Cambriolage du Louvre : la fuite des voleurs aurait pu être empêchée «à 30 secondes près»

Un rapport présenté au Sénat met en cause la chaîne de sûreté du Louvre après le vol de bijoux du 19 octobre, en affirmant que la fuite des cambrioleurs aurait pu être empêchée si des failles techniques et organisationnelles n'avaient pas retardé la réaction des forces de sécurité.
Cambriolage du Louvre : la fuite des voleurs aurait pu être empêchée «à 30 secondes près»
Des enquêteurs de la BRB lors des constatations à l'endroit où les malfaiteurs ont stationné leur monte-charge, le 19 octobre 2025. (Olivier Corsan / Maxppp)
Par Actu17
Le mercredi 10 décembre 2025 à 14:22 - MAJ mercredi 10 décembre 2025 à 16:48

Une enquête administrative a confirmé ce mercredi que la fuite des cambrioleurs ayant dérobé des bijoux au Louvre à Paris le 19 octobre aurait pu être empêchée à trente secondes près, selon les auditions menées au Sénat. "À 30 secondes près, les agents de (la société de sécurité privée, ndlr) Securitas ou les policiers auraient pu empêcher la fuite des voleurs", a déclaré Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles et l'un des auteurs du rapport.

Dès le début des auditions, les sénateurs ont insisté sur l'importance de ces quelques secondes qui auraient pu changer l'issue du casse. Le président de la commission de la culture du Sénat, Laurent Lafon, a rappelé que "le rapport montre qu'à trente secondes près, les cambrioleurs auraient pu être arrêtés et le butin retrouvé". Il a également souligné que "ces quelques secondes sont importantes. Si les recommandations des audits avaient été mises en œuvre, ces trente secondes auraient été récupérées".


Les rapporteurs ont également souligné que le vol n'était pas le résultat d'un enchaînement de malchance. Laurent Lafon a estimé que ce cambriolage "n'est pas un échec fortuit" et "n'est pas dû à l'accumulation d'un manque de chance, mais bien à des décisions qui n'ont pas été prises pour assurer la sécurité". Ces conclusions s'appuient sur plusieurs audits antérieurs dont les constats étaient concordants.

Les images n'ont pas été consultées en direct

Le déroulement précis du vol a été retracé grâce aux caméras de surveillance. Pascal Mignerey, de la Mission sécurité, sûreté et d'audit au ministère de la Culture, a détaillé que la caméra extérieure avait "bien filmé l'arrivée des voleurs, l'installation de la nacelle, la montée des deux voleurs jusqu'au balcon et, quelques minutes plus tard, leur départ précipité". Mais les images n'ont pas été consultées en direct et, lorsqu'un agent du PC sécurité les a activées, les auteurs avaient déjà quitté la galerie d'Apollon.

Les explications techniques fournies aux sénateurs décrivent une vidéosurveillance incapable d'alerter en temps réel. Laurent Lafon a précisé que "la caméra qui fonctionnait et qui filmait la nacelle n'apparaissait pas à l'écran du PC de sécurité. Il a fallu plusieurs minutes pour décider d'aller chercher et d'activer les images. À partir de cette caméra, on est sur un matériel obsolète qui n'est vraiment pas adapté aux exigences de sécurité". Pour les fonctionnaires déployés ce soir-là, ces défaillances ont représenté un temps perdu impossible à rattraper.

Un audit daté de 2019 avait repéré les faiblesses de la galerie d'Apollon

Les sénateurs ont également mis en lumière une désorganisation interne concernant la gestion des audits de sûreté. Selon Noël Corbin, les enquêteurs ont été "très surpris" par "le problème de transmission des audits de sûreté" au sein du musée lors du changement de présidence en 2021, à l'arrivée de Laurence des Cars. Un audit réalisé en 2019 par le joaillier Van Cleef and Arpels, qui avait repéré l'ensemble des faiblesses de la galerie d'Apollon, n'avait notamment pas été communiqué à la nouvelle direction.

Malgré ces failles, certains fonctionnaires ont réussi à limiter les risques autour du site. Noël Corbin a indiqué que "l'intervention des agents de sécurité aux abords du musée et dans les zones proches du Louvre a permis d'éviter le pire". Les conclusions du rapport s'inscrivent toutefois dans un constat sévère : pour Laurent Lafon, elles pointent "la défaillance générale du musée comme de sa tutelle dans la prise en compte des enjeux de sûreté".

88 millions d'euros de préjudice

Sur le plan judiciaire, le montant du préjudice économique a été précisé par la procureure de Paris Laure Beccuau. Elle a déclaré : "Le préjudice a été estimé par la conservatrice du Louvre à 88 millions d'euros", une somme "extrêmement spectaculaire" mais qui "n'a rien de parallèle et de comparable au préjudice historique", ajoutant que les malfaiteurs "ne gagneront pas" cette somme "s'ils avaient la très mauvaise idée de fondre ces bijoux".

Au lendemain du casse, la ministre de la Culture Rachida Dati avait ordonné une enquête administrative et annoncé plusieurs "mesures d'urgence", dont l'installation de dispositifs "anti-intrusion" autour du musée. Ces décisions ont été validées lors d'un conseil d'administration d'urgence, mais elles n'ont pas apaisé les syndicats, toujours en attente de renforts en personnel alors que le musée fait face à une fermeture de galerie pour avaries et à un appel à la grève des agents.

Les auditions au Sénat vont se poursuivre. La commission doit entendre l'ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, dont le mandat (2013-2021) a vu la réalisation d'audits sécuritaires aujourd'hui qualifiés d'alarmants. Sa successeure Laurence des Cars sera ensuite auditionnée. Pour les sénateurs, l'enjeu est désormais d'établir la chaîne de responsabilités qui a conduit à perdre ces trente secondes décisives, devenues le symbole d'un système de sûreté fragilisé au sein du musée le plus fréquenté du monde.