Le jeudi 7 avril 2022 à 18:59
Après Marine Le Pen ce mercredi, c'est au tour du président de la République sortant, Emmanuel Macron, candidat de "La République en Marche !" (LREM) de répondre à nos questions ce jeudi.
Actu17 : Quel bilan faites-vous du quinquennat écoulé en matière de sécurité ?
Emmanuel Macron : Tout au long du quinquennat, nous avons eu de cesse d’agir pour la sécurité des Français. Si je ne devais retenir qu’une chose c’est la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes. Nous avons remis du bleu sur le terrain. Nous avons définitivement corrigé la décrue d’il y a plus de dix ans. Pour ce qui est du trafic de stupéfiants, qui pourrit la vie des habitants des quartiers, la création de l’OFAST (l'Office anti-stupéfiants, ndlr) a permis de mieux lutter contre la drogue, avec une coopération de tous les services et un travail du local à l'international pour démanteler les réseaux.
Pour renouer le lien entre police et population, nous avons fait évoluer les missions des policiers et des gendarmes en donnant notamment plus d’autonomie aux acteurs de terrain, en développant les démarches en ligne, en améliorant l’accueil des victimes et en simplifiant la procédure pénale.
En matière de la lutte contre le terrorisme, 37 attentats ont été déjoués et nous nous sommes attaqués aux racines du terrorisme avec la loi renforçant le respect des principes de la République. Enfin, aux côtés des forces de l’ordre, nous avons mené une action inédite de lutte contre les violences conjugales par une prise en charge renforcée et adaptée grâce à une formation systématique des policiers et des gendarmes à la lutte contre ce fléau.
Parce que la sécurité du quotidien des Français doit être assurée sur l’ensemble du territoire, nous poursuivrons le réarmement juridique et matériel pour faire respecter nos lois et nos valeurs par tous : Force d’action républicaine pour rétablir en urgence l’ordre dans les quartiers en crise, doublement de la présence des forces de l’ordre dans la rue et dans les transports, amendes forfaitaires pour les délits qui empoisonnent la vie des Français.
Les policiers et gendarmes se disent entravés au quotidien par des lourdeurs procédurales et par le poids des missions qui ne sont pas le cœur de métier. Que proposez-vous pour que leur action de tous les jours se concentre effectivement sur les missions de sécurité à proprement parler ?
J’entends ces retours, qui ont été au cœur des discussions dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Les policiers et gendarmes s’engagent pour protéger les Français, sur le terrain, là où se passe l’action, pas pour remplir des formulaires, même s’ils sont importants. C’est pourquoi nous voulons libérer du temps aux policiers et aux gendarmes pour leur permettre de se consacrer à leur cœur de métier : protéger les Français.
Plusieurs mesures concrètes ont déjà été annoncées. D’abord, la suppression des tâches dites « indues » : c’est-à-dire de garde de bâtiments officiels, de détenus hospitalisés, de la police des audiences... Ces tâches-là peuvent et doivent être effectuées par d’autres corps de métiers formés pour cela. Ensuite, la substitution des personnels actifs par des personnels administratifs, dont les missions seront développées. Enfin, une simplification de la procédure pénale, explorée notamment par les États généraux de la Justice en cours.
Je veux aussi sanctionner plus durement toutes les atteintes à l’autorité. C’est pourquoi nous inscrirons dans la loi une privation de droits civiques pour ceux qui s’en prennent aux dépositaires de l’autorité publique.
Une note de la Cour des comptes de novembre 2021 révèle que le taux d’élucidation des homicides, des violences volontaires et des cambriolages a baissé. Le grand judiciaire comme le petit judiciaire vont mal. La filière n’attire plus. Quelles sont vos propositions pour revaloriser cette filière tant en police qu’en gendarmerie ?
La valorisation du métier d’enquêteur est un axe de travail important. Nous avons déjà revalorisé la filière investigation avec l’augmentation de 20 % de la prime d’officier de police judiciaire. Cette revalorisation sera poursuivie en 2023. Il nous faut aller plus loin. À compter du mois de septembre 2022, tous les nouveaux gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie seront formés pour devenir officiers de police judiciaire et pourront passer leur examen dès le terme de leur scolarité, alors qu’ils doivent aujourd’hui attendre un an d’exercice pour cela. Ils pourront également s’appuyer à l’avenir sur des assistants d’enquête et ainsi se consacrer pleinement à leur principale mission.
Le nombre de suicides dans les rangs de la Police et de la Gendarmerie sont en recrudescence ce début d’année 2022. Quelles sont vos propositions concrètes pour endiguer ce fléau ?
Avant tout, je veux adresser mes pensées aux familles, aux proches et aux collègues des gendarmes et policiers qui se sont donnés la mort. Nous avons pris la mesure de ce fléau. Depuis trop longtemps, nos policiers et gendarmes travaillaient dans des conditions sans cesse plus dégradées dont les stigmates n’ont pas encore été totalement gommés. Je me suis engagé dans l’amélioration des conditions de travail, non seulement en leur renouvelant leurs équipements, payant les heures supplémentaires accumulées mais aussi en envisageant une réorganisation du rythme de travail et en lançant un vaste plan de modernisation.
Conformément au protocole signé le 2 mars dernier à l’unanimité par les organisations syndicales de la police nationale, je revaloriserai les fonctions les plus exposées avec notamment. Nous responsabiliserons l’encadrement, reverrons les règles de mobilité pour faciliter l’affectation des policiers sur le terrain et améliorerons la qualité de vie au travail des policiers. Près de 800 millions d’euros sur 5 ans seront prévus pour en garantir le financement. Le plan de détection et prévention pour la santé mentale que je mettrai en place si je suis élu apportera une attention toute particulière aux professions exposées.
La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a été présentée en conseil des ministres le 16 mars. Si vous êtes élu président de la République, changerez-vous ce texte ? Si oui en quoi ?
Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur porte des transformations nécessaires pour toujours mieux protéger les Français avec trois objectifs :
- Renforcer la lutte contre la cybercriminalité ;
- Améliorer la proximité, la transparence et l’exemplarité des
forces de sécurité ;
- Se doter des moyens pour mieux faire face aux menaces actuelles
et anticiper les crises de demain.
Cette loi, qui s’inscrit dans la continuité des actions engagées au
cours des cinq dernières années, est au cœur de mon projet pour la
sécurité des Français.
Elle est une des briques du pacte républicain que je propose, avec un objectif : faire Nation. Cela suppose d’investir également dans la justice, et c’est pourquoi nous recruterons 8500 magistrats et personnels de justice supplémentaires d’ici 2027.
Comment imaginez-vous la police et la gendarmerie de demain ?
Dans le cadre du Beauvau de la sécurité, nous avons travaillé à imaginer la police et la gendarmerie de 2030. Au départ, le constat qu’elles devront faire face à de nouvelles formes de délinquance et de criminalité, en particulier dans le numérique. La cyberdélinquance, donc, mais également le terrorisme qui évolue, la violence de plus en plus débridée au sein de notre société et une internationalisation du crime toujours plus importante.
C’est pourquoi elles devront être formées en permanence mais également recentrées sur leurs missions originelles, au plus proche des citoyens. C’est cette police et cette gendarmerie de demain que le projet de loi d’orientation et de programmation vise à faire advenir.