Le lundi 26 décembre 2022 à 18:26 - MAJ lundi 26 décembre 2022 à 19:09
Le tueur français présumé de trois Kurdes vendredi à Paris a été inculpé et incarcéré lundi alors que l'ambassadeur de France à Ankara était convoqué pour "propagande anti-Turquie".
Le suspect, un retraité ex-conducteur de trains de 69 ans, qui a reconnu une "haine des étrangers pathologique", a été mis en examen pour "assassinats et tentatives d’assassinat en raison de la race, de l’ethnie, la nation ou la religion" ainsi que pour "acquisition et détention d’arme de catégorie B". Dans la journée, plusieurs centaines de personnes s'étaient réunies pour une marche en hommage aux victimes.
Outre les trois Kurdes tués par balles dans le centre de Paris - Emine Kara, une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, et deux hommes, dont l'artiste et réfugié politique Mir Perwer -, le suspect a blessé trois hommes, dont un gravement. Cinq des six victimes sont de nationalité turque, la dernière française.
L'attaque de vendredi a bouleversé la communauté kurde, qui a dénoncé un acte "terroriste" et mis en cause la Turquie. En réaction, l'ambassadeur de France en Turquie a été convoqué lundi par le gouvernement turc, Ankara protestant contre ce qu'elle perçoit comme une "propagande anti-Turquie" en France depuis le meurtre des trois Kurdes. "Nous avons exprimé notre mécontentement face à la propagande lancée par les cercles du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) contre notre pays, le gouvernement français et certains politiciens étant utilisés comme des instruments de propagande", a indiqué une source diplomatique turque.
Lundi, de petits autels avec photographies des victimes, bougies et fleurs, avaient été érigés sur le trottoir à l'endroit où les trois victimes ont été abattues, a constaté une journaliste de l'AFP. Une marche a conduit les participants vers une autre rue du quartier où trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avaient été tuées le 9 janvier 2013 à Paris, une affaire non résolue.
«Vérité et justice»
Les manifestants scandaient en kurde "Nos martyrs ne meurent pas" et en français "Femmes, vie, liberté", tout en réclamant "vérité et justice".
Le mobile raciste des meurtres semble avéré: le suspect, décrit comme "dépressif" et "suicidaire", a confié aux enquêteurs avoir toujours "eu envie d'assassiner des migrants, des étrangers" après avoir été cambriolé en 2016, selon la procureure de Paris, Laure Beccuau. Vendredi, il s'était rendu dans un premier temps à Saint-Denis, commune populaire au nord de Paris, avec "un pistolet automatique Colt 45 de calibre 11,43", pour "commettre des meurtres sur des personnes étrangères", selon la procureure. Mais il a renoncé "à passer à l'acte, compte tenu du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l'empêchant de recharger son arme facilement", a-t-elle précisé.
Il est alors rentré chez ses parents, puis s'est rendu peu avant midi dans un quartier où il connaissait l'existence d'un centre culturel kurde, où il a ouvert le feu.
Déjà condamné
"Indiquant en vouloir "à tous les migrants", il affirme s'en être pris à des victimes qu'il ne connaissait pas, précisant en vouloir aux Kurdes" pour avoir fait "des prisonniers lors de leur combat contre Daech (acronyme en arabe de l'organisation jihadiste État islamique) au lieu de les tuer", a affirmé le ministère public.
Il avait "l'intention d'utiliser toutes les munitions et de se suicider avec la dernière balle", mais a été stoppé par plusieurs personnes dans un salon de coiffure proche avant d'être arrêté par la police. Les premiers éléments d'enquête n'ont pas permis d'établir "un quelconque lien avec une idéologie extrémiste".
Déjà condamné en 2017 pour port d'arme prohibée et en juin pour violences avec armes sur des cambrioleurs - les faits qu'il a évoqué en garde à vue -, il est inculpé depuis décembre 2021 pour violences avec armes, avec préméditation et à caractère raciste. Il est soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche des migrants sur un campement à Paris le 8 décembre 2021. Après un an de détention provisoire, il avait été libéré le 12 décembre.
Que la piste de l'attentat terroriste n'ait pas été retenue d'emblée a suscité colère et incompréhension. Des manifestations en hommage aux victimes, parfois émaillées de violences et de dégradations, avaient été organisées samedi dans plusieurs villes françaises.