Le lundi 18 avril 2022 à 11:30
Le Texas doit exécuter le 21 avril son plus vieux condamné à mort, Carl Buntion, reconnu coupable d'avoir tué un policier il y a plus de trente ans mais qui, à 78 ans, ne représente plus aucun danger pour la société, affirment ses soutiens.
En juin 1990, cet homme, élevé par un père alcoolique et violent, a déjà été condamné à 13 reprises et se trouve en liberté conditionnelle pour une agression sexuelle sur un enfant. Lors d'une intervention pour une banale infraction routière à Houston, Carl Buntion tire sur le policier James Irby et le tue. Condamné à la peine de mort, il voit ce verdict annulé en 2009 par la plus haute juridiction texane, qui avait estimé que la défense n'avait pas pu être correctement entendue par les jurés. Mais en 2012, il est à nouveau condamné à la peine capitale.
Dans cette affaire, les défenseurs de Carl Buntion ne cherchent pas à prouver son innocence. "Chaque jour des 32 dernières années, j'ai regretté ce qui s'est passé", a d'ailleurs confié ce dernier lors d'une interview à la chaîne KHOU 11 cette semaine. Mais dans ce grand État du Sud conservateur, celui qui exécute le plus aux États-Unis, une personne ne peut être condamnée à la peine capitale que si un jury estime qu'elle représente un futur danger pour les autres.
Or, Carl Buntion, qui souffre notamment d'arthrose, de vertiges, d'hépatite et de cirrhose, "ne peut plus être dangereux", plaident ses avocats dans un recours auprès de la commission des grâces et des libérations conditionnelles du Texas, qui tranchera deux jours avant la date de l'exécution.
«Question éthique»
Carl Buntion, qui n'a été reconnu coupable que de trois infractions disciplinaires pendant ses décennies d'incarcération, est isolé dans sa cellule 23 heures par jour, depuis 20 ans. "Au Texas, les personnes dans le couloir de la mort sont placées dans une minuscule cellule avec, en haut, à peine une petite fente en guise de fenêtre", rappelle à l'AFP Burke Butler, directrice de l'association Texas Defender Service. "Ils ne peuvent pas voir ceux qu'ils aiment, si ce n'est en étant séparés par une vitre, en parlant dans un téléphone" ajoute-t-elle. Être en confinement solitaire durant 30, 40 ou 50 ans constitue une "torture", assure Burke Butler.
L'an dernier, la Cour Suprême américaine a refusé de revenir sur la condamnation de Carl Buntion, mais le juge progressiste Stephen Breyer a estimé que la durée de son confinement "remet en cause la constitutionnalité de la peine de mort". "C'est une vraie question éthique et humaine sur l'obsession de l'État du Texas à vouloir exécuter coûte que coûte, quelles que soient les conditions", réagit de son côté Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l'Association Ensemble contre la peine de mort.
Peloton d'exécution
Au Texas, 192 hommes et six femmes attendent dans le couloir de la mort. Trois ont plus de 70 ans, et cinq s'y trouvent pour des crimes remontant à plus de 40 ans. Après celle de Carl Buntion, l'exécution de Melissa Lucio, accusée d'avoir tué sa fille de 2 ans en 2007, est programmée le 27 avril. Condamnée au terme d'un procès controversé, elle est soutenue par de nombreux élus démocrates et républicains, ainsi que par la star de téléréalité Kim Kardashian, qui a contribué à médiatiser ce que ses défenseurs qualifient d'erreur judiciaire.
Depuis les années 2000, le Texas connaît une nette diminution des exécutions. De 137 entre 2000 et 2004, leur nombre est tombé à 35 entre 2017 et 2021. Un total qui reste bien plus élevé que ceux des autres États américains. Pour Burke Butler, cette baisse s'explique par la prise de conscience, chez les procureurs, "que la peine de mort est un châtiment excessif et cruel", mais aussi par le fait que "les gens ont de meilleurs avocats".
Car face à la peine capitale, tous ne sont pas égaux. "On finit dans le couloir de la mort parce qu'on est pauvre et mal défendu", soutient Burke Butler. Au Texas, 45% des personnes qui attendent leur exécution sont noires, contre seulement 13 % de la population. Des inégalités et un débat éthique qui dépassent largement les frontières de l’État. En Caroline du Sud, Richard Moore, qui doit être exécuté le 29 avril, a été le premier condamné à devoir choisir entre la chaise électrique... et le peloton d'exécution. Le détenu a choisi la deuxième option. Instaurée là-bas en mai 2021, cette méthode existe dans trois autres États américains, bien qu'elle soit très peu utilisée.