Attentat d'Arras : l'assaillant, son frère et son cousin déférés, les détails de l'attaque livrés par le procureur

Le terroriste qui a poignardé à mort l'enseignant Dominique Bernard à Arras vendredi, va être déféré ce mardi, aux côtés de son frère et de son cousin, en vue de leur mise en examen. Le procureur de la République antiterroriste, Jean-François Ricard, a livré des détails glaçants sur l'attaque, confirmant que l'agresseur avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI).
Attentat d'Arras : l'assaillant, son frère et son cousin déférés, les détails de l'attaque livrés par le procureur
Le procureur antiterroriste Jean-François Ricard a tenu une conférence de presse ce mardi 17 octobre 2023. (capture écran)
Par Stéphane Cazaux
Le mardi 17 octobre 2023 à 15:19 - MAJ mardi 17 octobre 2023 à 21:43

L'assaillant qui a poignardé à mort Dominique Bernard, un enseignant de 57 ans, à Arras (Pas-de-Calais), vendredi matin, dans une attaque au couteau, blessant trois autres personnes, va être déféré ce mardi après-midi en vue de sa mise en examen, tout comme son petit frère et l'un de ses cousins, a annoncé le procureur de la République antiterroriste, Jean-François Ricard, ce mardi en début d'après-midi lors d'une conférence de presse. Treize personnes au total ont été placées en garde à vue, dix ont été remises en liberté sans charge.

Le magistrat est revenu sur le déroulement de cet attentat, livrant des détails glaçants. Il a indiqué que près de cent témoins ont été interrogés par les enquêteurs au cours de ces 96 dernières heures. Vendredi matin, Mohammed Mogouchkov, âgé de 20 ans, a d'abord acheté un téléphone dans une grande surface à 08h53. Il a été aperçu à 09h07 dans un bus alors qu'il manipulait ce téléphone, puis s'est filmé à 10h37 devant le monument aux morts. Le jeune homme s'est dirigé vers le lycée Gambetta à 10h44.

A 11 heures, devant l'établissement scolaire, alors que quatre professeurs en sortaient, Mohammed Mogouchkov s'est jeté sur eux, armé de deux couteaux. Il a poignardé Dominique Bernard "au cou et à une épaule". Un second professeur a tenté de s'interposer, il a reçu des coups de couteau au visage. Un assistant d'éducation est intervenu à son tour. L'agresseur a ensuite pénétré dans le lycée. Dans la cour, il a tenté de poignarder un autre enseignant, mais un agent d'entretien s'est interposé en utilisant une chaise. Ce dernier a chuté au sol et Mohammed Mogouchkov a tenté de le poignarder à plusieurs reprises. Un second agent technique est alors intervenu.

D'autres personnes sont intervenues, a indiqué le procureur antiterroriste, notamment le directeur de l'établissement. L'assaillant a tenté de les poignarder, sans y parvenir. Mohammed Mogouchkov s'est ensuite dirigé vers la sortie mais a finalement fait demi-tour, avant d'être maîtrisé et interpellé par les policiers, à l'aide d'un pistolet à impulsion électrique.

«Qui te donne l'air que tu respires ? Qui est le seul Dieu ?»

Selon les témoins interrogés par les policiers, Mohammed Mogouchkov s'est dirigé, durant son périple dans le lycée, vers le bureau du proviseur qui n'était pas présent. Il a alors rebroussé chemin. Concernant les motivations du jeune homme de 20 ans, radicalisé, qui était inscrit au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), Jean-François Ricard a confirmé qu'une vidéo d'allégeance au groupe État islamique (EI) a été découverte dans son téléphone. Durant les faits, dans la cour du lycée, l'assaillant a lancé aux professeurs qu'il poursuivait : "Qui te donne l'air que tu respires ? Qui est le seul Dieu ?". "D'autres témoins l'ont entendu demander à ses victimes si elles étaient professeur d'histoire ou proviseur", a détaillé le magistrat.

«Appelle Marianne ! Appelle ta République !»

Mohammed Mogouchkov a également déclaré à une personne qui tentait d'appeler les secours : "Appelle Marianne ! Appelle ta République !". "Des propos en lien avec des incidents qui avaient émaillé la scolarité de son frère aîné et qui témoignait de sa radicalisation", a souligné Jean-François Ricard. Les enquêteurs ont retrouvé la vidéo tournée devant le monument aux morts, dans le téléphone. L'assaillant y tient des propos "très menaçants". Dans l'enregistrement où il fait allégeance à l'EI, Mohammed Mogouchkov prête serment à l'émir du groupe terroriste, puis "développait sa haine de la France, de la démocratie, et de l'enseignement dont il avait bénéficié". Un récit en arabe, "émaillé de références religieuses", dans lequel il apporte son soutien "aux musulmans en Irak, en Asie, en Palestine, sans relier son acte aux événements survenus en Israël". Il faisait également part "de son mépris envers les autres organisations terroristes, notamment Al-Qaïda".

Placement en détention requis pour l'assaillant et son petit frère

Jean-François Ricard a précisé que dix des gardes à vue étaient des personnes proches de l'entourage du tueur, ou dans ses relations. Aucun élément n'a permis "de démontrer que ces personnes interpellées ont pu avoir un rôle précis dans l'acte terroriste". "Son jeune frère de 16 ans a pu lui apporter un certain soutien mortifère, étant conscient de sa radicalisation. Il lui aurait donné des consignes concernant les couteaux", poursuit le procureur. "Son jeune cousin aurait été informé du projet criminel". Le procureur a requis le placement en détention provisoire pour les deux frères, et non pour le cousin.

Une information judiciaire doit être ouverte des chefs d'"association de malfaiteurs terroriste en vue de préparer des crimes d'atteinte aux personnes", "assassinat et tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste", de "complicité" et d'"abstention volontaire de commettre un crime". Les investigations se poursuivent.