Refus d'obtempérer à Nanterre : l'un des policiers placé en garde à vue pour «homicide volontaire»

Le policier qui a ouvert le feu à Nanterre ce mardi matin, blessant mortellement un adolescent de 17 ans au volant d'une voiture, refusant d'obtempérer, a été placé en garde à vue pour être interrogé par les enquêteurs de l'IGPN. Deux enquêtes ont été ouvertes dans ce dossier.
Refus d'obtempérer à Nanterre : l'un des policiers placé en garde à vue pour «homicide volontaire»
La voiture du chauffard a terminé sa course dans un poteau à quelques dizaines de mètres du lieu du tir. (Clément Lanot / CL Press)
Par La Rédaction
Le mardi 27 juin 2023 à 19:46 - MAJ mardi 27 juin 2023 à 20:21

Deux enquêtes ont été ouvertes après la mort par balle d'un adolescent de 17 ans, Naël M., qui était au volant d'une voiture, ce mardi matin, à Nanterre (Hauts-de-Seine), lorsqu'il a commis un refus d'obtempérer. Ce dernier a redémarré soudainement alors que l'un des agents était au contact du pare-brise de cette Mercedes AMG jaune. Le fonctionnaire âgé de 38 ans a ouvert le feu, touchant mortellement le chauffard, qui est rapidement décédé des suites de ses blessures. Ce dernier était connu des services de police, notamment pour des refus d'obtempérer.

L'un des deux policiers a été placé en garde à vue pour "homicide volontaire", a annoncé le parquet de Nanterre vers 19 heures. Il s'agit du fonctionnaire ayant ouvert le feu. Ce dernier est actuellement interrogé par les enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). "Les opérations de dépistage d’alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants ont été réalisées et se sont avérées négatives", précise le parquet de Nanterre.

L'avocat du policier, Me Laurent-Franck Lienard, n'a pas souhaité s'exprimer pour l'heure. Une seconde enquête a été ouverte pour "refus d'obtempérer" et "tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique", qui a été confiée aux policiers de la sûreté territoriale des Hauts-de-Seine (ST 92), a précisé le parquet.

Une vidéo amateur a été publiée sur les réseaux sociaux. Les images montrent le moment où l'adolescent redémarre alors que les policiers se trouvent sur le côté gauche de la voiture. L'un a mis en joue le suspect. On entend le coup de feu du policier sur la vidéo. Avant ce tir, on peut entendre les policiers lancer des injonctions au conducteur, bien que l'ensemble des mots prononcés ne soit pas clairement compréhensible. "Ouvre ! Ouvre ! [la portière], dépêche-toi !", lance l'un des policiers. L'un d'eux aurait ensuite lancé : "Je vais te mettre une balle dans la tête". Une seconde vidéo amateur montre également l'action des policiers, avant le coup de feu mortel.

«On voit clairement un policier abattre un jeune homme de sang-froid»

L'un des avocats de la famille de Naël M., Me Yassine Bouzrou, a affirmé en début de soirée, au micro de BFMTV, que les policiers avaient "menti".

"Il faut prendre en compte les premiers éléments qui sont probants, puisqu'une vidéo a filmé la scène. On voit clairement un policier abattre un jeune homme de sang-froid, sans raison juridique puisqu'un refus d'obtempérer ne permet pas un tir à bout portant", a-t-il insisté. "Ces policiers ont menti ce matin en affirmant que le véhicule du jeune Naël avait tenté de les percuter. (...) Nous sommes totalement éloignés de la légitime défense, toutes les règles élémentaires ont été violées et c'est clairement un homicide volontaire".

Des plaintes vont être déposées par les avocats de la famille

Les trois avocats de la famille de l'adolescent ont annoncé leur intention de déposer une plainte pour "homicide volontaire" à l'encontre du policier ayant tiré. "La plainte visera également son collègue, pour complicité d’homicide volontaire, lequel semble faire injonction à son collègue de faire feu en disant 'shoote-le' juste avant le tir" précisent-ils dans un communiqué. Ils annoncent aussi qu'ils vont déposer une autre plainte pour "faux en écriture publique" contre les policiers, qui selon eux, ont affirmé "que le jeune homme avait tenté de commettre un homicide sur leur personne en tentant de les percuter, ce qui est formellement démenti par le visionnage de la vidéo". Les trois avocats vont également exiger le dépaysement du dossier, afin qu'il ne soit pas dirigé par le parquet de Nanterre.

"Une autopsie et des examens complémentaires notamment en matière de toxicologie ont été ordonnés et doivent être réalisés demain", ajoute le parquet. "L’exploitation des éléments retrouvés sur place, dans le véhicule et des différentes vidéos de la scène se poursuivent". En outre, la garde à vue du passager mineur qui a été interpellé après le drame, a été levée après son audition.

«Ce geste m'interpelle, me choque»

Réagissant à cette affaire, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a évoqué la présomption d’innocence des policiers impliqués. "On doit respecter le deuil de ses proches (...) mais également la présomption d'innocence des policiers" qui "auront à rendre compte de leurs actes devant l'administration et la justice". Le ministre a indiqué que les images de cette intervention de police étaient "extrêmement choquantes".

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, s'est lui aussi exprimé au sujet du drame, sur le plateau de BFMTV, en fin d'après-midi. "Ce geste m'interpelle, me choque", a-t-il avoué. "Il y a une enquête qui devra déterminer les conditions dans lesquelles tout ça s'est produit". "Le fonctionnaire a pu se sentir menacé", a souligné le préfet.

Laurent Nuñez est aussi revenu sur les circonstances de l'intervention : "Ce véhicule a commis un premier refus d'obtempérer, puis il a été bloqué dans le flot de la circulation où il y a eu une tentative de contrôle par les deux policiers. C'est à ce moment-là que le conducteur, qui avait d'abord éteint le moteur, a redémarré le véhicule, puis est parti. C'est dans ce contexte que le policier a fait usage de son arme à feu".