Le mardi 4 janvier 2022 à 21:21
Des sanctions, de l'avertissement à 3 jours d'exclusion avec sursis, ont été proposées mardi lors de conseils de discipline à Paris et Bordeaux devant lesquels des policiers étaient renvoyés après le féminicide de Mérignac.
Quatre officiers et commissaires dont le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Gironde, Martin Levrel, étaient convoqués à Paris tandis que deux brigadiers l'étaient à Bordeaux. Les deux commissaires renvoyés, Martin Levrel et le commissaire de Mérignac, ont comparu dans la matinée. Le Conseil de discipline a proposé un avertissement contre le DDSP et 3 jours d'exclusion temporaire de fonction avec sursis contre le commissaire de Mérignac, a-t-on appris de sources concordantes.
Un seul brigadier a comparu à Bordeaux, l'autre ayant obtenu finalement un report pour raison de santé. Le conseil de discipline a proposé contre lui un avertissement, a-t-on appris de sources concordantes. Le secrétaire régional du syndicat Alliance, Eric Marrocq, qui le défendait, avait expliqué un peu plus tôt à l'AFP, qu'il avait été "démontré (lors de l'audience) que le rôle de la hiérarchie était largement insuffisant dans l'accompagnement de ce dossier et le management de notre collègue". "Il était hors de question qu'il endosse le rôle de lampiste".
Les officiers renvoyés devant le conseil de discipline, le commandant de la division Ouest et son adjointe, ont comparu dans l'après-midi à Paris. Le Conseil de discipline a préconisé la même sanction pour chacun d'eux, à savoir 3 jours d'exclusion temporaire de fonction avec sursis, selon des sources concordantes.
Ces propositions doivent être soumises au directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, qui décidera de les valider in fine ou non.
"Satisfaction"
"Je retiens avec satisfaction que les propositions viennent sanctionner tous les niveaux de la hiérarchie policière et consacrer les multiples manquements de la procédure et pas uniquement l’action des policiers en première ligne de l'enquête", a souligné auprès de l'AFP Julien Plouton, avocat des parents et proches de la victime.
Le 4 mai, à Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux, Chahinez Daoud avait été blessée par balle avant d'être immolée par le feu dans la rue par son mari violent dont elle était séparée. Déjà condamné pour des faits de violences conjugales, ce dernier, qui venait de sortir de prison, avait de nouveau menacé son épouse. Elle avait déposé une plainte deux mois avant d'être tuée.
Ce féminicide, particulièrement violent, avait déclenché une vague d'émotion, si bien que les ministres de l'Intérieur et de la Justice avaient diligenté une mission d'inspection chargée de démêler le déroulement des faits ayant conduit à ce drame. Quinze jours plus tard, la mission avait conclu à une série de manquements et "une suite de défaillances" concernant tant la police que les services pénitentiaires.
Un rapport de l'IGPN soulignant des fautes et des erreurs d'appréciations
Si le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin a demandé à IGPN "la police des polices" une enquête sur les fautes qu'auraient pu commettre les uns et les autres, du côté de la justice, il n'en a pas été ainsi, ce qui a provoqué des grincements de dents côté police.
En septembre, le rapport de l'IGPN a établi des fautes ou des erreurs d'appréciation commises par plusieurs agents dans le cadre de ce féminicide. Mais dans ses conclusions, elle n'a cependant pas préconisé la convocation devant le conseil de discipline, une décision prise finalement par Frédéric Veaux. En juillet, nouvelle ombre sur ce dossier avec la révélation par le Canard Enchaîné de la condamnation le 10 février 2021 à huit mois de prison avec sursis probatoire pour violences sur son ex-conjointe du policier de Mérignac ayant pris la plainte de Chahinez Daoud le 15 mars.
Cet élément n'avait pas été communiqué à la mission d'inspection ce qui avait rendu furieux ses membres ainsi que le ministre. Un conseil de discipline s'était réuni en septembre à Bordeaux pour examiner son cas.
Selon des sources syndicales, le fait que ce gardien de la paix a été privé par le tribunal de son droit d'éligibilité pendant un an a conduit à sa radiation de la police nationale. Autre conséquence de cette affaire, l'ancien DDSP de Gironde Patrick Mairesse a été sanctionné d'un blâme, sans convocation disciplinaire, selon ces même sources. Il avait été remplacé dans cette fonction en mars par M. Levrel.