Des élèves policiers soumis à un simulacre de noyade à Oissel : un formateur suspendu et une enquête ouverte

Des vidéos montrent des élèves de l'école nationale de police (ENP) de Oissel (Seine-Maritime) soumis à des simulacres de noyade, par un formateur. La séance a eu lieu en dehors du programme officiel de formation, et a conduit à la suspension de l'instructeur, ainsi qu'à l'ouverture d'une enquête administrative.
Des élèves policiers soumis à un simulacre de noyade à Oissel : un formateur suspendu et une enquête ouverte
Des élèves policiers de l'école de Oissel ont été soumis à des simulacres de noyade vendredi 24 novembre 2023. (captures écran / DR)
Par Stéphane Cazaux
Le jeudi 30 novembre 2023 à 01:20 - MAJ jeudi 30 novembre 2023 à 16:58

Ce sont des images choquantes venant de l'école nationale de police (ENP) de Oissel, près de Rouen (Seine-Maritime) qui circulent ces dernières heures dans les réseaux et groupes de policiers. On y aperçoit des élèves gardiens de la paix qui sont soumis à du "waterboarding", appelé "simulacre de noyade" en français, par un policier formateur aux techniques et à la sécurité en intervention (FTSI). Il s'agit d'une méthode ancienne de torture.

Ce policier formateur, qui est expérimenté, a été suspendu ce mercredi suite à la diffusion de ces nombreuses vidéos, indique une source proche de l'affaire, confirmant une information du Parisien. Une enquête administrative a été ouverte et confiée à l'inspection générale de la police nationale (IGPN).

Cette séance, qui ne figure pas dans le programme de la scolarité des policiers, a été réalisée vendredi dernier dans la matinée. "L'académie de police à Lognes a été informée ce lundi et l'enquête administrative a alors été ouverte", souligne la même source. Sur ces vidéos que nous nous sommes procurées, des élèves policiers, qui ont un t-shirt sur la tête qui leur recouvre entièrement le visage, sont aspergés d'eau, ce qui provoque une sensation immédiate de noyade. La respiration devient alors difficile. Le "waterboarding" peut créer un stress extrême, ou encore des malaises et des problèmes cardiaques. Une méthode de torture dangereuse qui a été utilisée durant la seconde guerre mondiale, mais également par les États-Unis après les attaques du 11-septembre 2001, par la CIA, lors des interrogatoires, sur des suspects liés aux attaques terroristes.

«On forme des policiers pour devenir des policiers, et pas autre chose»

Certains élèves filmés sont forcés à chanter durant ce simulacre de noyade. Ils sont aspergés d'eau au visage avec une bouteille, parfois avec un jet d'eau. L'un doit chanter "La Marseillaise", un second "La danse des canards". "Enlève tes mains !", hurle le moniteur FTSI, alors que l'un des participants, qui est dans la position de la "chaise invisible", tente de soulever le t-shirt qu'il a sur la tête pour récupérer un peu d'air. Sur une autre vidéo, un élève est à quatre pattes, immobilisé, tandis que le moniteur l'asperge longuement avec un jet d'eau au niveau du visage. Un futur policier est également filmé alors qu'il porte un camarade sur son dos, en ayant un t-shirt sur le visage, tout en étant à son tour aspergé.

"Je ne vois pas le principe de cet exercice. Ca ressemble plus à de la torture qu'à autre chose", confie un policier FTSI expérimenté. "On forme des policiers pour devenir des policiers, et pas autre chose. D'autant que ce type de séance peut laisser des traces psychologiques".

«Les élèves étaient consentants et il ne s'agit pas d'un bizutage»

Selon plusieurs sources policières, les élèves impliqués auraient souhaité participer à cette séance. On ne sait néanmoins pas s'ils savaient ce qui les attendait. Sur plusieurs vidéos, on entend d'ailleurs des élèves rires, et d'autres qui encouragent les participants. "Les vidéos ont été réalisées pour immortaliser le moment et créer des souvenirs, notamment pour la vidéo de fin de scolarité", détaille l'une des sources policières. "L'objectif de cette séance était de proposer aux élèves un contexte d'intervention de haute intensité, dans un environnement très dégradé. Elle a eu lieu après un cours sur le maniement des armes. Les élèves étaient consentants et il ne s'agit pas d'un bizutage".

L'enquête administrative devra faire la lumière sur ce qui s'est exactement passé. Du côté de la place Beauvau, l'affaire est prise au sérieux nous précise une source ministérielle. "Suite à la révélation de cette affaire, le directeur de l'école, commissaire de police, a reçu comme instruction d'écourter immédiatement ses vacances, malgré la présence de son adjoint", glisse une autre source bien informée.