Le mercredi 6 avril 2022 à 23:33
"Je ne peux pas laisser ce démon en liberté" : la douleur et la colère de la mère de Narumi Kurosaki, jeune fille "merveilleuse" dont le corps n'a jamais été retrouvé, ont bouleversé mercredi la cour d'assises du Doubs qui juge Nicolas Zepeda, accusé de l'avoir assassinée.
"Depuis le jour où j'ai enfin compris que c'était lui le coupable, j'ai compris que je ne reverrai jamais ma fille", a confié à la barre Taeko Kurosaki, la mère de l'étudiante de 21 ans qui n'a plus été vue depuis sa dernière soirée avec Nicolas Zepeda, le 4 décembre 2016. "C'est un grand menteur, combien de fois a-t-il menti pendant ce procès ? Il ne dira jamais la vérité pendant ce procès", déplore cette mère qui a complètement réfuté la thèse de la défense, d'une possible "évaporation volontaire".
Depuis le début de son procès, Nicolas Zepeda, ex-petit ami chilien de l'étudiante japonaise, conteste obstinément avoir tué Narumi Kurosaki malgré les nombreux éléments à charge. Il continue d'affirmer que Narumi a "disparu".
Le son de la voix de Taeko Kurosaki résonnait pour la première fois depuis le début de ce procès, le 29 mars. Toute de noir vêtue, elle a commencé son intervention en implorant, tête courbée, la "patience" de la cour pour son débit saccadé, avant de parler en japonais pendant trois heures et demie, sans interruption, se redressant au fur et à mesure que la colère se mêlait à ses sanglots. "Je suis psychiquement détruite et j'ai une grande méfiance à l'égard des humains. J'ai abandonné toute activité professionnelle et je m'isole sans voir personne, c'est la raison pour laquelle j'ai perdu l'habitude de la parole", s'est-elle excusée.
La France, "son rêve"
Le regard fixé vers le sol, elle a décrit en détail Narumi, enfant "merveilleuse" et "gaie" qui "étudiait à la lueur de l'aube" pour ne pas déranger sa famille. Cette enfant à laquelle "tout réussissait", qui faisait la fierté de cette mère divorcée et de ses deux sœurs cadettes. En 2015, Narumi Kurosaki s'épanouit dans ses études à l'Université de Tsukuba, près de Tokyo. "Hélas, c'est dans ce contexte qu'elle rencontra Nicolas Zepeda", regrette sa mère, relevant la tête pour la première fois pour regarder droit devant elle.
Sur le banc des accusés, le Chilien l'observe, avec cette allure impassible dont il ne se départit quasiment jamais. "Pour moi la famille de Narumi était ma famille", avait-il pourtant écrit à un cousin dans un message lu à l'audience mercredi. La mère de Narumi décrit de quelle manière Nicolas Zepeda s'est introduit dans leur famille jusqu'à devenir envahissant. Jusqu'à "voler"Narumi à ses sœurs. Elle finira par dresser sur le pupitre devant elle le portrait de la jeune fille, souriante et radieuse, qu'elle tenait serré sur son cœur et emballé dans un tissu fleuri depuis son arrivée à Besançon. La jeune femme de 21 ans s'était envolée à l'été 2016 pour la France, "son rêve", pour poursuivre ses études à Besançon. Elle rompt avec Nicolas Zepeda en octobre 2016.
Le public, en larmes, applaudit
"Épanouie" et "indépendante", selon ses proches, elle savoure cette nouvelle vie française et entame une nouvelle idylle avec un Français, Arthur Del Piccolo. "Une très belle histoire d'amour", selon lui. Mais Nicolas Zepeda la rejoint sans prévenir à Besançon et passe la soirée du 4 décembre 2016 avec elle. Après cette date, personne ne la reverra et son corps n'a jamais été retrouvé. "Où est-elle ? Rien que ça, je veux l'apprendre", a réclamé, en larmes, la sœur cadette de Narumi, Kurumi, les poings serrés sur le pupitre.
Désespérée, la mère de l'étudiante japonaise a confié s'être rendue au Chili avant l'extradition de Nicolas Zepeda vers la France. "Je voulais voir avec quelle gueule Zepeda continuait à vivre : il avait l'air heureux". "J'ai tenté de me tuer", a-t-elle poursuivi dans une dernière confidence. "Mais j'ai encore deux filles" et "je ne peux pas laisser ce démon en liberté". Fait exceptionnel dans une salle d'audience, à son dernier mot, d'un seul élan, le public, en larmes, a applaudi.
Las, invité à s'exprimer à l'issue des plus de cinq heures de témoignages de la mère et la sœur de Narumi, Nicolas Zepeda a douché tout espoir de réponse. "Je ne sais simplement pas ce que je peux faire pour les réconforter dans leur douleur", a-t-il déclaré, se disant "sans voix, très ému". Le verdict est attendu le 12 avril.