«La sécurité des Français s’est considérablement dégradée» affirme Nicolas Dupont-Aignan

INTERVIEW ACTU17 - À quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons interrogé les douze candidats autour de six questions uniques. Ils abordent les thèmes de la sécurité, des forces de l'ordre et de la Justice.
«La sécurité des Français s’est considérablement dégradée» affirme Nicolas Dupont-Aignan
Nicolas Dupont-Aignan, le 17 mars 2022. (Daniel Fouray / PhotoPQR / Ouest France / Maxppp)
Par Actu17
Le vendredi 1 avril 2022 à 21:06

Ce vendredi, pour notre deuxième interview après celle de Valérie Pécresse, nous avons interrogé le candidat, leader du parti « Debout la France », Nicolas Dupont-Aignan.

Actu17 : Quel bilan faites-vous du quinquennat écoulé en matière de sécurité ?

Nicolas Dupont-Aignan : Le bilan du quinquennat Macron est désolant. Regardons quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : 3,8 millions de crimes et délits ont fait l’objet de plaintes en 2019 dont 970 homicides (+9% par rapport à 2018 et +24% par rapport à 2012), 55 000 violences sexuelles (+12% sur l’année 2019) ou encore 260 000 violences volontaires non crapuleuses (+8% sur l’année 2019), c’est-à-dire des violences gratuites sans but lucratif. Ce total déjà élevé sous-estime la criminalité réelle.

Ainsi, les chiffres des enquêtes de victimation (déclaration des ménages ayant porté plainte) menées par le ministère de l’intérieur sur l’année 2018 sont absolument accablants : 890 000 cambriolages ou tentatives de cambriolage et vols sans effraction sur les seules résidences principales soit plus de 100 vols ou tentatives dans les habitations toutes les heures ; 2,5 millions d’actes de vandalisme contre le logement (1,2 million) et contre les voitures (1,3 million) soit 285 actes de vandalisme toutes les heures ; 1,1 millions de victimes de violences physiques ou sexuelles chaque année dont 80 % de femmes pour ces dernières ; 5 millions de victimes d’injures (en majorité sexistes) et 1,8 millions de menaces ; 1,3 millions de victimes d’escroquerie bancaire, un nombre qui a plus que doublé en 8 ans.

Malgré les chiffres et les actes odieux, le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti ose affirme que parler d’« ensauvagement » ne peux que « développer le sentiment d’insécurité »… ce qui serait « pire que l’insécurité ». Dans de trop nombreux quartiers, l’autorité de l’État est battue en brèche par des délinquants qui violentent et intimident les honnêtes citoyens. Tout ce qui représente le service public français est systématiquement rejeté : agressions verbales et physiques des enseignants, des policiers, des pompiers, des facteurs, des conducteurs de bus, de la SNCF, des médecins…

Le matériel des policiers et des gendarmes est insuffisant et souvent en mauvais état de fonctionnement. Les locaux sont vétustes et exigus. Les procédures d’achat et de maintenance du matériel (véhicules, protections, armement, etc…) obligent les policiers et les gendarmes à attendre des mois pour des équipements dont ils ont immédiatement besoin pour assurer leurs missions : certains d’entre eux sont contraints de porter des gilets pare-balle périmés !

Dans les zones de non-droit, les forces de l’ordre ne reçoivent pas les consignes d’agir et sont contraintes de respecter l’ordre des caïds. Cette inversion des valeurs est une insulte à leur vocation et aux sacrifices qu’ils consentent tous les jours. Ainsi, force est de constater que la sécurité des Français s’est considérablement dégradée et que l’État refuse de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour régler la situation.

Les policiers et gendarmes se disent entravés au quotidien par des lourdeurs procédurales et par le poids de missions non cœur de métier. Que proposez-vous pour que leur action de tous les jours se concentre effectivement sur les missions de sécurité à proprement parler ?

Il est urgent que la procédure pénale ne soit plus une entrave pour les forces de l’ordre et la justice bénéficiant in fine aux délinquants, mais qu’elle soit à nouveau au service des citoyens et adaptée à la nouvelle criminalité.

C’est la raison pour laquelle je souhaite simplifier le Code pénal et le Code de Procédure Pénale afin de les rendre compréhensibles par les citoyens, plus maniables pour les forces de l’ordre et qu’ils permettent de rendre plus rapidement les décisions de justice. Pour ce faire, les mesures les plus importantes que je prendrai sans tarder consisteront à :

- Revoir les tâches des juges d’application des peines afin que les victimes soient davantage informées des décisions.

- Faciliter l’accès à l’information des publications des condamnations sur un site officiel du ministère de la Justice consultable pour ceux ayant à les connaître, étant précisé que la justice est rendue en audience publique au nom du peuple français.

- Rendre obligatoire l’information systématique des services de police, de gendarmerie, des mairies et des victimes sur les permissions de sortie (dont le principe n’est pas remis en cause) ainsi que sur les libérations de détenus une fois la peine exécutée. Sont concernés les services ayant participé à l’interpellation et les services sur le ressort duquel se trouve le condamné et sur son futur lieu de séjour temporaire (permissions) ou définitif (libérations).

- Réduire les tâches matérielles des enquêteurs et supprimer l’obligation de consigner systématiquement les faits et gestes de l’enquêteur en prévoyant que les investigations pourront être exposées dans des synthèses complétées par des éléments audio-visuels.

Une note de la Cour des Comptes de novembre 2021 révèle que le taux d’élucidation des homicides, des violences volontaires et des cambriolages a baissé. Le grand judiciaire comme le petit judiciaire vont mal. La filière n’attire plus. Quelles sont vos propositions pour revaloriser cette filière tant en police qu’en gendarmerie ?

Pour revaloriser la filière judiciaire et l’ensemble des métiers de police et de gendarmerie, la solution est la même : donner davantage de moyens, recruter massivement des personnels, réformer en profondeur le Code de procédure pénale, engager une vaste réforme de la justice pour que la loi défende enfin les victimes et non les délinquants.

Le nombre de suicides dans les rangs de la Police et de la Gendarmerie sont en recrudescence ce début d’année 2022. Quelles sont vos propositions concrètes pour endiguer ce fléau ?

Les suicides dans la police ont augmenté de 60% en 2019. Aujourd’hui, un policier se suicide toutes les semaines à cause de ses conditions de travail. C’est la raison pour laquelle je crois urgent de revaloriser immédiatement l’exercice de vos professions pour que nos forces de l’ordre soient à nouveau fières de servir pour la sécurité de nos concitoyens, en sachant pouvoir compter sur l’appui plein et entier de la puissance publique, sans avoir le sentiment d’être délaissées ou méprisées.

Une partie de la solution se trouve dans la réforme du Code de procédure pénale et dans le recrutement massif non seulement de policiers et de gendarmes, mais de personnels administratifs pour appuyer ces derniers dans les tâches qui ne sont pas leur cœur de métier.

La question de la rémunération constitue un autre volet de la réponse. Je crois urgent de revoir le système des primes accordées en vue d’une meilleure répartition des fonds au sein des commissariats. D’autre part, les heures supplémentaires des forces de l’ordre seront payées, plutôt qu’échangées en temps de repos impossible à prendre. Je revaloriserai le travail de nuit des policiers (statut) et octroyer 55 M€ au titre de l’indemnité de nuit, soit environ 275 €/mois/agent. Surtout, je lancerai des travaux, en liaison avec les syndicats, liés à la mise en place d’un vrai soutien psychologique des personnels.

Mais surtout, je réaffirmerai publiquement le soutien de l’État aux policiers, qui obtiendront les moyens de remplir leurs missions, qui seront toujours soutenus par l’État et qui seront protégés contre tous les discours anarchistes qui cherchent à inverser les rôles en faisant des policiers les coupables et des délinquants les victimes.

La loi de programmation du ministère de l’Intérieur a été présentée en conseil des ministres le 16 mars. Si vous êtes élu Président de la République, changerez-vous ce texte ? Si oui, en quoi ?

Comment ne pas être tenté de soutenir la loi LOPMI telle qu’elle a été récemment présentée ? 15 milliards supplémentaires pour le Ministère de l’Intérieur, investissements massifs dans la transformation numérique et la cybersécurité, doublement des effectifs depuis 2030, simplification de la procédure pénale… Mais comment croire à la mise en œuvre réelle de telles propositions, quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle et après un quinquennat d’inaction pour soutenir les policiers et des gendarmes ? Sans doute Emmanuel Macron, qui allait encore récemment jusqu’à parler de violences policières, espère rééditer sa stratégie cynique du « en même temps ».

Pour ma part, une fois élu, je mettrai réellement en œuvre les objectifs principaux de cette loi et m’engage à faire plus encore pour rendre aux forces de l’ordre les moyens matériels et juridiques de ramener l’ordre. Il s’agira en premier lieu de renforcer et de moderniser les moyens matériels des policiers et gendarmes via une loi de programmation pluriannuelle et de prévoir un mécanisme permettant de gérer les commandes de matériel au plus près du terrain (parc automobile, armes modernes dotées de chargeurs supplémentaires, gilets pare-balles lourds, casques lourds…).

Je recruterai également 30 000 représentants des forces de l’ordre et 10 000 personnels administratifs et techniques et reconstituerai les moyens des services recrutement / formation. A cela s’ajouteront les 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires qui seront recrutés sur la durée du quinquennat pour compenser les baisses d’effectifs des quinquennats Sarkozy et Hollande qui n’ont été que très faiblement rattrapées par Macron (1800 recrutements seulement en 2020). Par ailleurs, sur la durée du quinquennat 10 000 personnels administratifs et techniques seront recrutés pour assurer les tâches de soutien et valoriser leur statut. Il s’agit de remettre les policiers et gendarmes sur le terrain, en ville comme en campagne en reconstruisant la gendarmerie rurale.

Comment imaginez-vous la Police et la Gendarmerie de demain ?

Fières d’elles, disposant des moyens pour remplir leurs missions et rétablissant chaque jour la sécurité dans tous le territoire français, dont la reconquête ne se fera pas sans elles !