Le mardi 18 octobre 2022 à 13:59 - MAJ mardi 18 octobre 2022 à 14:15
Lola était une jeune fille de 12 ans au visage radieux. Décrite comme "gentille" et "plutôt réservée", elle a été tuée dans des conditions atroces alors qu'elle rentrait du collège dans le XIXe arrondissement de Paris. Sa mort a bouleversé les Français et a fait le tour des médias du monde entier. Si les enquêteurs sont parvenus à retracer en grande partie le déroulé de ces faits effroyables, les motivations et le profil de la tueuse présumée restent encore obscurs.
Âgée de 24 ans, Dahbia B. a été mise en examen ce lundi pour "meurtre d'un mineur de 15 ans" aggravé et "viol sur mineur avec actes de torture et de barbarie". Elle a été placée en détention provisoire à Fresnes (Val-de-Marne) ce lundi après une audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD) à huis clos. Cette Algérienne sans domicile fixe est accusée d'avoir "entraîné" la petite Lola, qui avait fêté ses 12 ans le 18 août dernier, dans l’appartement de sa sœur vendredi après-midi, avant de lui faire subir l'horreur, jusqu'à la mort. La fillette a été violée puis tuée par asphyxie. Sa gorge a ensuite été tranchée en profondeur. Son corps a été déposé dans une malle, puis transporté plusieurs heures, avant d'être découvert dans la soirée.
Ce sont les parents de Lola qui ont donné l'alerte vendredi en fin d'après-midi, ne voyant pas leur fille rentrer à la maison. La mère s'est présentée au commissariat du XIXe situé à proximité de leur domicile. Le père, gardien de leur immeuble, a consulté les vidéoprotections et s'est aperçu que Lola était entrée dans le bâtiment juste avant 15h20, accompagnée d'une femme. Peu avant 17 heures, cette même personne est filmée seule, alors qu'elle emprunte le hall pour se diriger vers la sortie, avec une malle qui semble lourde et deux valises. Cette fois, Lola n'apparaît pas sur les images.
La brigade de protection des mineurs (BPM) est saisie. Des recherches avec l'aide d'un chien pisteur mènent les policiers jusqu'au sous-sol, au niveau -3. Finalement, le corps de Lola est retrouvé vers 23h15 par un sans domicile fixe qui vient de découvrir le contenu de la malle, abandonnée à l'entrée du 40 rue d'Hautpoul, à quelques dizaines de mètres de l'appartement de la famille de la fillette. La brigade criminelle de la police judiciaire parisienne est alors chargée des investigations. Lors des minutieuses constatations, les enquêteurs découvrent que le corps recroquevillé de la petite fille a le visage entièrement scotché. Elle a été ligotée et égorgée. Les chiffres 0 et 1 sont écrits sur chacun de ses pieds. Ses vêtements sont retrouvés dans les deux valises, laissés à côté de cette malle.
«Elle demandait de l'aide de manière insistante»
La suite des investigations permet de déterminer que cette jeune femme, visible sur les vidéoprotections, est la suspecte principale et qu'elle a passé près d'une heure dans la rue devant l'immeuble - entre 17 heures et 18 heures - avec la malle et les deux valises, en cherchant de l'aide pour les déplacer, parfois de manière hystérique, sous les yeux de nombreux passants ébahis. "Elle demandait de l'aide de manière insistante pour aller jusqu'au métro avec ses bagages", confie une source proche du dossier.
Dans la soirée, un homme se présente aux policiers et leur affirme qu'il a croisé une jeune femme étrange, qui lui a fait part d'un trafic d'organes. Elle aurait notamment évoqué la vente "d'un rein". Il a refusé de lui apporter son aide après avoir touché l'intérieur de la malle et soupçonné qu'un corps était dissimulé à l'intérieur, percevant notamment une odeur de javel et de sang. Interrogé sous le régime de la garde à vue durant le week-end, il a été laissé libre sans charge. L'homme aurait tout simplement mis du temps à prendre la mesure de ce qui venait de lui arriver, avant de décider de prévenir la police.
Rachid N. conduit la suspecte jusque chez lui
Les policiers découvrent rapidement que Dahbia B. a réussi à quitter les lieux à bord d'une Dacia Lodgy, conduit par l'une de ses connaissances, Rachid N., 43 ans, qui est chauffeur VTC de profession. Elle a emporté avec elle la malle qui contient le corps de Lola et les deux valises. L'immatriculation de la voiture est communiquée aux services de police, en vain. La suspecte aurait passé près de deux heures chez Rachid N., à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), avant que ce dernier décide d'appeler un autre VTC vers 22h30 pour ramener Dahbia B. jusqu'à l'endroit où il l'avait récupérée. Le patron de Rachid N. aurait entre temps été contacté par la police, qui était à sa recherche.
C'est à ce moment-là que la tueuse présumée serait revenue dans le XIXe arrondissement avec la malle et les deux valises, à l'entrée du 40 rue d'Hautpoul. Elle aurait alors décidé d'abandonner le cadavre de la fillette et ces bagages à cet endroit, prenant la fuite en transport en commun. Dahbia B. a été interpellée au domicile d'une autre connaissance à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), vers 07h40 samedi, après plusieurs heures de planque des policiers qui cherchaient à identifier d'éventuels complices. Elle est alors placée en garde à vue, tout comme sa sœur et Rachid N., qui est poursuivi par la justice pour avoir transporté le corps de l'enfant.
Durant sa garde à vue, Dahbia B. passe aux aveux et décrit une scène abominable. Lors de sa quatrième audition, elle affirme avoir "entraîné" Lola dans l’ascenseur, jusqu'à l'appartement de sa sœur - qui était au travail au moment des faits -, l'avoir forcée à se doucher avant d'abuser d'elle sexuellement, puis de lui imposer un acte buccal sur ses propres parties intimes. Elle déclare avoir scotché le visage de l'enfant, avoir pris un café, puis avoir agressé la fillette à l'arme blanche, avant de mettre son corps sans vie dans la malle. L'autopsie a montré que Lola est morte asphyxiée. L'examen s'est d'ailleurs révélé compatible avec les déclarations de la suspecte.
Au sous-sol de l'immeuble au niveau -3, les policiers auraient découvert dès le vendredi soir, du gros scotch et un cutter, avec l'aide du chien pisteur. A ce stade, on ne sait pas ce que la suspecte est venue y faire et à quel moment.
«Une bagarre contre un fantôme»
Dahbia B. va néanmoins revenir sur ses déclarations lors de son interrogatoire suivant. "Elle a expliqué qu'elle avait en fait raconté "un rêve" et que ce n'était pas la réalité", confie une autre source proche de l'enquête. "Elle a évoqué une agression au couteau, et une bagarre contre un fantôme, ajoutant qu'elle aurait été incapable de tuer une enfant". Face aux photos du corps, la jeune femme est restée de marbre. "En réponse, elle a déclaré qu'elle avait vu ses parents mourir sous ses yeux et qu'elle avait subi un viol", poursuit cette source.
Dahbia B. a fait l'objet d'un long examen de comportement ce samedi qui a conclu que son état de santé mental était compatible avec la mesure de garde à vue. Elle serait par ailleurs inconnue des services de psychiatrie de la région parisienne. Cette dernière va néanmoins faire l'objet d'une expertise psychiatrique plus poussée dans les prochaines semaines.
Un problème concernant un pass Vigik
Concernant ses motivations troubles, la tueuse présumée a évoqué un problème concernant un pass Vigik (qui permet d'entrer dans l'immeuble, ndlr) que la gardienne - qui est aussi la mère de Lola - aurait refusé de lui donner, alors qu'elle se rendait régulièrement au domicile de sa sœur. Pourtant, dans le message que la mère de l'enfant a diffusé sur Facebook le soir du drame, dans lequel elle invite des témoins à prévenir la police s'ils aperçoivent Lola, elle précise que, ni elle, ni son compagnon, ne connaissent la femme qui accompagne leur fille. "Notre fille Lola vue pour la dernière fois à 15h20 en compagnie d'une fille qu'on ne connaît pas dans notre résidence", peut-on lire. Le message est accompagné d'une photo du portrait de Lola et d'une capture écran de la vidéoprotection où l'on aperçoit la suspecte.
La mise en cause n'aurait pas évoqué un acte ou un rituel satanique durant ses auditions, ni un acte correspondant à des croyances anciennes de charlatanisme, comme celles des "enfants zouhris". La rumeur au sujet de cette piste est apparue ces dernières heures sur les réseaux sociaux. L'avocat de Dahbia B., Me Alexandre Silva, a exclu cette hypothèse à plusieurs reprises ce lundi auprès des journalistes qui l'ont interrogé.
Rachid N. a quant à lui été mis en examen pour "recel de cadavre" et a été laissé libre sous contrôle judiciaire. "La détention provisoire n'étant pas possible du fait de la peine encourue", a souligné une source judiciaire. Pour pouvoir placer un suspect en détention provisoire, l'infraction pour laquelle il est poursuivi doit être sanctionnée d'au moins trois ans d'emprisonnement, ce qui n'est pas le cas concernant la situation de cet homme de 43 ans, à ce stade des investigations.
Gérald Darmanin dénonce «l'indécence»
Confrontés à ce terrible drame, les parents de Lola ont souhaité s'éloigner de Paris et se sont isolés à Fouquereuil, près de Béthune (Pas-de-Calais), d'où ils sont originaires. Ils n'ont pas pris la parole pour l'heure et ont précisé qu'ils le feront plus tard. Ce lundi, ils n'avaient pas encore pu voir le corps de leur fille. Un hommage à Lola sera rendu dans la commune ce mardi après-midi à 17h30. Au collège Georges-Brassens à Paris, où Lola était scolarisée, une cellule psychologique a été ouverte.
Ce mardi matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin - qui s'est entretenu avec la famille de Lola par téléphone lundi - a dénoncé "l'indécence" de certains responsables politiques, au micro de RTL. "Je n’ai pas de réaction parce qu’il y a beaucoup d’indécence dans des prises de positions politiques (...) Il faut que les responsables politiques réfléchissent aux conséquences de leurs mots (...) C’est le drame ignoble dans toute sa noirceur", a-t-il estimé, réagissant au terme "francocide", utilisé notamment par le leader de Reconquête, Éric Zemmour, pour qualifier ce drame. "Tous les parents se sentent concernés par ce drame. Ceux de Lola aimeraient aussi avoir un peu de paix pour faire le deuil de leur fille. On essaye du mieux possible (…) de leur permettre d’accéder à leur deuil dans la façon la plus respectueuse possible", a poursuivi le ministre.
En situation irrégulière en France
La situation administrative de Dahbia B. est à l'origine d'une polémique ce mardi. Cette dernière était en situation irrégulière sur le territoire français et faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire (OQTF) depuis le 21 août dernier, date où elle avait été contrôlée par la police à un aéroport. La jeune algérienne de 24 ans était arrivée légalement en France en 2016, en bénéficiant d'un visa étudiant.