Le jeudi 19 septembre 2024 à 17:19
Deux policiers de la brigade nuit du commissariat du Ve et VIe arrondissement de Paris seront jugés le 29 octobre prochain pour des violences commises sur un homme de 42 ans qui était placé en garde à vue au moment des faits, survenus le 24 juillet dernier, dans le commissariat. Dans l'attente, ils ont été placés sous contrôle judiciaire le 9 août dernier au terme de leur garde à vue, et leur salaire a été suspendu, a-t-on appris de source judiciaire, confirmant une information de franceinfo.
La victime, Mario, de nationalité péruvienne, s'est vu attribuer 30 jours d'incapacité totale de travail (ITT) suite aux violences qu'il a subies. Des images de vidéosurveillance du commissariat, sur lesquelles on aperçoit le quadragénaire recevoir de nombreux coups, ont été révélées ce jeudi par Libération. L'homme avait été interpellé le soir du 24 juillet, vers 23 heures, pour avoir outragé des gendarmes se trouvant en sécurisation dans la capitale, dans le cadre des Jeux olympiques. Un militaire lui aurait demandé d'écarter les jambes dans le cadre d'une palpation de sécurité, Mario aurait répondu : "C’est ta mère qui écarte les jambes et que je baise, fils de pute". Un test de dépistage réalisé au commissariat a montré qu'il avait près de 2 grammes d'alcool par litre de sang.
Une première scène filmée par les caméras de vidéosurveillance montre Mario assis sur un banc au niveau du bureau du chef de poste. L'un des policiers lui fait soudainement une clef de bras et lui porte un coup au visage, sous les yeux de deux autres fonctionnaires.
Une fracture de l'avant-bras en se protégeant
Le quadragénaire est ensuite conduit dans une salle de fouille par ces trois policiers. Mario a déclaré dans ses auditions avoir été frappé à plusieurs reprises par le même policier, qui a utilisé ses mains mais également sa matraque télescopique. "Si je ne m’étais pas protégé la tête avec mes bras, je serais mort", a-t-il déclaré à Libération. En sortant de la salle de fouille où il a passé près de cinq minutes avec les fonctionnaires, l'homme est conduit dans une cellule de garde à vue. Mario reçoit un nouveau coup au visage de la part du même policier, au moment de la fermeture de la porte de la cellule, sous les yeux des deux autres agents. Un coup qui lui aurait provoqué une plaie saignante au niveau d'une arcade sourcilière.
Un examen médical montrera que le gardé à vue souffre d'une fracture de l'avant-bras droit liée à un coup de matraque. Une blessure visible sur les images de vidéosurveillance publiées par Libération. L'homme a été sorti de sa cellule à 00h19 alors qu'il avait le visage en sang - manifestement à cause de sa blessure au visage -, pour être ausculté par un médecin. Avant d'être transporté à l'hôpital, il a été assis sur le banc au niveau du bureau du chef de poste. Mario est alors frappé à de multiples reprises par un quatrième policier. Il reçoit onze coups au total, tentant de se protéger comme il peut. Plusieurs autres fonctionnaires sont témoins des faits et s'amusent de la situation comme il est possible de les voir sur les images révélées par Libération. Mario a déposé plainte le lendemain et une enquête a été ouverte. Le parquet de Paris a saisi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Les images du déchaînement de violences subi par un homme dans un commissariat à Paris
Le 24/07, Mario a été placé en garde à vue. Avant-bras fracturé, coup de clé dans l’arcade sourcilière… @Libe révèle les graves violences dont il a été victime : https://t.co/0gIWKH81FY pic.twitter.com/rCwzw4MAPe
— Libération (@libe) September 19, 2024
Deux policiers ont reconnu avoir menti
Le premier policier ayant frappé Mario a lui aussi déposé une plainte contre lui dans la nuit, affirmant qu'il a dû le repousser car il était agressif. Ses deux collègues ont confirmé cette version dans leurs auditions. L'un d'entre eux est finalement revenu sur ses déclarations, avouant avoir menti. "Il [le premier policier] est venu me parler de ce qu’il avait dit dans sa plainte et on s’est mis d’accord pour que mes déclarations soient cohérentes avec les siennes", a déclaré cet agent. Le second policier a lui aussi fini par reconnaître avoir menti.
Placé en garde à vue dans les locaux de l'IGPN, le premier policier de 32 ans qui a frappé Mario a reconnu lui avoir porté des coups de matraques télescopiques. "J’ai omis certains détails sans vouloir les cacher", a-t-il admis, avant de déclarer "regretter" les violences contre Mario, lorsqu'il a été confronté aux images de vidéosurveillance. "Je n’ai jamais pété les plombs comme cela", a déclaré ce fonctionnaire de la brigade nuit.
Les deux policiers qui ont porté des coups à Mario seront jugés au tribunal de Paris le 29 octobre prochain pour violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours par personne dépositaire de l’autorité publique. Dans le cadre de leur contrôle judiciaire, ils ont reçu l'interdiction d'exercer leur métier de policier. La préfecture de police a précisé qu'une enquête administrative était en cours dans ce dossier.
Mario a été condamné pour l'outrage envers les gendarmes par la procédure simplifiée d'ordonnance pénale à 250 euros d’amende. L'enquête pour violences le visant a été classée sans suite.