Le lundi 2 mai 2022 à 15:17 - MAJ lundi 2 mai 2022 à 16:56
"Se faire condamner ou se faire tuer ?" : quelques centaines de policiers ont manifesté lundi en France à l'appel de plusieurs syndicats pour protester contre la mise en examen pour "homicide volontaire" de leur collègue qui a tué deux hommes qui auraient forcé un contrôle la semaine dernière à Paris.
A Paris, entre 800 et 1000 fonctionnaires, selon une source policière, se sont rassemblés sur la place Saint-Michel, toute proche de l'ancien Palais de justice et du Pont-Neuf, où le policier a ouvert le feu. "Ça aurait pu finir ainsi, légitime défense pour notre collègue", pouvait-on lire sur des pancartes, avec la photo d'un corps dans une morgue ou celle d'un cercueil recouvert d'un drapeau bleu-blanc-rouge.
«On ne demande pas un permis de tuer»
"S'il n'avait pas tiré, il aurait pu être tué. Il a sauvé ses collègues et voilà comment il est remercié", a dit à l'AFP Yvan Assioma, secrétaire national pour l'Ile-de-France du syndicat Alliance, à l'initiative de l'appel à manifester auquel se sont joints Synergie et l'UNSA Police. "On ne peut pas traiter un policier comme un délinquant", a ajouté Olivier Varlet, secrétaire général de l'UNSA. "Nous demandons une juridiction spécialisée pour qu'il y ait un positionnement commun des magistrats sur l'usage des armes". "On ne demande pas un permis de tuer. Tirer ce n'est pas anodin, cela a un impact psychologique énorme", a expliqué Amandine, une policière des Hauts-de-Seine. "Il y a un refus d'obtempérer toutes les trente minutes. Qu'est-ce qui est acceptable ? Se laisser rouler dessus ?"
🇫🇷 Paris : Plusieurs centaines de policiers sont rassemblés à la fontaine Saint-Michel en soutien au policier mis en examen pour «homicide volontaire» après une intervention sur le Pont-Neuf, à l'appel des syndicats Alliance, UNSA et Synergiepic.twitter.com/rbY1BhHQfB
— Actu17 (@Actu17) May 2, 2022
«Remise en cause systématique»
Dans la nuit du 24 au 25 avril, un policier de la Compagnie de sécurisation de la Cité (CSC), armé d'un fusil d'assaut, a ouvert le feu sur le conducteur d'une voiture et son passager qui auraient tenté de se soustraire à un contrôle. Ils sont décédés sur place et un troisième homme, lui aussi passager du véhicule, a été blessé. Le gardien de la paix, âgé de 24 ans, a été mis en examen, notamment pour "homicide volontaire" concernant le conducteur.
Alors que des élections syndicales sont prévues fin 2022, cette affaire a exacerbé les tensions entre représentants des gardiens de la paix. Le syndicat Unité SGP Police, concurrent d'Alliance, a ainsi décidé de ne pas appeler à manifester et de ne pas "prendre des positions pouvant porter préjudice" au collègue mis en examen, rappelant qu'il est présumé innocent.
«Le problème de la police, c'est la justice»
A la tribune, le secrétaire général d'Alliance Fabien Vanhemelryck a répété que "le problème de la police, c'est la justice", une formule polémique prononcée il y a près d'un an lors d'un rassemblement devant l'Assemblée nationale. A l'époque, 35 000 policiers s'étaient réunis aux abords du Palais-Bourbon, à l'appel de tous leurs syndicats.
Le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) et l'Union syndicale des magistrats (majoritaire) ont respectivement dénoncé une attaque contre l’État de droit et "un appel à manifester (...) nuisible et dangereux dans une démocratie".
L'appel à manifester a été suivi dans une quarantaine de villes du pays, selon les syndicats. A Bordeaux et à Lyon, une petite centaine de policiers se sont rassemblées devant le tribunal. "Ce n'est pas évident d'être policier, les magistrats bien souvent lisent des procès-verbaux, ils sont derrière un bureau, quand nous sommes dans des situations dangereuses", souligne Adrien Lopez, 41 ans, un policier lyonnais. A Strasbourg, environ 80 policiers, certains venus de Nancy, Metz ou Mulhouse, se sont réunis en milieu de journée devant l'hôtel de police. Certains portaient des affichettes "coupable d'être flic", ainsi que des cibles accrochées à leurs vêtements. A Rennes et Lille, ils étaient une quarantaine, à Toulouse une cinquantaine.
"On est surpris de la qualification légale retenue, d'autant qu'il s'agit d’un jeune policier qui n'a pas du tout un profil 'borderline'", a estimé Antoine Davy, secrétaire départemental de l'UNSA Police en Haute-Garonne.
A Paris, une quinzaine de militants contre les violences policières se sont rassemblés face aux policiers et ont brandi des affichettes : "les politiques à la botte d'Alliance, ça suffit !!!" ou "L435-1 = arme de destruction massive", en référence à l'article du code de sécurité intérieur régissant l'usage des armes chez les policiers.
« Alliance = lobbyiste de l’impunité policière »
Des manifestants s’opposant au rassemblement des policiers en soutien à leur collègue mis en examen pour « homicide volontaire » fait face à celui des policiers. Intervention immédiate des gendarmes, nasse en cours. pic.twitter.com/WzoyH58KGj
— Remy Buisine (@RemyBuisine) May 2, 2022