Le mardi 8 février 2022 à 11:41 - MAJ mardi 8 février 2022 à 12:16
Deux ans de prison, dont un ferme, et une interdiction définitive d'exercer : un ancien chef de la BAC de Douai, qui avait volontairement roulé sur un mineur en septembre 2021, a été condamné mardi pour ces faits jugés "particulièrement graves" par la justice. La peine d'un an ferme sera aménagée, avec détention à domicile sous surveillance électronique, et assortie d'un an de sursis probatoire avec obligation de dédommager la victime.
Le parquet avait réclamé deux ans d'interdiction d'exercer mais le tribunal correctionnel de Douai a souhaité sanctionner "un comportement d'une particulière gravité", "totalement incompatible avec sa fonction de policier", a expliqué la présidente, Karolina Siejka, lors du délibéré. Elle a souligné "l'absence totale de remise en question" de ce fonctionnaire de 47 ans, qui avait établi un procès verbal "erroné" et "cherché à dissimuler" les faits.
Son avocat, Me Emmanuel Riglaire, a annoncé à l'AFP son intention de faire appel "dès aujourd'hui". Évoquant une "instruction à charge", il estime "que ce dossier ne contient aucune preuve de culpabilité". Policier depuis 24 ans et chef de l'une des deux unités de la BAC de Douai, son client était décrit comme un "chasseur" par des collègues dans les PV. Il avait été suspendu en octobre.
L'audience du 18 janvier n'avait pas permis d'établir clairement les faits, qui remontent au 12 septembre, dans un quartier de Douai connu pour son trafic de drogue. La victime, un jeune homme de 17 ans, "guetteur" pour des trafiquants, assure s'être enfuie en voyant arriver une Ford break, connue pour être un véhicule de la BAC.
A l'issue d'une poursuite, après un choc avec la voiture conduite par le policier, l'adolescent a subi des lésions sur les jambes et une fracture au pied, qui lui ont valu six semaines d'ITT. "Ils m'ont roulé dessus", a-t-il résumé à l'audience.
"C'est très lourd"
Dans leurs procès verbaux, les policiers avaient assuré que le jeune homme avait "sauté sur le capot", une version réitérée par le prévenu à l'audience. En mettant son véhicule en travers de la route de l'adolescent, le policier "a voulu bloquer sa progression", avait expliqué Me Riglaire, évoquant une "technique d'intervention des plus classiques".
Mais la version de la victime, "toujours constante", est "confirmée par de nombreux témoignages" ainsi que des éléments du dossier comme le certificat médical, a expliqué la présidente mardi. Et elle "se heurte aux versions fluctuantes des policiers". Ceux-ci ont notamment "cherché à dissimuler" dans leurs premiers rapports, qu'ils avaient fait usage de gaz lacrymogène, et indiqué que la victime s'était enfuie à vélo, "ce qui n'a jamais été confirmé" par les témoignages.
Si le mis en cause "estime avoir agi de manière professionnelle", ses trois coéquipiers - non poursuivis - "ont fini par admettre qu’ils étaient excédés par son comportement" et "considéré que ce n'était pas une méthode réglementaire", a poursuivi la présidente. Selon elle, l'ex-chef de la BAC "a fait le choix d'effectuer une manœuvre dangereuse", conduisant son véhicule "à vive allure", les éléments étant "compatibles avec un coup de volant donné par le conducteur pour percuter la victime".
Enfin, le policier "affirme que si c’était à refaire il referait exactement la même chose" et "adopte une position victimaire" et "dangereuse", "de nature à remettre en cause la sécurité et l’intégrité des citoyens", a-t-elle ajouté.
L'interdiction définitive d'exercer "c'est très lourd", a réagi auprès de l'AFP une source syndicale au sein de la police. "On stoppe la carrière" d'un homme qui passait "pour la première fois" devant la justice, a-t-il observé. "On aimerait que la justice prononce les mêmes peines, avec la même sévérité pour les auteurs d’infractions, notamment les multirécidivistes", a ajouté cette source. Contacté par l'AFP, le ministère de l'Intérieur n'a pas souhaité réagir.