«Je t’aurais bien pété tes jambes» : l'IGPN saisie après un enregistrement de policiers menaçant des interpellés

Un enregistrement audio a été diffusé ce vendredi après-midi, dans lequel on entend des policiers intimider et menacer des personnes interpellées. L'une aurait été frappée. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a annoncé avoir saisi l'inspection générale de la police nationale (IGPN).
«Je t’aurais bien pété tes jambes» : l'IGPN saisie après un enregistrement de policiers menaçant des interpellés
Des policiers de la BRAV-M le 4 mai 2019 lors d'une manifestation à Paris. (José Hernandez Camera 51 / Shutterstock)
Par Stéphane Cazaux
Le vendredi 24 mars 2023 à 20:51

Des policiers ont été enregistrés durant une intervention à Paris dans la nuit du lundi 20 mars, alors qu'ils s'adressent à plusieurs personnes qui ont manifestement été interpellées. Cet enregistrement a été révélé par Le Monde et Loopsider ce vendredi en fin de journée. Le préfet de police Laurent Nuñez a annoncé dans la soirée qu'il avait saisi l'inspection générale de la police nationale (IGPN).

L'intervention de police s'est déroulée à l’angle des rues des Minimes et du Béarn dans le IIIe arrondissement de Paris selon nos confrères. Les forces de l'ordre avaient été sollicitées après une nouvelle soirée d'incidents, notamment des dégradations dans le secteur, sur fond de protestations contre la réforme des retraites.

C'est un équipage de la brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) qui est tombé sur ce petit groupe de personnes et qui l'a interpellé. Ces derniers jours, les auteurs de ces incidents à répétition ont pris pour habitude de se disperser dans les rues du centre de la capitale, et d'agir en petits groupes une fois la nuit tombée.

«Tu la fermes ou tu veux la deuxième ?»

C'est vraisemblablement l'une des personnes interpellées qui a réalisé cet enregistrement. On y entend plusieurs policiers tenir des propos intimidants et menaçants envers les interpellés. "Efface ton sourire, efface ton sourire", lance l'un des fonctionnaires. L'homme semble recevoir une claque, puis une seconde. "Tu la fermes ou tu veux la deuxième ?". "Je ne ferme pas", réplique l'interpellé. Les propos intimidants s'enchaînent. On entend l'un des fonctionnaires évoquer des violences : "T’as tellement de chance d’être assis là, maintenant qu’on t’a interpellé, je te jure, je te pétais les jambes, au sens propre… Je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules (…), mais toi, je t’aurais bien pété tes jambes".

Des menaces sont ensuite proférées par un agent : "t’inquiète, ta petite tête, ta petite tête, on l’a déjà en photo, t’as juste à te repointer dans la rue aux prochaines manifs (…). La prochaine fois qu’on vient, tu monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu’on appelle ambulance, pour aller à l’hôpital". Les rappels à l'ordre et les moqueries continuent. Les policiers sont ensuite appelés pour une autre intervention, vers le secteur de Château-d’Eau (Xe). "T’as de la chance, on va se venger sur d’autres personnes", lâche l'un des agents.

Des propos «totalement inacceptables»

Le préfet de police de Paris n'a pas tardé à réagir à cet enregistrement, dans l’émission "C à vous", sur France 5. "Évidemment que ces propos sont totalement inacceptables", a-t-il admis. "Nous sommes extrêmement rigoureux sur l’application des règles déontologiques. Quand j’entends cette vidéo, je suis très choqué". Un extrait de l'émission publié par la préfecture de police sur Twitter. "Nous soutenons les policiers, ce qu’ils font en ce moment est remarquable, mais nous exigeons une déontologie qui soit irréprochable", a poursuivi Laurent Nuñez.

"S'il y a eu des coups portés, ce sont des violences illégitimes et c'est inacceptable", réagit un officier parisien. "Les menaces de violences le sont également. On ne peut pas être policier et lancer des choses comme ça, ce n'est pas tolérable. Il y a néanmoins, en grande majorité sur cet enregistrement, des propos qui relèvent de la déontologie. Les sanctions seront prises et il n'y a pas de généralités à faire".

Ce vendredi matin, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a précisé que onze enquêtes judiciaires concernant des violences présumées commises par des policiers avaient été confiées à l’IGPN, soulignant dans le même temps que 441 policiers et gendarmes ont été blessés durant les manifestations contre la réforme des retraites, partout en France. 457 personnes au total ont été interpellées durant les incidents.