Le mardi 17 mai 2022 à 16:40
Paris, fin juin 2007 dans le 17ème arrondissement. La responsable du marketing et de la communication d’un des leaders des jeux d’argent en France rentre à peine de vacances. En ouvrant son courrier, elle se pique au niveau d’un doigt après avoir ouvert une petite boîte rouge, semblable à un écrin à stylo, qui se trouve dans une enveloppe kraft. En y regardant de plus près, elle constate la présence d’une série de petites aiguilles.
Intriguée plus qu’effrayée, elle s’empare d’une lettre, glissée dans la même enveloppe. Mais le message qui s’y trouve lui glace les sangs : le ou les mystérieux auteurs de cet envoi indiquent que les pointes qui viennent de lui percer l’épiderme sont enduites d’un poison, - mais sans en révéler la composition -, et qu’elle a moins d’une journée pour se voir administrer l’antidote. A condition qu’elle verse une rançon. Si elle n’obtempère pas, les racketteurs lui garantissent une mort violente… Ces derniers exigent de se voir verser 20 000€ pour livrer leur remède. Conduite à l’hôpital, la victime se voit très vite rassurée : elle n’a été contaminée par aucune substance toxique et se porte bien.
Une fois le choc passé, elle dépose plainte avant d’être convoquée dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), une des brigades de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Paris. La chargée de communication y détaille la nature du bien curieux colis dont elle a été destinataire, mais aussi le circuit, non moins alambiqué, de remise de l’argent exigé. Ses rançonneurs ont élaboré un véritable jeu de piste : la victime doit se connecter à un site de rencontres libertines, puis s’y inscrire selon des critères bien précis (âge, taille, poids...) avant d’être contacté par téléphone.
Une seconde victime dans le 6ème arrondissement
Après avoir pris bonne note de sa mésaventure et récupéré le fameux colis piégé, les enquêteurs lui confient qu’elle n’est pas la seule à avoir été visée par ce chantage élaboré.
Un mois plus tôt, toujours à Paris, un homme, âgé d’une cinquantaine d’années, employé dans une agence d’achat et de vente de monnaies anciennes, située dans le 6ème arrondissement, est admis aux urgences d’un établissement hospitalier parisien : alors qu’il vient d’ouvrir une boîte noire, censée renfermer des pièces de collection à expertiser, il a vu la peau de l’un de ses pouces transpercer par une rangée d’une dizaine de petites aiguilles. En lâchant la boîte, sous l’effet de la surprise, il a aussi découvert un message lui indiquant que s’il ne versait pas 30 000€, via une connexion sécurisée sur internet, il serait « mort dans les six heures ». Là aussi, son ou ses racketteurs lui précisent qu’il a été piqué par des pointes empoisonnées. Après analyses, aucun poison n’a été détecté sur lesdites aiguilles…
« On ne saura jamais si d’autres personnes ciblées ont payé la rançon réclamée »
Saisis d’une enquête pour « menaces de mort sous condition », les policiers de la BRDP se lancent dans de multiples recoupements. Ce qui leur permet de retrouver trace de deux autres envois similaires… près de dix ans plus tôt ! « Le système d’éjection des aiguilles était assez sophistiqué », confie aujourd’hui une source policière. « Et surtout imparable. Doté de gros ressorts à l’arrière de la boîte, vous ne pouviez pas faire autrement que vous piquer. Le ou les auteurs de ces envois se sont un peu creusés la tête quand même ». Et on fait en sorte d’être particulièrement prudents. Au point de ne jamais être identifiés. « L’autre inconnue qui reste dans ce dossier est le nombre exact de victimes », note la même source. « On ne saura jamais si d’autres personnes ciblées ont payé la rançon réclamée. Il est très probable que ces maîtres-chanteurs ne se sont pas contentés de quatre victimes ».