Le lundi 3 octobre 2022 à 20:51
Près de huit ans après l'explosion de l'affaire des fuites au 36 quai des Orfèvres, le parquet a requis lundi à Paris la relaxe de l'ancien patron de la police judiciaire parisienne Bernard Petit.
L'ex-directeur de la PJ, 66 ans, avait été limogé avec fracas en février 2015 après sa mise en examen pour violation du secret de l'instruction et révélation d'informations sur une enquête. Dix-neuf prévenus au total sont jugés depuis le 12 septembre dans cette affaire à tiroirs qui implique d'anciens grands flics, un célèbre escroc, un homme politique ou encore un ex-gendarme d'élite.
Après trois semaines de débats, le ministère public a requis une relaxe générale dans le deuxième volet du dossier qui concerne des soupçons d'entrave à la justice datant d'octobre 2014.
Bernard Petit y est soupçonné, avec son chef de cabinet d'alors Richard Atlan, d'avoir transmis, via le fonctionnaire Philippe Lemaître, des informations confidentielles au fondateur du GIGN Christian Prouteau sur une enquête le concernant.
«Au bénéfice du doute»
Les déclarations de M. Lemaître - qui avait assuré avoir agi à la demande de son patron, le président de l'Association des œuvres sociales de la police (Anas) Joaquin Masanet - sont la "pierre angulaire" du renvoi devant le tribunal, a rappelé le procureur Damien Fourn. Or, à la barre le 20 septembre, M. Lemaître a changé de version. Le lendemain, Bernard Petit l'a accusé de "mensonges", se défendant avec véhémence de toute entrave à la justice. En fin d'audience, Philippe Lemaître est revenu à ses accusations initiales.
"La version de Philippe Lemaître est marquée par trop de louvoiements, de contradictions", a estimé le procureur. "Il y a eu des fuites dans cette procédure" mais il n'est "pas possible de déterminer avec certitude la teneur exacte et l'origine de ces informations". En conséquence, le procureur a requis la relaxe "au bénéfice du doute" pour MM. Lemaître et Masanet et une relaxe "pure et simple" pour MM. Petit et Atlan.
"Rien ne permet de dire, encore aujourd'hui, que (ces derniers) ont communiqué d'une quelconque manière que ce soit des informations couvertes par le secret de l'enquête", a-t-il insisté.
«Probité bafouée»
L'enquête dont le secret aurait été violé correspond au premier volet de cette affaire.
Dans ce pan du dossier, "l'escroc des stars" Christophe Rocancourt et l'avocat Marcel Ceccaldi sont notamment soupçonnés d'avoir, début 2014, tenté de faire régulariser deux sœurs marocaines en demandant à Christian Prouteau et à l'ex-secrétaire d’État Kofi Yamgnane d'intervenir, moyennant rémunération.
"Cette affaire, c'est d'abord l'histoire du naufrage de représentants du pouvoir, de l'autorité ou de la loi qui s'accoquinent avec des escrocs", a estimé la procureure Carine Letor. "Le dénominateur commun, c'est l'exigence de probité bafouée."
Elle a requis quatre ans d'emprisonnement, dont deux ferme, ainsi que 30 000 euros d'amende contre Christophe Rocancourt ; trois ans dont deux ferme, 50 000 euros d'amende et une interdiction définitive d'exercer contre Marcel Ceccaldi.
La procureure a demandé au tribunal de condamner MM. Prouteau et Yamgnane à deux ans d'emprisonnement, dont un ferme, avec respectivement 40 000 euros et 20 000 euros d'amende. La même peine de prison, assortie de 50 000 euros d'amende, a été réclamée pour le notaire Jean-Michel Vulach et dix mois de prison avec sursis ainsi que 5000 euros d'amende pour Alexandra Mallet, la compagne de Christophe Rocancourt.
«Toute-puissance»
Le duo de procureur a enfin requis dans le troisième volet de l'affaire, celui des soupçons de malversations au sein de l'Anas : ils ont demandé cinq ans pour M. Masenet, dont deux ferme, et 30 000 euros d'amende.
"Son autorité, son ascendant, sa main-mise sur l'Anas, accrus par des garde-fous totalement défaillants, en font le principal responsable des détournements constatés", a affirmé Damien Fourn.
Il a demandé sa condamnation pour des interventions rémunérées dans des dossiers de contraventions ou de permis VTC, pour des notes de frais fictives, mais aussi pour la surfacturation de travaux sur la piscine d'un centre de vacances.
Des peines de prison avec sursis, allant jusqu'à 18 mois, assorties parfois d'amendes, ont enfin été réclamées pour sept personnes, dont le fils de M. Masanet, des membres du bureau de l'Anas, un ex-policier et deux restaurateurs. La relaxe a été demandée pour deux derniers prévenus.
Plusieurs prévenus contestent vigoureusement les faits. La défense doit plaider mardi et mercredi.