Incendie meurtrier à Paris en 2019 : la suspecte, Essia B., finalement renvoyée aux assises

Essia B. sera finalement jugée devant la cour d'assises pour l'incendie criminel qui avait provoqué la mort de dix personnes et fait des dizaines de blessés, en février 2019, rue Erlanger à Paris (XVIe).
Incendie meurtrier à Paris en 2019 : la suspecte, Essia B., finalement renvoyée aux assises
L'incendie d'un immeuble, le 5 février 2019 à Paris, qui a fait 10 morts et 96 blessés. (Benoît Moser / BSPP - Brigade de sapeurs-pompiers de Paris)
Par Actu17
Le mercredi 2 février 2022 à 22:20

Une femme atteinte de troubles psychiatriques a été reconnue responsable pénalement et devra être jugée par la cour d'assises pour avoir déclenché un incendie dans un immeuble parisien en 2019, faisant dix morts et des dizaines de blessés, ont estimé les juges d'instruction. C'est l'incendie le plus meurtrier dans la capitale depuis 2005.

Les troubles psychiatriques d'Essia B. ont été au cœur de l'information judiciaire : plusieurs expertises se sont succédé pour déterminer si cette femme pouvait être considérée comme responsable pénalement des faits ou si ses troubles avaient aboli son discernement. Concernant les faits, "tous les experts ont exclu un comportement induit par des hallucinations ou une activité délirante", mais ont considéré qu'ils peuvent être "rattachés à l'impulsivité, à l'intolérance aux frustrations et à l'effet de l'alcool consommé par Essia B.", selon des documents consultés par l'AFP.

Dans la nuit du 4 au 5 février 2019, un incendie s'était déclaré au deuxième étage d'une bâtisse, rue Erlanger dans le XVIe arrondissement, peu après 00H30 avant de se propager rapidement à l'ensemble des huit étages. Dix personnes avaient été tuées, 47 autres blessées.

"Toi qui aimes les flammes, ça va te faire tout drôle quand ça va exploser"

Essia B., qui habitait cet immeuble, avait été interpellée - en état d'ébriété et après avoir consommé du cannabis - alors qu'elle tentait de mettre le feu à une voiture, dans une rue voisine. Quelques jours auparavant, elle était sortie d'un séjour de deux semaines en hôpital psychiatrique, le treizième en dix ans.

Peu de temps avant le début de l'incendie, peu après minuit, un voisin avait appelé la police pour se plaindre du bruit causé par cette femme. Cet homme, par ailleurs pompier, l'avait ensuite recroisée dans le hall, une fois reparties les forces de l'ordre venues lui demander de cesser son tapage nocturne. Elle lui avait alors lancé : "Regarde-moi droit dans les yeux. Toi qui aimes les flammes, ça va te faire tout drôle quand ça va exploser", selon le récit du voisin aux enquêteurs.

Selon l'accusation, après le départ des policiers, elle avait "positionné un morceau de bois, un linge et des morceaux de papier" au pied de la porte de son voisin pompier et y avait mis le feu à l'aide d'un briquet.

Mise en examen et placée en détention provisoire, elle doit être jugée pour "destruction par incendie ayant entraîné la mort et (...) des blessures" ainsi que pour "destruction par incendie de biens (...) de nature à créer un danger pour les personnes", selon l'ordonnance de mise en accusation des juges d'instruction datée de mardi, a précisé à l'AFP une source judiciaire, confirmant une information du Parisien. En ordonnant son renvoi devant la cour d'assises, les magistrats instructeurs ont estimé qu'elle était responsable pénalement.

Discernement altéré

Les experts, qui ont souligné la "personnalité borderline" de la mise en cause, estiment que ses troubles ont "altéré", et non aboli, son discernement. Essia B. avait longtemps nié sa responsabilité dans cet incendie, avant de reconnaître les faits. "Le fait d'être revenue sur les lieux m'a mis un choc, j'ai réalisé la gravité de mes actes, j'ai voulu dire la vérité", a-t-elle déclaré en avril 2021 au juge d'instruction. Contacté par l'AFP, son avocat n'a pu être joint mercredi matin.

Les antécédents judiciaires de la quadragénaire font apparaître trois procédures où elle a été mise en cause, sans jamais être condamnée. Deux d'entre elles ont été classées sans suite en 2016, en raison d'un "état mental déficient", l'une pour un "vol avec mise à feu de vêtement" et l'autre pour des violences, avait indiqué le procureur Rémy Heitz peu après l'incendie meurtrier.

Par ailleurs, en 2017, une autre procédure pour "violences conjugales" avait été classée sans suite faute d'infraction suffisamment caractérisée. Cet incendie est le plus meurtrier à Paris depuis le 26 août 2005 quand un feu d'origine criminelle avait fait 17 morts, dont 14 enfants, dans un immeuble vétuste du sud de la ville. L'enquête n'avait pas permis d'identifier un auteur. L'incendie dans un hôtel d'hébergement d'urgence, le Paris-Opéra, habité par des familles d'origine africaine reste le plus meurtrier depuis la Libération avec 24 morts, dont 11 enfants, le 15 avril 2005.