et de son instabilité manifestes.
Parmi ces manquements, il a été noté que Franck Elong Abé n'a jamais été orienté vers un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), malgré plusieurs demandes d'évaluation entre 2016 et 2022. Le rapport souligne que "Franck Elong Abé constitue le seul cas de détenu non-orienté [vers un QER] en raison de troubles du comportement non stabilisés".
En outre, le rapport critique "la défaillance grave de la cheffe d’établissement" de la prison d'Arles, ainsi que le manque de suivi psychologique et médical d'Elong Abé, qui avait été "diagnostiqué schizophrène" et décrit comme "psychotique". Il note aussi que "la situation de Franck Elong Abé à la maison centrale d’Arles constituait donc un cas littéralement exceptionnel, et en tout cas sans équivalent aujourd’hui".
De plus, le rapport met en lumière une série de défaillances dans le fonctionnement de la maison centrale d'Arles, qui accueille principalement des détenus condamnés pour des faits de meurtres, avec des conditions de travail et de sécurité inquiétantes pour le personnel pénitentiaire. Le rapport mentionne également que Franck Elong Abé "avait compris que l’organisation de la maison centrale d’Arles lui laissait la possibilité d’atteindre Yvan Colonna", malgré les multiples signaux d'alerte concernant sa santé mentale et son comportement perturbateur.
«Le système de gestion du terrorisme en prison a montré ici ses limites»
Le rapport a également souligné la nécessité de "prendre en compte la spécificité du terrorisme corse" qui diffère de celle du terrorisme islamiste. Il recommande donc une approche différenciée dans la gestion de ces deux formes de terrorisme. En conclusion, le rapport affirme que "le système de gestion du terrorisme en prison, bien qu’ayant largement fait ses preuves, a montré ici ses limites" et souligne la nécessité d'une "profonde réforme de la prise en charge de la radicalisation en milieu carcéral".
La mort d'Yvan Colonna en prison a soulevé de nombreuses questions sur la manière dont l'administration pénitentiaire gère la radicalisation et le terrorisme, ainsi que sur la qualité des soins psychiatriques pour les détenus. Les révélations de ce rapport parlementaire ne manqueront pas de susciter de nouvelles interrogations.