Le jeudi 24 mars 2022 à 11:07
"Je n'ai agi pour le compte d'aucun groupe. J'ai agi seul...Ce n'était pas réfléchi", a déclaré le codétenu qui a agressé mortellement le militant indépendantiste Yvan Colonna, dont la dépouille est arrivée en Corse mercredi soir, selon plusieurs procès-verbaux d'audition consultés par l'AFP.
Franck Elong Abe, Français né au Cameroun et au parcours chaotique, purgeait une peine pour "association de malfaiteurs terroristes" à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône) quand il a attaqué Yvan Colonna dans la salle de sport le 2 mars.
Rejet de l'idée d'un acte terroriste
"Je n'ai agi pour le compte d'aucun groupe, qu'on soit bien clair. J'ai agi seul", assure-t-il dès le départ. "Il n'y a rien (en) rapport avec une entreprise terroriste, j'ai vu Yvan Colonna et j'ai agi sans penser au reste". Faisant référence aux magistrats devant lesquels il a été présenté, il ajoute se moquer "qu'ils fassent l'amalgame (..) entre un acte de foi ou un acte de terrorisme".
"Vous êtes convaincu qu'il y a un mentor derrière avec des complices, sauf que moi je vous ai dit la vérité, je n'ai pas de mentor". "Dès le départ (...) je vous ai expliqué que ce n'était pas réfléchi et que je n'étais pas dans le jihad".
Les raisons avancées pour l'agression
"Yvan a tenu des propos blasphématoires envers Dieu", a-t-il dit dès sa première audition par les enquêteurs le 2 mars. Lorsqu'ils "abordaient le sujet de la religion", Yvan Colonna "se faisait le procureur de Dieu", a affirmé Franck Elong Abe. "Il faisait des reproches à Dieu, il blasphémait", a-t-il ajouté en accusant le condamné pour l'assassinat du préfet Erignac d'avoir tenu des paroles offensantes "cinq ou six fois sur les huit derniers mois".
"Je considère que Dieu a frappé Yvan Colonna à travers mes mains. Dieu s'est servi de mes mains pour riposter contre celui qui a blasphémé", a-t-il répété.
Il nie la préméditation
"La veille, avant l'attaque, je ne savais même pas que j'allais le faire". "Cela m'est venu d'un coup. Moi j'appelle ça le mektoub, le destin", "quelque chose que vous ne maitrisez pas". "J'aurais attendu tout ce temps pour commettre un acte terroriste" avec à la clé "au moins 10 ans d'isolement", a-t-il demandé aux enquêteurs avant d'ajouter : "Quelqu'un qui aurait prémédité un tel acte aurait réfléchi à tout ça". "J'étais dans un état d'esprit d'agir sur l'instant".
Il précise également que "normalement il n'aurait pas dû y avoir de détenu dans la salle" et qu'à l'heure de l'agression, "Yvan devait être au stade", assurant avoir "été surpris de le voir à la salle de sport", parce que le Corse travaillait à la prison comme "auxiliaire de sport" dédié au terrain de sport extérieur. "Oui j'ai forcément improvisé et oui j'étais parti pour lui ôter la vie", reconnait-il.
Relation avec Yvan Colonna
"Si un jour on m'avait dit que je devais taper Yvan Colonna, jamais je ne l'aurais cru. S'il y en a bien un que je ne voulais pas agresser (...) c'est bien lui", dit-il, ajoutant : "Avec lui au moins on pouvait partager certaines choses", notamment "courir, jouer aux boules et aux échecs". Deux jours avant l'agression, "il a tenu des propos encore offensants envers Dieu. Je n'appréciais pas et je lui ai dit". "Il s'en est excusé".
Ils avaient également des échanges sur d'autres sujets : "J'étais contre le vaccin du Covid et lui était pour", dit-il par exemple, ajoutant "il pouvait y avoir des sujets sur lesquels nous étions d'accord, comme Poutine", le président russe.